FMJ MtlMercredi, 3e Semaine du Temps ordinaire – C
Frère Antoine-Emmanuel
2 S 7, 1-17 ; Ps 88 ; Mc 4, 1-20
27 janvier 2010
Sanctuaire du Saint-Sacrement, Montréal

La faille où germe la Parole

« Va et fais tout ce qui te tient à cœur
car le Seigneur est avec toi » (1 S 7,3).
Comme on comprend la réponse du prophète Nathan
à la générosité de David,
à son magnifique projet
de construire un temple pour le Dieu d’Israël.

Ce serait pour David une véritable apogée,
un sommet de sa vie.
Après avoir vaincu les philistins,
après avoir agi de manière extraordinaire
vis-à-vis de Saül qui voulait le tuer,
après avoir été sacré roi de Juda,
après avoir été sacré également roi d’Israël,
après avoir unifié Juda et Israël,
après avoir construit son magnifique palais royal,
et après avoir fait monter l’Arche à Jérusalem,
quel acte splendide ce serait de construire à Jérusalem
un temple pour Yahvé, Dieu d’Israël !

Ce serait là un acte de piété admirable,
une fierté pour toutes les tribus de Dan à Beersheva
et un signe donné à la face des nations !

Or, voici que le Seigneur ne permet pas à David
d’accomplir ce projet extraordinaire.

« Est-ce toi qui Me construiras
une maison pour que J’y habite ? » (v. 5)
Tu as ce projet pour moi,
mais moi, je ne te le demande pas…
lui dit le Seigneur de quelque manière.

*

Ce qui est magnifique,
c’est que David consent à être dépouillé de son projet.
David obéit et renonce à construire un temple.
Mieux : il n’a pas même cherché un projet de substitution
pour faire quand même quelque chose pour Dieu selon ses idées.

C’est alors dans ce consentement,
dans ce dépouillement,
que le Seigneur va déposer un don,
un don plus grand que tous les temples de pierre.

Ce don, c’est dans la lignée de David, le Messie,
c’est le Christ dont le trône sera affermi à jamais,
le Christ pour qui Dieu sera Père
et qui sera pour Dieu, un Fils (cf. 7,14).

Dans le creux du consentement, du dépouillement,
surgit le visage du Christ !
« Qui suis-je, Seigneur, et quelle est ma maison
pour que tu m’aies mené jusque là ? » (v. 18)
s’écrie David plein de gratitude,
en pensant à tout ce que Dieu a déjà fait pour lui.
Et il ajoute :
« Mais cela est trop peu à tes yeux, Seigneur.
Tu as parlé aussi en faveur de la maison de ton serviteur
pour un temps lointain (v. 19).
Tu es grand, Seigneur ! » (v. 22)

*

Frères et sœurs,
cette histoire n’est-elle pas notre histoire ?

Le Seigneur aime nous conduire à ce dépouillement.
Il permet ou suscite cette faille dans notre vie.
Dieu ne nous permet pas de réaliser
tel grand projet spirituel, affectif, matériel, pour Dieu, pour Lui
auquel nous tenons tant.
Il ne nous permet pas de réaliser le grand projet
de sainteté personnelle auquel nous tenons…

Et c’est là, si notre cœur consent à cette faille,
à ce sentiment d’échec, d’impuissance,
que peut apparaître en nous,
dans notre manière de vivre
Celui qui déjà habite nos cœurs : Jésus.
Pensez à Pierre qui avait le magnifique projet
d’aller à la mort avec Jésus.
Pensez à ses larmes…
Et là, dans cette faille, il a entendu :
« Pierre, m’aimes-tu ? » (cf. Jn 21,15)
Et sa vie est devenue
une proclamation vivante du Christ ressuscité.

Pensez à Paul qui brûlait de zèle pour Dieu
et voulait être saint et parfait par l’observance de la Loi,
par les œuvres, et même par l’anéantissement des chrétiens.
Le Seigneur ne lui a pas permis de faire cette œuvre pour Dieu.
Il s’est retrouvé à terre sur le chemin de Damas,
puis dans une corbeille hors des murs de Damas,
puis éloigné de Jérusalem
et plongé dans la solitude.
C’est alors que dans la grande faille de l’être de Paul,
Jésus a pu prendre toute la place qui est la sienne
et que la vie de Paul est devenue un Évangile vivant.

Et nous, frères et sœurs,
à nous de ne pas combler notre faille,
mais de lui permettre d’être ce qu’elle est :
la bonne terre de notre cœur.
La véritable bonne terre est là
dans le consentement, le dépouillement, la précarité.
C’est là que la semence de la Parole
porte tout son fruit :
trente, soixante, cent pour un (cf. Mc 4,8)

*

Tu es grand Seigneur !
Et je veux te laisser être grand en moi.
Et je veux te laisser être grand en nous !

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