FMJ Mtl31e DIMANCHE DU TEMPS ORDINAIRE – C
Frère Antoine-Emmanuel
Sg 11, 22 – 12, 2 ; Ps 144 ; 2 Th 1, 11 – 2, 2 ; Lc 19, 1-10
31 octobre 2010
Sanctuaire du Saint-Sacrement, Montréal

Tu es venu juste pour me voir ?

Frères et sœurs, il y en a au moins un parmi nous
qui ne cache pas ce qu’il pense :
c’est Dieu !
« J’ai pitié de tous parce que je peux tout.
J’aime tout ce qui existe,
je n’ai de répulsion envers aucune de mes œuvres
car je n’aurais pas créé un être
en ayant de la haine envers lui. » (cf. Sg 11,24)

Cette déclaration d’amour de Dieu
est d’autant plus bouleversante
qu’elle s’adresse en premier lieu non pas au peuple élu,
mais aux Égyptiens, aux païens !

L’amour de Dieu est un amour universel.
Le feu qui brûle dans le cœur de Dieu
est le feu d’un amour universel.

Il n’y a pas un visage qui ne fasse palpiter le cœur de Dieu !
Il n’y a pas un visage qui ne lui fasse perdre la tête.

*

Frères et sœurs, est-ce que nous vivons de cet amour ?
Il y a beaucoup de gens qui vivent dans la nuit :
ils savent que Dieu est amour, mais ils n’en vivent pas.
Et sans lumière, on tombe, on se blesse,
on blesse, on se décourage.

Aujourd’hui, le Seigneur nous appelle
à demeurer quotidiennement dans la lumière de son Amour,
à garder au cœur son Amour pour nous,
son amour pour toute personne.

*

Cet Amour est si grand, si brûlant,
que Dieu ne pouvait pas ne pas nous le manifester, nous le dire.
L’Amour a poussé Dieu à se manifester
de manière tangible, visible, charnelle et inoubliable.
Comment ?
En venant au milieu de nous en la personne de Jésus.
L’Amour est venu à notre rencontre…
C’est ce que nous voyons aujourd’hui à Jéricho.

Mettons-nous un moment dans la foule de Jéricho.
Nous sommes, nous tous, ici présents, la foule de Jéricho.
Avec Jésus, nous traversons cette ville riche et fleurie,
dans un climat de joie.
Avec nous, il y a toutes sortes de gens
qui se pressent pour être proche du rabbi
qui vient de guérir l’aveugle Bartimée.

*

Or Jésus s’arrête et va accomplir un geste prophétique.

Les prophètes ont souvent révélé Dieu
à travers des gestes
comme Osée épousant une prostituée
pour que le peuple comprenne
qu’il est en train de répondre à l’amour de Dieu
en se prostituant.

Le geste – prophétique – de Jésus est extraordinaire.
Il s’arrête et lève le regard vers un homme tout petit
que peut-être personne n’avait remarqué
parce qu’il était caché dans un arbre, un sycomore.
Et cet homme était rien de moins qu’un juif
devenu collecteur en chef des impôts pour l’occupant romain.
Il était de ceux dont on disait
qu’il était désormais exclu de la postérité d’Abraham
tant son péché rendait le retour, la teshouvah, impossible.

Or Jésus, au vu et au su de tous, s’arrête et s’adresse à lui.
Non pas pour lui reprocher ses sombres magouilles,
mais pour lui dire qu’il voulait, – qu’il devait –
demeurer aujourd’hui même chez lui.
Et cela au vu et au su de tous…

Il nous faut entendre le murmure de contestation,
de scandale, de jalousie, de la part de la foule :
« Tous, – oui tous – murmurent et disent :
c’est chez un homme pécheur qu’il est allé loger… » (Lc 19,7).

Car il n’est pas juste dit que Jésus ait mangé chez Zachée,
ce qui déjà aurait fait scandale,
mais il est bien dit que Jésus a « logé » chez Zachée,
qu’il a « demeuré » chez Zachée.

*

Scandale à Jéricho !
Oui, mais un scandale à rebondissement
car Zachée à son tour prend la parole au vu de beaucoup,
et certainement au su de tous :
« Voici, Seigneur,
je vais donner la moitié de mes biens aux pauvres,
et si j’ai extorqué quelque chose à quelqu’un,
je rends quatre fois autant ! » (Lc 19,8).

Pouvait-il y avoir à Jéricho un événement plus marquant ?
Il a suffi que le rabbi Jésus vienne chez cette « crapule » de Zachée
pour que sa vie soit transformée !

Quel est le plus grand miracle ?
Les yeux de Bartimée ou le cœur de Zachée ?
N’est-ce pas le cœur de Zachée ?
Et on en parle encore aujourd’hui jusqu’à Montréal !

