FMJ Mtl6e DIMANCHE DE PÂQUES – C
Frère Antoine-Emmanuel
Ac 15, 1-2.22-29 ; Ps 66 ; Ap 21, 10-14.22-23 ; Jn 14, 23-29
9 mai 2010
Sanctuaire du Saint-Sacrement, Montréal

Église humiliée et si belle !

L’Église d’Antioche est en plein trouble,
en pleine agitation (cf Ac 15,2).
Car viennent d’arriver des judéo-chrétiens
des alentours de Jérusalem qui affirment aux païens convertis :
« Si vous ne vous faites pas circoncire
suivant l’usage qui vient de Moïse,
vous ne pouvez être sauvés » (Ac 15,1).

Ont-ils raison ?
Ont-ils tort ?
Paul et Barnabé qui prétendent le contraire ont-ils raison ?
Ont-ils tort ?

Est-ce que le salut peut ne reposer
que sur la foi dans le Christ Jésus ?
Est-ce qu’il suffit de mettre en Jésus sa confiance
pour être sauvé du feu éternel ?

Ou, en d’autres termes :
devons-nous perdre « l’assurance-salut »
que donnent les observances rituelles
pour ne compter que sur Jésus le Crucifié-Ressuscité ?

*

Le mérite, l’immense mérite de l’assemblée de Jérusalem
a été de dire oui !
Quelle audace, quelle extraordinaire audace
ont eu les apôtres et les anciens !
Ils auraient pu se cramponner aux observances,
mais, poussés par l’Esprit, ils ont confessé
que c’est par la grâce du Christ
que nous sommes sauvés (cf. Ac 15,11).

Ce jour-là, ils ont jeté l’Église dans la foi.
Tout repose sur la foi au nom de Jésus !

Qu’elle est alors belle cette Église des premiers temps !
La beauté de l’Église est dans cette folie de la foi.
En elle apparaît déjà la beauté de l’Épouse
belle comme une jeune mariée parée pour son époux (Ap 21,2).
Elle resplendit de la gloire de Dieu.
Non de la gloire des hommes
mais bien de la gloire de Dieu ! (cf. Ap 21,11)

*

Frères et sœurs,
regardons un instant l’Église catholique en occident aujourd’hui.
À l’extérieur elle est humiliée :
la pratique religieuse s’est effondrée,
les vocations sont rares,
on ferme des lieux de culte.
À l’intérieur aussi elle est humiliée :
les scandales s’étalent dans les journaux.

Nous vivons un moment difficile, pénible.
Mais ne serait-ce pas un moment de grâce !
Une occasion pour jeter à nouveau l’Église
dans la foi au Christ Jésus ?

Notre assurance, notre rassurance,
ne reposera plus sur la puissance de l’Église,
ni sur son nombre,
ni sur sa renommée,
ni même sur la sainteté de ses membres.
Tant mieux !

Qu’elle est belle l’Église quand elle ne cache pas
la faiblesse de ses membres et qu’elle chemine, joyeuse
en mettant sa confiance en Jésus :
Sa source de lumière, c’est l’Agneau (Ap 21,09)
« Ce n’est pas nous que nous prêchons,
mais le Christ Jésus, Seigneur (…)
Le Dieu qui a dit que des ténèbres resplendisse la lumière
est Celui qui a resplendi dans nos cœurs (…)
Mais ce trésor, nous le portons en des vases d’argile,
pour que soit bien manifeste,
que cette puissance extraordinaire appartient à Dieu
et ne vient pas de nous » (2 Cor 4, 5-7).

Quand notre péché tombe entre les mains
du jugement sans miséricorde des humains,
nous devenons l’opprobre de notre temps.
Mais parce que ce même péché,
et le péché de nos détracteurs,
nous le remettons entre les mains de Jésus,
nous nous relevons
et nous offrons ce même relèvement à nos ennemis.

Notre force n’est pas notre sainteté personnelle,
elle est l’amour du Christ
qui nous ouvre sans cesse le chemin de la conversion
en nous déchargeant du poids insupportable du péché du monde.

« Je vous laisse la paix, je vous donne ma paix » (Jn 14,27),
nous dit Jésus aujourd’hui.
À nous d’accueillir cette grande paix,
cette réconciliation extraordinaire avec le Père
qui nous vient du Sang de Jésus.

Qu’elle va être belle l’Église, frères et sœurs,
si nous ne nions pas nos fautes,
si nous ne nous justifions pas,
et si nous témoignons que notre force, notre vie, notre joie
ne repose pas sur nos mérites, mais sur Jésus.
Et que, fondés sur la foi,
nous nous employons à réparer nos fautes
et à pardonner nos détracteurs.

Notre existence ne dépend pas du jugement des médias,
elle dépend du jugement de Dieu
et le jugement de Dieu, c’est la croix glorieuse de Jésus,
c’est une embrassade éternelle offerte à tous les cœurs pénitents.

Tout repose sur la foi au nom de Jésus.
La question essentielle,
l’unique question de notre vie et de la vie de l’Église
est celle de notre amour pour Jésus.
M’aimes-tu de charité plus que les autres ?
M’aimes-tu de charité ?
As-tu de l’affection pour moi ? (cf. Jn 21, 15ss)

Si quelqu’un m’aime, nous dit aujourd’hui Jésus,
c’est-à-dire si quelqu’un accueille et garde ma Parole,
qui est une parole d’amour éternel pour nous, alors…
Et là le vertige nous prend – alors mon Père l’aimera, –
c’est-à-dire il déversera son amour divinement fécond en toi,
et nous viendrons chez toi
et nous ferons, nous fabriquerons, notre demeure en toi.

C’est vertigineux !
L’être de péché que je suis
peut devenir la demeure aimée des personnes divines.
La Trinité vient danser en toi.
Elle vient t’emporter dans sa danse,
dans sa valse où l’amour se donne,
l’amour reçoit,
l’amour se remet
et l’amour déborde…
Tout cela, si tu aimes Jésus en accueillant sa Parole.

Ce n’est pas :
« si quelqu’un est parfait et sans péché »,
mais : « si quelqu’un m’aime ».

N’est-ce pas cela le mystère de l’Église ?
Un peuple de pécheurs qui aime Jésus
et se nourrit de Lui, et qui, dès lors,
accueille en son sein la danse des personnes divines.

La mission de l’Église n’est pas de donner des leçons au monde.
Sa première mission n’est pas
de construire des hôpitaux et des écoles.
Sa première mission est de donner Dieu au monde.
Dans sa pauvreté de vases d’argiles,
elle est sacrement,
elle donne au monde la joie de Dieu qui danse en elle.
Elle est sacrement du grand pardon qui ouvre le Ciel !

Et parce que cet amour l’habite, la brûle, l’enflamme,
elle construit des hôpitaux,
elle visite les prisonniers,
elle exorcise les possédés,
elle enseigne la vérité qu’elle reçoit de Dieu.
Et c’est bien sur cet amour
que nous serons jugés (cf. Mt 25,31ss).

Mais elle n’est jamais aussi belle que dans la liturgie
quand elle s’oublie pour chanter la Miséricorde divine
et pour s’en imprégner afin de la répandre sur le monde.
Église humiliée qui met en Jésus ta foi,
tu es belle aux yeux de Dieu,
et ta beauté se reflètera dans le service irremplaçable
que tu offres au monde d’aujourd’hui :
dépêche-toi d’aller offrir au monde le sourire de Dieu.

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