FMJ MtlDIMANCHE DE LA DIVINE MISÉRICORDE – C
Frère Antoine-Emmanuel
Ac 5, 12-16 ; Ps 117 ; Jn 20, 19-31
11 avril 2010
Sanctuaire du Saint-Sacrement, Montréal

Le monde nouveau, monde de la miséricorde

« Thomas, porte ton doigt ici et vois mes mains,
porte ta main et entre dons mon côté.
Thomas, ne sois pas incrédule, mais croyant » (Jn 20,27).

Frères et sœurs, Jésus a un désir immense
de faire entrer Thomas dans la foi,
de le faire participer à l’événement du jour de Pâques.

Car il s’est passé un événement capital, extraordinaire
le soir de Pâques :
Jésus a soufflé, a donné aux disciples
son propre souffle de Ressuscité
en leur disant « recevez l’Esprit Saint » (Jn 20,22).

À ce moment là, pour l’évangéliste Jean, la Pâques de Jésus,
– son élévation vers le Père –
était accomplie
parce que la vie de la Résurrection,
– l’Esprit du Ressuscité –
a été insufflée dans l’humanité.

Jésus n’est pas ressuscité pour lui-même,
mais bien pour nous,
pour ressusciter en nous,
pour nous saisir tous dans sa montée vers le Père.

C’est pour tous les humains, c’est pour toi, pour moi,
que Jésus a soufflé sur ses disciples ce soir-là.

*

Mais un « souffle » sur le monde,
est-ce que cela ne nous rappelle pas la création ?
Dieu souffla et le souffle de Dieu planait sur les eaux (Gn 1,2).
Comment a jailli la création ?
La création a jailli de ce souffle et de la Parole de Dieu
et c’est comme cela que du tohu bohu, du chaos originel,
a émergé le cosmos dans son ordre et sa beauté.
En soufflant sur les siens, que fait Jésus ?
Il donne vie à une nouvelle création, à un monde nouveau.

Jésus, envoyé par le Père, est venu dans le chaos du péché
pour y souffler et il y faire émerger un monde nouveau,
avec son ordre et sa beauté.

Ce n’est pas une nouvelle création ailleurs,
en dehors de la première création,
mais une nouvelle création à l’intérieur de la première création,
une nouvelle création qui tressaille en nous (cf. Lc 1, 41.44).

*

Mais quelle est la parole créatrice, re-créatrice,
qui suscite ce monde nouveau ?

C’est une parole qui revient trois fois
dans l’Évangile de ce jour :
« Paix à vous ».
Prenons le temps de l’entendre, de l’accueillir en nous :
à nous qui sommes dans le chaos de nos misères,
de nos péchés et de la mort,
Jésus ressuscité nous dit aujourd’hui par trois fois :
« Paix à vous ! »

Cette paix, ce n’est pas une tranquillité individuelle :
C’est une paix-avec !
Paix avec Dieu d’abord et essentiellement.
Et, de là, la possibilité, le don, de la paix avec les autres.

La « paix » du Ressuscité est ré-conciliation,
elle est la restauration de nos relations,
l’exode de notre solitude malheureuse.
Elle est pleine de rencontre, de dialogue, de communion ;
elle est pleine de vie.
Elle est pleine de joie
comme les disciples en font l’expérience.

C’est vraiment un monde nouveau qui jaillit,
le monde de la miséricorde divine qui se répand en nous.
La miséricorde, c’est le pardon donné en absolue gratuité
et c’est aussi un amour qui se penche sur toutes les nécessités de l’être aimé.
Voilà ce qui déborde du cœur du Ressuscité,
ce cœur dont Jésus montre la blessure à ses disciples.

*

Aujourd’hui, les disciples sont introduits dans le monde nouveau,
mais ils sont aussi envoyés dans le monde ancien
pour y porter la Miséricorde.

