FMJ Mtl29e DIMANCHE DU TEMPS ORDINAIRE – C
fr Théophane
Ex 17, 8-13 ; Ps 120 ; 2 Tm 3,14 – 4,2 ; Lc 18, 1-8
17 octobre 2010
Sanctuaire du Saint-Sacrement, Montréal

Garder la confiance

Frères et sœurs, dans l’Évangile que nous venons d’entendre,
Jésus attire notre attention sur la persévérance nécessaire
dans la vie de prière pour tout disciple :
il nous faut toujours prier et sans jamais se décourager (Lc 1,8)
nous dit Jésus.

Frères et sœurs, si Jésus prend le soin de le préciser,
c’est dire l’importance à ses yeux de la prière,
mais aussi qu’il sait combien il ne nous est pas facile
de prier au long des jours avec ferveur et fidélité.

De fait, les difficultés ne nous manquent pas.
Des sollicitations extérieures, en passant par notre paresse
ou le sentiment plus ou moins formulé
que prier ne semble pas changer grand-chose à nos vies.
Il ne nous est pas difficile d’avoir des raisons
pour toujours remettre à plus tard un temps de prière.
De fil en aiguille, notre vie spirituelle en vient alors à s’étioler
et à ne pas avoir de place, ou si peu, dans notre vie.

J’aimerais évoquer avec vous quelques aspects sur la prière
qui transparaissent dans les textes d’aujourd’hui.
Tout d’abord que la prière est une profession de notre foi.
Ensuite, que la prière nourrit notre foi
dans la mesure où elle est orientée vers le Royaume,
vers l’Avènement du Christ.
Enfin, que la prière est une vraie nourriture quotidienne
car elle est l’œuvre de l’Esprit-Saint en nous.

Oui, frères et sœurs, la prière est une profession de foi.
C’est pour cela qu’au terme de l’Évangile de ce jour,
alors que Jésus appelait à prier avec persévérance, il affirme :
« Le Fils de l’Homme, quand il viendra,
trouvera-t-il la foi sur terre ? » (Lc 18,8)
À travers cette réflexion, presque pessimiste,
Jésus veut provoquer notre attention ;
il nous appelle à la vigilance.

En effet, chaque fois que nous décidons de prier,
nous posons un acte de foi.
Prier, en effet, c’est en acte croire que Dieu existe,
qu’il est là, qu’il m’écoute et que,
ce que je suis, ce que je vis est important pour lui.
C’est aussi croire que Dieu – qui est Amour –
veut mon Bien et celui de tout homme et de toute femme.

Prier, c’est reconnaître que Dieu est important dans ma vie,
que j’ai du prix à ses yeux et que je peux, par grâce,
entrer en dialogue avec lui comme un ami avec son ami,
comme un enfant avec son Abba, son Père.

La première Lecture du jour nous dit fort bien
ce lien entre la foi et la prière car pour Israël :
les Amalécites se présentent comme un obstacle
qui barre l’accès à la Terre Promise.
Cette lutte avec les Amalécites
alors que Moïse est en prière sur la montagne,
illustre le combat de la foi d’Israël :
Est ce que le Seigneur est au milieu de nous ?
Sommes-nous réellement le peuple choisi,
son peuple qu’il conduit vers la Terre Promise.
Lorsque la lassitude, la fatigue pèse sur la ferveur de la prière,
le bon combat de la foi est plus difficile.
Ultimement, le grand danger
est que le manque de foi en la promesse
empêche d’accueillir le don de Dieu.

La prière ardente et vigilante se présente alors
comme une nourriture qui alimente et entretient la vie de foi.
Chaque moment de prière est comme une bouffée d’oxygène
pour la vie spirituelle, pour notre vie de foi.

Mais pour que la prière soit une vraie nourriture,
il est nécessaire qu’elle soit orientée vers le don de Dieu,
vers la Terre promise, c’est-à-dire pour nous, vers le Royaume,
vers l’Avènement du Christ,
le Fils de l’Homme dont parle l’Évangile.

En effet, une prière qui serait trop courte,
dans le sens qu’elle ne viserait que les réalités ici-bas
ne peut conduire tôt ou tard qu’à des déceptions
au point de conduire possiblement au doute.
En effet, que demandons-nous dans notre prière au Bon Dieu ?
La réussite, un travail, la fortune, la santé, le beau temps ?
Jésus ne nous a-t-il pas dit : demandez et vous recevrez ?
Oui, c’est vrai, et je crois que nous recevons et recevrons,
mais nous ne recevrons que dans la mesure
où cela nous est nécessaire pour le Royaume de Dieu,
pour participer pleinement à la vie de Dieu
car c’est le désir de Dieu
que de nous faire participer éternellement à sa Vie divine.

La prière fidèle et persévérante qui a pour finalité
cette participation à la vie divine, Dieu l’exaucera.
Cela est assuré : Dieu fera justice à ses élus.

