FMJ MtlJeudi, 14e Semaine du Temps ordinaire – C
Frère Antoine-Emmanuel
Os 11, 1-4.8-9 ; Ps 79; Mt 10, 7-15
8 juillet 2010
Montréal, Sanctuaire du Saint-Sacrement

Re-lecture

La fin de l’année est un temps privilégié pour la relecture.

Relire notre route pour discerner l’œuvre de Dieu dans notre vie
est une attitude profondément biblique.
Il suffit de penser à la relecture des 40 années d’exode
préconisée par le Deutéronome :
Souviens-toi de tout le chemin que le Seigneur ton Dieu
t’a fait faire pendant 40 ans dans le désert
afin de t’humilier, de t’éprouver
et de connaître le fond de ton cœur (Dt 8,2).

Ou encore des disciples d’Emmaüs qui se disent l’un à l’autre :
« notre cœur n’était-il pas tout brûlant ? » (Lc 24,32)
Ils ont pris conscience a posteriori
qu’ils avaient marché avec le Seigneur.

*

Nous avons besoin de nous arrêter et de relire notre histoire
pour nous émerveiller de la présence et de la fidélité de Dieu.
Nous prendrons conscience de ce qu’en Dieu,
seigneurie et discrétion,
toute-puissance et chasteté vont de pair.

Pour nous repentir de tous les rendez-vous ratés,
des grâces dont nous avons eu peur,
des appels que nous n’avons pas voulu entendre,
et de notre manque de crainte de Dieu.

Pour rendre grâce pour tout le travail de Dieu,
merveilleux Potier qui pétrit chaque vie,
pétrit l’humanité.

*

Mais comment relire notre vie ?
Notre intel-ligence (intus leggere) nous aide
mais elle ne peut pas elle seule lire l’œuvre de Dieu.
Nos sens, nos sentiments, nos émotions
nous révèlent quelque chose de notre histoire
mais ne nous conduisent pas jusqu’à Dieu.

Nous avons besoin de trois soutiens :
notre conscience, nos sens spirituels, d’abord
par lesquels l’Esprit nous dévoile notre péché
et nous découvre la présence de Dieu.

La communauté, ensuite,
qui, lorsqu’elle se met dans la mouvance de l’Esprit,
devient un écho très efficace
des passages de Dieu dans l’histoire :
chacun apporte un petit tasseau de la mosaïque
et nous ouvrons les yeux sur les merveilles du Dieu-avec-nous.

La Parole de Dieu, enfin,
qui est comme une lumière à infra-rouge
qui fait voir ce que l’on ne voit pas à l’œil nu.

*

Prenons ce soir les paroles du prophète Osée
que la liturgie nous offre.
En quelques lignes, le Seigneur nous parle très directement
et nous dit ce qu’Il a fait pour nous cette année.
C’est une parole à accueillir avec un cœur écoutant,
qui ne juge pas la Parole,
mais qui se laisse juger par elle :

Parole du Seigneur.
Pour te faire sortir de ton Égypte,
je t’ai appelé parce que tu es mon enfant.

C’est moi qui cette année t’ai appris à marcher,
en te soutenant de mes bras
et tu n’as pas compris que je venais à ton secours.

Je te guidais avec humanité
par des liens de tendresse ;
je te traitais comme un nourrisson
qu’on soulève tout contre sa joue.

Je me penchais vers toi pour te faire manger.
Mais souvent cette année tu as refusé de venir à moi.

Vais-je te livrer au châtiment ?
Non ! Mon cœur en moi est bouleversé.
C’est contre moi-même,
contre mon cœur que je me retourne (cf. Os 11, 1,9).

Oui souvent, nous n’avons pas compris
que le Seigneur venait à notre secours.
Nous n’avons pas compris
que son Royaume est très proche de nous.

*

Cette main de Dieu, ce Royaume tout proche,
s’est manifesté de deux manières
que l’Évangile de ce jour nous révèle :

La première est celle-ci :
« Vous avez reçu gratuitement » (Mt 10,8).

Regarde ce que tu as reçu de Dieu au cours de cette année.
Regarde ce que nous avons reçu ensemble.

Chacun peut nommer ce qu’il a reçu.
… mais il y a un don que nous avons reçu ensemble,
le plus extraordinaire des dons :
l’Eucharistie quotidienne.
Il n’y a pas un jour où le Seigneur se soit refusé à nous
comme il arrive à un époux de se refuser à son épouse.

Et s’il est un don « gratuit »… c’est vraiment celui-là !
Il n’y a aucune, aucune proportion
entre nos œuvres, nos belles œuvres,
et le don trinitaire de l’Eucharistie.

*

La deuxième parole de l’Évangile
qui nous révèle l’agir de Dieu cette année est celle-ci :
« ni sac pour la route, ni tunique de rechange,
ni sandales, ni bâton (Mt 10,10). »
Le Seigneur nous veut légers, libres
il veut que nous ayons comme appui, comme sécurité
non pas notre sac, notre tunique de rechange ou notre bâton,
mais Lui.
et sa Providence à travers les autres.

Est-ce que le Seigneur, cette année, n’a pas permis
que tu sois dépouillé de ton sac,
de tes richesses, de ta santé, de tes sécurités ?

Moi, il m’a vu trop riche de richesses mondaines,
dira l’un de nous ;
moi, il m’a épuré d’à priori, de préjugés,
dira un autre :
Et toi… ?

N’est-ce pas aussi pour ce que le Seigneur nous enlève
que nous devons lui rendre grâce ?

*

Frères et sœurs,
voilà comment la Parole peut travailler en nous
et rendre vraie et féconde notre relecture.

C’est comme cela que nous devenons plus sages,
plus sensibles à la présence de Dieu
dans la vie de tous les jours,
et surtout plus obéissants, plus abandonnés.

Par amour et gratuitement, tu as reçu,
par amour tu as été dépouillé.
Pour que par amour tu te donnes
et même que tu donnes Dieu.
Comme Marie !

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