*

Tout cela, tout ce geste prophétique, Jésus en donne le sens.
Il l’exprime en quelques mots
qui peuvent maintenant descendre dans les cœurs :
« Le Fils de l’Homme est venu chercher et sauver
ce qui était perdu » (Lc 19,10).
Oui, il est venu nous chercher,
il est venu chercher le plus perdu de tous,
le plus haï de tous, caché dans son sycomore.
Il vient nous chercher tous et chacun ce matin
dans nos sycomores, dans nos replis et nos tanières

*

Car dans le fond, nous ressemblons beaucoup à Zachée :
frères et sœurs, quel était le désir de Zachée ?
De « voir Jésus » !
Simplement le voir.
Certainement pas le recevoir.

Zachée pouvait-il penser une seconde recevoir Jésus chez lui ?
Même s’il avait pu en rêver,
c’était impossible qu’un rabbi
se compromette et salisse sa réputation
en allant, ne serait-ce que manger, chez un abuseur corrompu.

Voir Jésus… seulement le voir,
et, si possible, sans être vu, ni de lui, ni de la foule.
Simplement cela.
Parce que je ne vaux pas plus que cela.

Aller à la messe, simplement,
pour voir, pour entendre,
mais, si possible, sans être vu
ni de Jésus, ni des autres.
Simplement.
Seulement.

Mon sycomore sera mon banc, ou mon petit banc,
ou mon fauteuil de célébrant et je m’y cacherai,
parce que je ne vaux pas plus que cela.
Et je repartirai heureux d’avoir vu Jésus passer
et d’avoir entendu quelques unes de ses paroles.

*

Frères et sœurs, ce matin, cela ne fonctionne plus.
Jésus, de son initiative, et de celle du Père,
n’entend pas nous laisser sur notre sycomore
avec notre petit désir mesuré à l’aune de notre honte.

Tu es venu juste pour me voir ?
Moi je suis venu pour demeurer chez toi !

« Zachée, descends vite, aujourd’hui,
il faut que j’aille demeurer chez toi » (Lc 9,5).

Et à la place du nom de Zachée, mettons notre prénom
et prenons un moment pour réentendre cet appel de Jésus :
« Antoine, descends vite,
aujourd’hui il faut que j’aille demeurer chez toi ».

Frère, sœur, tu es venu avec un petit désir,
Jésus, Lui, a un grand désir de toi !
Pour le dire avec une image :
tu es venu donner deux pièces à Jésus,
lui te demande ton portefeuille et ta carte de crédit !

Aujourd’hui, Jésus veut demeurer chez nous ;
aujourd’hui, il veut entrer dans ta vie…
Voilà des dimanches et des dimanches qu’il frappe à ta porte.
Voilà des années qu’il désire demeurer dans ton quotidien…
Descends-vite…

Le 23 juin 1895, Charles de Foucauld écrivait depuis Akbès
à un de ses proches parents, Louis,
qui était très pris par ses affaires :
« Si Jésus est toute perfection, toute beauté, toute sagesse,
tout ce que nos rêves peuvent imaginer de plus doux,
de plus admirable, de plus séduisant, de mille fois davantage,
alors ne pas faire attention à lui est une étrange folie…
Ce fut pendant quinze ans celle de Saint Augustin…
il la pleura toute sa vie, tout en jouissant (…) de cet amour
auquel il avait enfin répondu ».

Pourquoi attendre ?

*

Frères et sœurs, si Jésus veut habiter notre cœur, soyons clair,
c’est pour le transformer,
le transformer dans l’amour.
Jésus n’a pas fait de grands discours à Zachée, mais la présence,
la simple présence de Jésus chez lui a bouleversé son cœur.
Se découvrant aimé, il s’est mis à aimer,
à aimer très concrètement avec son cœur et ses dollars.

Nous aussi, nous découvrant aimé par Jésus dans notre quotidien,
aimé par Jésus dans la rue,
aimé par Jésus à la maison,
aimé par Jésus au travail,
nous nous mettrons à aimer avec un cœur tout neuf !

Nous avons tous le désir d’aimer,
et tous nous nous heurtons à notre incapacité.
Mais si nous vivons dans la lumière de l’amour de Dieu,
nous saurons aimer.

Si nous vivons de la bonté de Dieu, nous serons bons.
Si nous vivons de la tendresse de Dieu, nous serons tendres.
Si nous vivons de la patience de Dieu, nous serons patients.
Si nous vivons de la miséricorde de Dieu, nous serons miséricordieux.

Laisse-toi aimer et tu feras enfin ce que tu veux !

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