FMJ Mtl28e DIMANCHE DU TEMPS ORDINAIRE – C
Frère Antoine-Emmanuel
2 R 5, 14-17 ; Ps 97 ; 2 Tm 2, 8-13 ; Lc 17, 11-19
10 octobre 2010
Sanctuaire du Saint-Sacrement, Montréal

Par des chemins inattendus

Frères et sœurs, regardons ce matin ce que Naaman
le général syrien lépreux a vécu : quelque chose d’extraordinaire !
Se baignant sept fois dans le Jourdain,
il a vu sa chair redevenir celle d’un enfant.
Sa chair rongée par la lèpre, sa chair purulente, gangrenée,
il l’a vue redevenir intègre, douce, belle comme celle d’un enfant.

Jamais le général syrien commandant en chef des armées araméennes
n’avait imaginé qu’un jour il serait guéri en se plongeant
dans les eaux d’un petit fleuve et, à l’étranger qui plus est.
Il aura fallu que deux personnes interviennent :
une esclave étrangère au service de sa femme
qui a dit qu’il y avait un prophète en Samarie susceptible de le guérir,
puis ses propres serviteurs qui le convaincront d’obéir à Élisée,
de faire le geste très simple qu’Élisée lui demandait :
se baigner sept fois dans le Jourdain alors que le général pensait
qu’Élisée s’approcherait de lui
et le guérirait par des invocations et par un geste de ses mains.

Le Dieu d’Israël est un Dieu qui guérit,
mais le chemin de la guérison est inattendu !
Seuls les petits – la servante étrangère,
les serviteurs de Naaman –ont l’intuition de cela.
Ce que Dieu a caché à des sages et des savants,
Il l’a révélé à des petits (cf. Lc 10,21).
Les serviteurs avaient compris que Dieu allait agir
par une médiation simple, ordinaire, même déconcertante.
Surtout ils avaient compris que la guérison
viendrait de l’obéissance à ce que demandait le prophète Élisée.

C’est ainsi que Naaman fut purifié puis retourna voir le prophète Élisée
pour confesser devant lui que le seul Dieu est le Dieu d’Israël,
et pour offrir un cadeau au prophète, cadeau que le prophète refusera
parce qu’il ne voulait rien s’attribuer du miracle.
Le miracle est l’œuvre de Dieu, de Dieu seul.

*

Et les dix lépreux de l’Évangile ?
Eux aussi feront l’expérience d’une manière toute inattendue d’être guéris !
En s’approchant de Jésus, ils s’attendaient à une parole d’autorité,
ordonnant à la lèpre de les quitter, ou à un geste, même à distance ;
une parole ou un geste semblable à ceux que Jésus avait fait
tant et tant de fois pour guérir les malades.

Or aujourd’hui Jésus procède d’une toute autre manière :
il leur ordonne d’aller immédiatement se montrer aux prêtres.
Ils savaient très bien qu’un lépreux ne se présente au prêtre
que lorsqu’il est guéri et qu’il faut qu’un prêtre
constate officiellement la guérison advenue.
Or Jésus le leur demande alors qu’ils ne sont pas encore guéris.
Il leur faut une confiance et une obéissance impressionnante
pour prendre le chemin de la maison du prêtre…
Et ils furent guéris en chemin, simplement en chemin, sur la route !
La guérison advient de la manière
la plus inattendue qui soit : sur une route.

À l’exemple de Naaman, un des dix lépreux fait de suite demi-tour :
il veut tout de suite aller – en louant Dieu – remercier Jésus.
Et le voilà prosterné devant Jésus.
Il est revenu « rendre gloire à Dieu » comme le dit Jésus lui-même.

*

Frères et sœurs, il faut nous arrêter sur ces deux récits,
et les méditer en profondeur.

Tous nous portons au plus profond de nous le désir de vivre,
et par conséquent le désir de guérir,
le désir d’être débarrassés de tout ce qui fait obstacle en nous
à l’amour, à la vie, à la joie, à la fécondité.
Seigneur qu’ils sont nombreux mes oppresseurs
crie le psalmiste ! (Ps 3,2)
Nous portons en nous tellement d’oppresseurs
que sont toutes les tendances égoïstes de la chair (Ga 5,16).
Et ce sont ces oppresseurs intérieurs
qui font que nous devenons des oppresseurs pour les autres,
qui font que le monde est rempli d’oppression et d’injustices.
Nous sommes tous lépreux d’une manière ou d’une autre.
Que nous disent les deux récits de guérison de ce jour ?
Ils nous disent quatre choses :
La première c’est que Dieu veut nous libérer,
qu’Il veut et peut nous purifier.
Il veut nous redonner la chair d’un enfant,
c’est-à-dire nous refaçonner en enfants de Dieu confiants et joyeux.
La joie, l’émerveillement de Naaman qui voit sa chair
redevenir celle d’un enfant, nous le vivrons,
nous connaîtrons cette joie, cet émerveillement
autant de fois que nous crierons vraiment vers Dieu.

