FMJ MtlBx Jerzy Popiełuszko, prêtre et martyr, 1984
(Mercredi, 29e Semaine du Temps ordinaire – A)
Frère Antoine-Emmanuel
Rm 6, 12-18 ; Ps 123 ; Lc 12, 39-48
19 octobre 2011
Sanctuaire du Saint-Sacrement, Montréal

Heureux serviteur !

« Le Fils de l’Homme, quand il viendra,
trouvera-t-il la foi sur la terre ? » (Lc 9,44)

N’est-ce pas cette question dramatique, intérieurement dévorante,
qui se trouve en arrière-fond de toutes les paraboles de veille
que Jésus nous donne ?

Vont-ils se souvenir du don inestimable
que le Père leur fait à travers Moi ?
Vont-ils en vivre ?
Vont-ils les laisser grandir en eux ?
Ou bien vont-ils oublier ?
Vont-ils s’endormir ?

Dans son Amour pour le Père et plus nous,
Jésus nous donne les paraboles de la veille
pour que nous comprenions la nécessité
de rester attentifs, éveillés,
sans jamais laisser le mystère pascal sombrer dans l’oubli.

Jésus exprime cela en deux temps.
Il y a d’abord l’attention à ce qui nous a été donné (Lc 12,48)
puis l’attention à ce qui nous a été confié (id.).

*

Ce qui nous a été donné, c’est le don extraordinaire
et merveilleusement gratuit du Salut.
« Considérez, nous dit Paul aujourd’hui,
que vous êtes morts au péché
et vivants pour Dieu en Jésus Christ » (Rm 6,11).

Si tu gardes la mémoire de ce don, si tu en vis,
c’est-à-dire si tu construis ta vie sur la certitude
que le péché n’a plus le dernier mot dans ta vie
et que l’éternité t’est offerte par amour,
en d’autres termes,
si tu obéis de tout ton cœur à la Bonne nouvelle, (cf. Rm 6,17)
si tu obéis au don de la grâce,
alors quand le Seigneur vient vers toi, (cf. Lc 12,36)
tu te précipites pour Lui ouvrir la porte
et c’est une noce, c’est une fête, c’est un bonheur incroyable !

Si au contraire tu as oublié l’amour que Dieu t’a manifesté,
et tu te laisses aller à l’amertume et au péché,
si tu tombes dans l’esclavage du péché (cf. Rm 6,17)
alors toute venue du Seigneur
sera pour toi semblable à la venue d’un cambrioleur en pleine nuit
avec son lot d’angoisse et de drame (cf. Lc 12,39).

L’appel de Jésus est donc un appel
à prendre soin de ce qui nous est donné
Pour tout homme à qui est donné beaucoup,
beaucoup sera exigé de lui (Lc 12,48).

*

Mais il y a aussi ce qui nous est confié.
Le don du salut n’est jamais un don « juste-pour-soi ».
Il n’y a pas de « portion individuelle » dans la vie chrétienne.
En nous aimant, en mourant pour nous
et en nous enveloppant de son manteau de résurrection,
le Seigneur certes dépose en nous une source inouïe de grâces,
mais aussi Il nous confie un torrent qui est pour les autres,
pour tous ceux vers qui sa Providence nous envoie.

Jésus prend une image agricole pour cela :
à chacun de nous est confié un travail :
celui de donner en son temps aux autres le blé du maître (cf. Lc 12,42).
Nous avons tous reçu du blé pour les autres,
du blé, c’est-à-dire la nourriture essentielle,
ce qui fait vivre.
Le blé c’est Jésus Lui-même
qui veut Se donner aux autres à travers notre amour,
à travers notre service, à travers notre miséricorde.

« Heureux serviteur qu’en venant
son Seigneur trouvera à faire ainsi ! » (v. 43)

Et Jésus conclut sa double parabole avec ces mots :
« à qui est confié beaucoup,
davantage on demandera de lui » (v. 48).

Cette deuxième parabole s’applique en premier lieu
à Pierre, aux apôtres, aux successeurs des apôtres,
c’est-à-dire aux évêques,
et à ceux qui collaborent au ministère même des évêques,
c’est-à-dire aux prêtres.

Il leur a été confié beaucoup.
Et ce « beaucoup » est immense, est divin…

Mais je crois que cette deuxième parabole
s’applique aussi à tous les baptisés
comme Jésus le laisse entendre
en disant pour tout homme (12,48)
à la fin des deux paraboles.

Le Seigneur nous a beaucoup donné
et le Seigneur nous a beaucoup confié.

*

Que faisons-nous de la source de grâce qui nous est donnée ?
Que faisons-nous du torrent de grâces destinées aux autres
qui nous est confié ?

Ce soir, nous pouvons nous confier à l’intercession
d’un jeune prêtre martyr.
Un jeune prêtre qui n’a pas cédé à l’oubli de Dieu
et même au rejet de Dieu du marxisme communiste.

Jerzy Popiełuszko, un fils de paysans polonais
fut ordonné prêtre à l’âge de 25 ans
par le Cardinal Wyszynsky.
Il fut d’abord vicaire dans son village,
puis envoyé auprès des ouvriers des usines de sidérurgie,
avant d’être nommé dans la paroisse Saint Stanislas
de la banlieue de Varsovie.

Plutôt que de se taire, plutôt que de sauver sa vie,
ce jeune prêtre resta très proche des ouvriers
et dénonçait clairement la violence, l’immoralité
et l’athéisme systématique du régime communiste.

La messe pour la patrie que son curé lui permit
de célébrer régulièrement rassemblait des foules considérables
et le Père Popiełuszko, malgré les intimidations
et interdictions du Ministère de l’intérieur, prêchait l’Évangile,
et dénonçait les violations de la liberté de conscience,
les manipulations et les violences du régime.

En juillet 1984, il confia à un franciscain venu le visiter :
« Je me suis offert et je ne reviendrai pas en arrière ».

Le 13 octobre 1984, il échappa presque par miracle
à une tentative de meurtre.
Le 19 octobre 1984, de retour d’une mission
où il avait animé le chapelet et célébré la messe,
il est enlevé, battu, mis dans un sac lesté de pierres
et jeté vivant dans la Vistule.
À cause de sa foi.
À cause de sa décision de ne pas laissé perdre
ce qui lui avait été confié comme baptisé, comme prêtre.

Il avait 37 ans.
Un jeune prêtre de 37 ans devenu martyr…
Grain de blé jeté en terre qui porte aujourd’hui tellement de fruit.

Heureux ce serviteur que le Seigneur a trouvé
non seulement en train de veiller,
mais en train de nourrir ses frères et sœurs du Pain de Vie.
Père Jerzy, prie pour nous…
que jamais notre foi ni notre charité ne s’endorment.

© FMJ – Tous droits réservés.