De même que Jésus est l’apôtre du Père
– et ce terme apparaît ici pour la première fois
dans l’évangile de Jean –
de même les disciples sont envoyés ;
ils deviennent aujourd’hui pleinement apôtres.
Apôtres pour porter au monde la Miséricorde !

De fait il se passe quelque chose d’extraordinaire
que le Premier Testament n’avait jamais vu,
et sans doute pas même imaginé.

À des humains, à de pauvres humains,
est confiée la rémission des péchés,
c’est-à-dire la réconciliation avec Dieu.
Ils reçoivent pour nous le pouvoir de remettre les péchés
et le pouvoir de retenir les péchés.

Par eux, la Miséricorde divine va parcourir le monde
et parcourir les générations.
Le feu que Jésus est venu allumer sur la Terre (cf. Lc 12,49)
va pouvoir se répandre.
C’est le feu de la miséricorde qui fait obstacle au mal,
qui l’arrête, le consume.

Le pouvoir inouï, divin, que le crucifié a de consumer le mal
par sa souffrance brûlante d’amour,
ce pouvoir éternisé dans la résurrection,
se répand désormais sur la terre par l’Église.

Nous étions dans un monde de condamnation,
avec nos portes fermées par peur de la loi, (cf. Jn 20,19)
et aujourd’hui, Jésus nous ouvre le monde de la miséricorde.
Que le Seigneur nous donne
de goûter ce monde nouveau aujourd’hui !

*

Ce monde de miséricorde
est semblable à une graine de moutarde : (cf. Mt 13,31)
Il est très discret; un peu d’eau sur le front d’une baptisée,
quelques mots dans un confessionnal
mais quand il grandit en nous,
il devient extrêmement fécond !
Nous devenons des miséricordieux
et donc des bienheureux (cf. Mt 5,7)

Ce monde de miséricorde
est comme un trésor caché dans un champ : (cf. Mt 13,44)
quand on le trouve, quand on le goûte,
Quand on se découvre pardonné par Dieu, « miséricordié » par Dieu,
alors, on vend tout pour vivre de ce trésor et pour le partager.

Ce monde est encore semblable à un homme
à qui son maître, son roi,
a remis une dette de plusieurs millions de dollars, (cf. Mt 18,23 ss)
et qui court vers tous ceux qui lui devaient quelques pièces
pour leur remettre leur dette
et prendre soin de toutes leurs nécessités.

La miséricorde est la pierre sans cesse rejetée par les bâtisseurs,
mais qui est la pierre d’angle du monde
qui ne passera pas (cf 1 Co 13,8).
Une communauté, une famille, un couple ne tient
que s’il a pour pierre d’angle la miséricorde.
Enlevez cette pierre, tout s’écroule.
Bâtissez autour d’elle, tout tient et tout tiendra.
Et cette pierre, c’est le Christ, c’est le Ressuscité,
qui confiait à Sœur Faustine :
« Ma fille, dis que je suis l’Amour
et la Miséricorde en personne. »

Mais comment entrer dans ce monde nouveau?
Jésus nous répond au cœur même de l’Évangile de ce jour :
Heureux ceux qui n’ont pas vu et qui ont cru ! (Jn 20,29)
Heureux ceux qui croient : ils entrent dans le monde de la miséricorde!

La foi nous ouvre les trésors de la miséricorde divine.
En adhérant de tout notre cœur,
de toute notre intelligence à la foi de l’Église,
nous permettons à l’Esprit de s’emparer de nous
et de nous lancer sur les flots de la miséricorde.
Nous n’avons plus peur de pardonner
parce que nous avons découvert le cœur de Jésus,
ce cœur, disait Jean-Paul II,
« d’où jaillit la grande vague de miséricorde
qui se déverse sur l’humanité » (Homélie du 30 avril 2000).

Cette vague, appelons-la sur notre monde entier
et qu’elle se déverse maintenant sur nous tous ici rassemblés
en une nouvelle effusion de joie.

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