La deuxième leçon à tirer de ces récits évangéliques
est que notre purification, notre guérison
peut venir par le chemin le plus inattendu qui soit.
Cela veut dire que nous pouvons avoir demandé au Seigneur
une grâce de conversion pour nous-mêmes, pour les autres,
pour le monde, et qu’Il nous semble ne pas avoir été écouté.
Mais en réalité Dieu est à l’œuvre d’une manière
que nous ne savons – ou ne pouvons – voir.
Le Seigneur est en train de répondre à ta prière si tu crois.
Si tu Lui fais confiance,
tu Lui permets de mener à son terme son œuvre de grâce !

Le troisième enseignement est qu’il nous faut être très attentifs
à ce que disent et ce que vivent les plus petits,
ceux que l’on oublie, ceux qui ne comptent pas.
C’est une servante étrangère
qui a dévoilé à Naaman le chemin de la guérison ;
ce sont des serviteurs
qui lui ont permis d’être effectivement guéri.
C’est un samaritain – un étranger, un hérétique –
qui lui seul est retourné pour rendre grâce.
N’y a-t-il pas près de nous une personne simple, pauvre,
dont la vie, dont les paroles nous disent les chemins de Dieu ?

Les vrais maîtres pour ce qui est de la vie avec Dieu
sont souvent les plus petits ! Il suffit de penser à frère André !

Le dernier enseignement commun aux deux récits
est la nécessité de la confiance, de l’obéissance.
Si le Seigneur t’appelle à te baigner sept fois dans le Jourdain,
vas-y !
Si le Seigneur t’appelle à te présenter à un prêtre
alors que tu es encore plein de lèpre, vas-y !
Nous ne pouvons guérir sans obéir.
Nous ne pouvons guérir sans renoncer à notre volonté propre
elle-même lépreuse.
Qu’elles sont précieuses, frères et sœurs,
toutes les médiations humaines et sacramentelles
que le Seigneur nous donne.
C’est bien là que se joue notre confiance en Dieu !
Prenez le sacrement du pardon :
voilà une médiation faite d’éléments bien pauvres :
un homme pécheur qui est prêtre,
un confessionnal quelque part dans une église,
quelques mots, avec peut-être de l’inquiétude
et beaucoup d’imperfections de part et d’autre…
Mais voilà un lieu de guérison extraordinaire,
un lieu de résurrection !

Le Seigneur veut et peut nous purifier jusqu’au fond de l’âme.
Il le fait par des chemins inattendus
que les plus petits savent nous indiquer.
Il le fait en nous demandant toute la confiance,
toute l’obéissance dont notre âme est capable.

Il le fait ! Il le fait aujourd’hui.
Il le fait au cours de cette Eucharistie où le Christ Jésus
est présent avec toute la puissance de son Amour qui guérit
et régénère toutes les fibres de notre être.
L’Eucharistie est plus, tellement plus que le Jourdain.
Elle est fleuve de Vie qui traverse et purifie notre être tout entier
quand nous lui donnons toute notre foi.

*

Oui, le Seigneur veut travailler en nous et ciseler en nous
la sainteté qu’Il désire pour nous.
Notre guérison, notre vrai et profonde guérison, que sera-t- elle ?
Elle sera ce dont Paul nous a parlé dans la deuxième Lecture.
Elle sera notre capacité de nous donner ; elle sera de parvenir à aimer.
Un chrétien guéri c’est un homme, une femme
qui meurt avec le Christ, c’est-à-dire qui aime jusqu’à donner sa vie.
Un chrétien en pleine santé spirituelle, c’est un homme, une femme
qui persévère dans l’épreuve avec le Christ,
qui souffre avec le Christ pour l’annonce de l’Évangile.

Frères et sœurs, elle est sûre cette parole :
Si nous mourons avec le Christ, avec Lui nous vivrons.
Si nous souffrons avec le Christ, non seulement nous vivrons avec Lui,
mais nous règnerons avec Lui ! (2 Tm 2,11-12)
En cette veille de l’Action de grâce,
nous te bénissons Seigneur avec le Samaritain
pour ton œuvre de guérison en nous et en tous ceux et celles
qui dans toute religion, toute race et peuple se confient à Toi.
Béni sois-Tu pour les chemins inattendus
par lesquels Tu nous conduis pour que nous puissions mourir avec Toi,
pour que nous puissions souffrir avec Toi
afin que tous puissent vivre et régner avec Toi. Amen.

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