FMJ MtlMercredi, 20e Semaine du Temps Ordinaire – C
Frère Antoine-Emmanuel
Éz 34, 1-11 ; Ps 22 ; Mt 20, 1-16
18 août 2010
Montréal, Sanctuaire du Saint-Sacrement

Le refrain évangélique

On trouve à plusieurs reprises dans les Évangiles synoptiques
une sorte de refrain :
« Beaucoup de premiers seront derniers
et les derniers seront premiers » (Mc 10,31).
Que signifie donc ce refrain ?

*

Commençons par l’Évangile de Luc.
Il y est question des païens,
alors considérés comme plus que méprisables.
Or, nous dit Jésus, ils viendront de l’orient et de l’occident,
du septentrion et du midi,
pour s’installer à table dans le royaume de Dieu (Lc 13,29).

En revanche des hommes très religieux, très en vue,
du peuple élu et même des disciples
seront rejetés dehors à l’extérieur (Lc 13,28)
parce qu’ils étaient des ouvriers d’injustice.

Aussi, conclut Jésus :
« il est des derniers – des païens méprisés – qui seront premiers,
et il est des premiers – des gens revêtus de grande religiosité –
qui seront derniers (v. 30).

*

Regardons maintenant chez Matthieu et Marc.
Nous y rencontrons un homme
observant de la loi depuis sa jeunesse et fort riche,
ce qui signifie qu’il était regardé comme admirable et béni de Dieu.
Mais il vient de s’en aller attristé, ce qui fit dire à Jésus :
« un riche entrera difficilement
dans le Royaume des cieux » (Mt 19,23).

En revanche un disciple qui consent à tout quitter,
à tout perdre à cause du nom de Jésus,
et qui se retrouve donc pauvre, démuni, vulnérable,
recevra le centuple et héritera de la vie éternelle (cf. Mt 19,29).

Et Jésus de conclure :
« Beaucoup de premiers seront derniers
et de derniers seront premiers » (Mt 19,30).

C’est donc le même refrain !

*

La venue de Jésus parmi nous
provoque donc une véritable inversion,
un retournement.
Ceux qui ont des dignités religieuses,
de grandes vertus et des richesses de ce monde
risquent fort de se retrouver les tout derniers.
Ceux qui sont religieusement exclus
aussi bien que les pauvres à cause de l’Évangile
se retrouveront très probablement les premiers.

Frères et sœurs, il nous faut être prêts à ce renversement
qui nous bousculera un jour ou l’autre
et de toutes manières au dernier jour.

*

Le Seigneur nous surprend et nous surprendra.
Mais il nous explique aujourd’hui pourquoi,
et cela à travers la parabole du maître déroutant
appelée aussi parabole des ouvriers de la onzième heure.
Parabole qui est encadrée par notre refrain évangélique
qui l’introduit et la conclut.

Beaucoup de premiers seront derniers et de derniers premiers
car le Royaume des Cieux est semblable
à un maître qui embauche inlassablement
jusqu’à la onzième heure.
Quand vient le moment de distribuer le salaire des ouvriers
se produit une double surprise.

La première surprise est que le maître demande
de commencer la distribution par les derniers arrivés.
Pourquoi cela ?
Parce que le maître veut que tous voient
comment il distribue le salaire.
Car, de fait, et c’est la deuxième surprise,
sa manière de procéder ferait bondir
tous les syndicats de la terre !
À tous est donné exactement le même salaire.

N’est-ce pas profondément injuste ?
Tout dépend de ce que l’on appelle « justice »…

Qu’est-ce que cela signifie ?
Le salaire n’est pas fonction de la qualité
et de la quantité de travail accompli.
Il est lié à la personne,
– à ce qu’elle est, non à ce qu’elle a fait –
et il est déterminé par l’amour du maître pour chacun.

C’est par amour qu’il a embauché ses ouvriers,
et c’est dans l’amour, selon l’amour, qu’il les rétribue.
Et il veut que tous le sachent,
pour que personne ne croit que le salaire
est lié à un mérite personnel.
Tout est don, aussi bien le travail que le salaire !

*

Tous ceux qui estiment qu’ils méritent d’être premiers
seront derniers.

C’est cela qui apparaîtra en pleine lumière au dernier jour.
La vie éternelle n’est pas le salaire de nos mérites.
Si nous le croyons, le Seigneur nous fera voir bien clairement
que ceux qui ont eu une vie beaucoup moins vertueuse que nous
seront accueillis exactement comme nous.
Et nous n’entrerons au Ciel
que lorsque nous nous réjouirons pleinement de cela !

Si au fond de nous,
nous estimons mériter la bienveillance de Dieu et la Vie éternelle,
nous sommes des « premiers »
même si nous le cachons bien,
mais nous nous retrouverons parmi les derniers, les humiliés,
jusqu’à ce que nous nous laissions élever par l’Amour de Dieu.

« Ceux-là, les derniers, ont fait une seule heure
et tu les fais égaux à nous » (Mt 19,12)
récriminaient les ouvriers de la première heure.
Oui… le Seigneur nous fait tous égaux,
tous également aimés,
tous pleinement aimés.
Voilà ce que nous avons à réapprendre chaque jour.

Comment entrer dans ce dessein de Dieu ?
En apprenant à faire de même,
en pratiquant le style de Dieu,
c’est-à-dire en nous mettant à aimer,
à prendre soin,
de ceux qui à nos yeux ne le « méritent » absolument pas.

C’est ce que Dieu fait pour nous tous les jours !

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