FMJ MtlJeudi, 28e Semaine du Temps ordinaire – C
Frère Antoine-Emmanuel
Ép 1, 1-10 ; Ps 97 ; Lc 11, 47-54
14 octobre 2010
Sanctuaire du Saint-Sacrement, Montréal

Est-ce que tu pries vraiment pour des vocations ?

La moisson est abondante, mais les ouvriers peu nombreux ;
priez donc le maître de la moisson
d’envoyer des ouvriers à sa moisson (Lc 10,12).

À bien y penser, cette recommandation de Jésus est étonnante.
Le maître sait bien que la moisson est abondante.
Il sait tout aussi bien qu’il faut des ouvriers en nombre suffisant
pour moissonner son champ.

Or Jésus nous dit qu’il faut le prier
d’envoyer des ouvriers à sa moisson.
Pour que le maître puisse envoyer des ouvriers,
notre demande, notre prière est nécessaire.
Qu’est-ce que cela signifie sinon que le Maître qui est le Père
ne veut pas forcer les portes de notre histoire.
Le Seigneur prend « au sérieux » notre prière…
ou l’absence de notre prière.
Les ouvriers viendront si nous les désirons,
si nous les désirons vraiment.
Et là se trouve la question fondamentale
de la prière pour les vocations.

Est-ce qu’effectivement nous désirons qu’émergent parmi nous
des hommes et des femmes avec toute leur fragilité humaine
dont la vie dise Dieu à temps et à contre temps ? (2 Tm 4,2)
Le juste nous gène disent les impies dans le Livre de la Sagesse
il s’oppose à notre conduite.
Il devient un blâme pour nos pensées
sa vue même nous est à charge
car son genre de vie ne ressemble pas aux autres (Sa 2, 11..16)

Prier pour les vocations c’est demander au Seigneur
des saints dont la vie nous dérangera,
des hommes, des femmes avec leurs défauts, leurs misères,
mais qui laissent passer Dieu.
Avons-nous le courage de demander cela ?

Prier pour les vocations, c’est demander au Seigneur
d’attirer dans la folie de l’amour des hommes et des femmes
qui brûleront d’amour dans la vie conjugale
– c’est la première vocation chrétienne –
dans la vie consacrée, dans la vie missionnaire, dans la vie sacerdotale.

Si Jésus nous demande de prier le maître de la moisson,
c’est parce que nous ne sommes pas portés à le faire de nous-mêmes ;
et cela parce que la sainteté des autres nous dérange,
nous désarçonne, nous remet en question.

« Je vous enverrai des prophètes et des apôtres » (Lc 11, 49)
dit la Sagesse de Dieu .
Et quel accueil recevront-ils ?
« Vous en tuerez et en mettez en croix, vous en flagellerez (…)
et en pourchasserez de ville en ville » (Mt 23,34).

Ces paroles de Jésus nous disent combien nous avons du mal
à accueillir les prophètes et les apôtres que le Père nous envoie.

« Jérusalem, Jérusalem, toi qui tues les prophètes
et lapides ceux qui te sont envoyés,
combien de fois j’ai voulu rassembles tes enfants
à la manière dont une poule rassemble ses poussins sous ses ailes
et vous n’avez pas voulu » (Mt 23,37)

Le préalable à la prière pour les vocations n’est-il pas
de reconnaître que le vieil homme en nous
ne veut pas se laisser déranger par Dieu,
résiste à faire de la place en soi aux témoins que Dieu envoie,
et ne veut pas côtoyer de saints ?
Si nous reconnaissons cela avec humilité,
si nous reconnaissons que ce sentiment
est le lot commun des humains depuis Caïn
jusqu’aux pharisiens de l’évangile,
alors nous nous mettrons à crier vers Dieu :
oui, Seigneur, nous avons besoin de saints !
Nous avons besoin de couples, de familles rayonnantes de sainteté,
dont la vie dise l’amour qui circule entre les personnes divines.
Nous avons besoin de prêtres qui, comme Jésus, en Jésus,
nous font goûter la Paternité de Dieu.
Nous avons besoin de consacrés, de moines, de moniales
qui nous interdisent de nous installer ici-bas
et nous éveillent à l’espérance.
Nous avons besoin de témoins de l’Amour,
d’apôtres de l’Évangile qui annoncent le Royaume
et servent la réconciliation de toute la famille humaine.

Nous en avons besoin parce que nous avons une espérance,
parce qu’au-delà de toutes les souffrances du temps présent,
au-delà de tous les non-sens de l’histoire,
tout, tout, sera rassemblé dans le Christ.

Nous avons besoin d’ouvriers,
et nous-mêmes nous nous offrons à Dieu comme ouvriers,
ouvriers de la réconciliation et de la communion
de toute la famille humaine dans le Christ à la gloire du Père.

Le vieil homme en moi ne veut pas être ouvrier de la moisson de Dieu,
et il ne veut pas côtoyer et encore moins demander d’ouvriers.
Mais l’homme nouveau, saisi par la Parole,
libéré de la volonté de puissance, crie de tout son être :
Père, les épis sont là par milliards, ils sont prêts à la moisson
parce que ton Fils est mort pour chacun
et nous a ouvert l’espérance de ton Ciel, de ton Cœur.
Envoie des ouvriers, et envoie-moi
pour qu’aucun épi ne pourrisse dans le champ de ce monde,
pour que tous soient rassemblés dans le grenier qu’est ton Cœur
pour être éternellement semés,
en communiant éternellement à ton Amour. Amen.

© FMJ – Tous droits réservés.