J’insiste sur cette finalité de viser ce qui est éternel
car sinon, notre relation à Dieu
risque d’être marquée par la méfiance,
c’est-à-dire par la non foi en ce qu’il est, en sa bonté.
Nous risquons alors de nous rapporter à Dieu
comme à ce juge sans justice dont nous parle Jésus.
En priant cet Évangile, j’ai découvert que cette idée de Dieu
est plus présente en nous que nous n’osons le croire.
Qui n’a jamais porté ou ne porte actuellement dans sa prière,
une intention importante, noble, juste…
et qui pour l’heure semble rester sans réponse,
ou du moins pas la réponse escomptée ?

Frères et sœurs, je pense entre-autre à cette maman désemparée
devant son fils de 18 ans qui n’accepte plus d’écouter.
Tout dialogue en famille est devenu impossible.
Il ne fait plus rien à l’école.
Et comble de la situation, cette maman vient d’apprendre
que le meilleur ami de son fils se drogue.
Combien de personnes connaissent une telle angoisse,
une telle détresse ou une détresse analogue ?
Peut-être parmi nous ce matin…

Et cette maman, aujourd’hui, est tournée vers le Seigneur
pour crier sa détresse.
Mais elle ne sait que faire,
car sa prière ne semble pas être entendue :
Seigneur, Seigneur, m’as-tu abandonnée ?
Le jour, j’appelle et tu ne réponds pas.
La nuit, point de silence pour moi (Ps 21,2-3).
Cette prière n’est-elle pas valable à tes yeux ? Serais-tu injuste ?

Frères et sœurs, Jésus veut que nous regardions en face cette réalité
qui possiblement habite notre cœur
car cette pensée jette le soupçon sur la bonté et la justice de Dieu ;
elle sème en nos cœurs le doute.

Jésus nous affirme aujourd’hui que Dieu fera justice à ses élus.
Quand ? Au jour de l’Avènement du Fils de l’Homme,
c’est-à-dire de l’Avènement du Christ dans sa gloire,
au dernier jour, au jour du Jugement.

Peut-être, qu’un jour, cette maman verra son fils
revenir de son égarement.
Peut-être aussi qu’il ne suivra pas le chemin qu’elle désire pour lui
et marchera en dehors des sentiers du Seigneur.
Mais doit-elle pour cela remettre en cause sa foi ?
Non, nous assure Jésus.

Appuyée et se nourrissant de la Parole de Dieu,
comme le rappelle Paul,
de la prière de la communauté chrétienne,
elle trouvera la grâce et la force de persévérer dans la prière.
Unie à Jésus, s’appuyant sur Dieu et faisant sa volonté,
par delà la souffrance bien réelle,
elle pourra trouver la paix et la patience,
les mots et attitudes justes face à son fils.

Frères et sœurs, qui sait ce qui se passera
lorsque son fils rencontrera Jésus,
ne serait-ce que dans le face-à-face ultime de sa mort ?
Découvrant l’amour dont il est aimé de Dieu
et la prière des larmes versées par ceux qui l’aiment,
comment douter que la prière qui s’est élevée pour lui durant sa vie
n’aura pas d’effet dans son consentement à accueillir Jésus
et la miséricorde qui s’offre à lui ?

Frères et sœurs, notre prière a plus de poids
que nous n’osons le croire !
Dieu fera justice, ne serait-ce qu’au dernier jour
lorsque tous nous serons réunis dans le Royaume.

En attendant avec espérance l’Avènement du Christ,
où nous vivrons de Dieu en plénitude,
la prière nourrit aujourd’hui notre foi
car elle nous donne de goûter les arrhes de la vie divine.
En effet, l’évangéliste Luc rapporte plus tôt dans son Évangile,
cette invitation de Jésus à demander
et à demander le don par excellence : l’Esprit Saint (cf. Lc 11,13).
Cet Esprit que Jésus a répandu
lors de l’événement de sa Passion rédemptrice,
le Père ne peut nous le refuser
car c’est lui qui nous donne de vivre dès à présent
un avant-goût de la vie trinitaire.
C’est lui qui donnera de supporter les épreuves avec foi.

Frères et sœurs, dans l’homélie prononcée ce matin, à Rome,
à l’occasion de la canonisation de frère André,
le Saint Père a souligné la vie de prière intense
de celui qui s’efforça de soulager la détresse
de ceux qui venait se confier à lui.
On sait que chaque jour fr André priait le chapelet
et le chemin de croix, et qu’il faisait prier les gens avec lui.
Sa foi était ardente,
et bien qu’il essayait de soulager la souffrance des gens,
il leur disait : « Ne cherchez pas à vous faire enlever les épreuves,
demandez-lui plutôt la grâce de bien les supporter ».
Il recommandait ce qu’il vivait lui le premier car il reconnaissait
« que c’était dans le temps où il avait eu le plus d’épreuves
que son œuvre avait le mieux réussi »,
que sa fécondité avait été la plus belle.

Frères et sœurs, en cette Eucharistie,
par notre communion au corps et au sang du Christ,
nous allons comme à chaque Eucharistie
vivre une nouvelle effusion de l’Esprit.
Désirons accueillir ce don de l’Esprit et vivons,
au long des jours, par delà les épreuves, dans ce désir de Dieu
et ce désir qu’il façonne notre vie à l’image de Jésus.
Là sera la plus belle de nos prières. Amen.

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