FMJ Mtl1er DIMANCHE DE L’AVENT – C
Frère Antoine-Emmanuel
Jr 33, 14-16 ; Ps 24 ; 1 Th 3, 12 – 4,2 ; Lc 21, 25-28. 34-36
29 novembre 2009
Sanctuaire du Saint-Sacrement, Montréal

Écoute, écoute, surtout ne fais pas de bruit

Alors ils verront le Fils de l’Homme
venir dans une nuée avec beaucoup de puissance
et de gloire (Lc 21, 27).

Frères et sœurs, prenons le temps de goûter cette parole,
de regarder, de contempler Jésus dans sa gloire
qui vient vers nous.
Il y aura d’abord le signe du Fils de l’Homme
qui apparaîtra dans le ciel
puis on verra le Fils de l’homme
venir sur les nuées du ciel
avec beaucoup de puissance et de gloire (Mt 24, 30).

Contemplons cette approche glorieuse et amoureuse de Jésus.
Ce sera la rencontre qui jugera notre amour.
Ce sera l’aboutissement de toutes choses dans le Christ,
dans sa vie, dans sa gloire.

Nous voici appelés aujourd’hui à donner notre foi,
une foi pleine et joyeuse, à ce terme de lumière.
Oui, nous croyons que le terme ultime de ce monde
est lumière et vie!

Le jour, l’heure de cette rencontre finale ?
Nous ne le savons pas.
Pas même les anges connaissent cette heure.
Mais rien n’est aussi certain,
aussi sûr que ce terme de lumière,
cette attraction de toutes choses dans le cœur du Christ
en vue de la gloire divine.

*

Avant que tout cela n’arrive,
Jésus nous annonce qu’il y aura des bouleversements
car il faut que passe tout ce qui est périssable,
que soit purifié tout ce qui est gangréné par le non amour.
Car seul l’Amour demeure (1 Co 13,8).

Il en est ainsi dans notre propre vie.
Nous connaissons des bouleversements
parce que le Seigneur nous attire
dans son Royaume inébranlable (Hb 12,28).
Jésus est la pierre d’aimant qui nous attire par le cœur
pour nous transformer en Lui !

Le jour du Seigneur a déjà commencé.
Et vient le jour où il va s’accomplir en sa plénitude.
Comment le recevons-nous quand viendra la fin des temps ?
Pour ceux qui ont le cœur « appesanti »
ce sera comme être pris au piège,
comme être pris dans un filet (cf. Lc 21,35) ;
pour ceux qui ont un cœur qui attend,
ce sera le jour de la « délivrance » (Lc 21,28).

*

La question est donc celle de nos cœurs :
sont-ils « appesantis », ou sont-ils en état de désir ?
Jésus nous met en garde :
« Défiez-vous de vous-mêmes,
que vos cœurs ne s’alourdissent (21,35) ».
Et Jésus de citer trois motifs d’alourdissement du cœur :
kraipalè qui signifie l’ivresse et ses conséquences de débauches ;
methè qui signifie de nouveau l’ivresse;
et merimnais biotikais qui signifie les soucis de la vie présente.

De quoi devons-nous nous garder ?
De toutes les formes d’ivresses,
de tout ce qui nous fait perdre notre liberté intérieure,
de tout ce qui nous coupe du réel.
Il y a l’ivresse de l’alcool et de la drogue,
mais aussi l’ivresse des jeux vidéo,
l’ivresse du plaisir coupé de l’amour,
l’ivresse de la pornographie
et même l’ivresse de la recherche de soi,
fût-ce au nom de la spiritualité.

Reviens dans le réel !
C’est là que le Seigneur vient à notre rencontre.
C’est là que nous ne sommes pas seuls.
Si nous fuyons notre réalité,
nous perdons la trace de Dieu.
C’est dans notre cœur, c’est dans notre vie,
c’est dans la vie de notre prochain
que Dieu vient,
qu’il se fait le proche d’une manière toujours nouvelle

*

Jésus nous invite ensuite
à nous garder des « soucis de la vie ».
Là, ce n’est plus fuir la réalité
mais s’y plonger tellement qu’elle nous dévore.
Jésus nous appelle à ne pas nous identifier tellement
à ce monde qui passe
que nos cœurs deviennent lourds.
Combien les choses, combien nos projets ;
nos œuvres peuvent nous séduire, nous fasciner,
jusqu’à engloutir notre liberté.

Saint Jean Cassien affirmait
que ce danger guette même les moines du désert.
Un jour, raconte-t-il,
un ancien passa près de la cellule d’un frère.
Le frère était en dehors de sa cellule
en train de travailler à n’en plus finir une grande pierre.
En regardant de près,
l’ancien vit que ce frère n’était pas seul.
Ses mains étaient liées à celles d’un démon
qui l’entrainait à travailler sans relâche.
Ce frère avait perdu sa liberté intérieure.
Son cœur n’était plus en Dieu,
il n’était plus dans l’amour,
il était englouti dans son travail (cf. Conférences IX, VI)

*

C’est cela le drame d’une âme appesantie,
d’une âme lourde.
Jean Cassien dit aussi que l’âme
qui est ainsi alourdie
ressemble à un duvet
– une petite plume – mouillé. (cf. Conférences IX, IV)
Un duvet mouillé
ne se laisse pas soulever par le vent,
il reste collé au sol.
Alors qu’un duvet sec se laisse élever
par le souffle qui l’emporte.

Voilà ce que nos âmes doivent devenir:
des âmes d’Avent, des âmes légères,
des âmes qui veillent et prient sans cesse
nous dit Jésus aujourd’hui.

*

Voilà la grande grâce de l’Avent :
retrouver la docilité de nos âmes –
retrouver la prière silencieuse du cœur.

Au plus profond de nous, où que nous soyons,
au travail, à la maison, dans la rue ou ici-même,
notre âme peut rester en état de désir,
en état d’attente.
Notre âme attend le Seigneur (Ps 129(130) 4).
Elle est alors comme une voile tendue avec douceur
pour être sensible au souffle intérieur
parce que Dieu est souffle (cf. Jn 4,24).
Elle est comme deux mains paisiblement tendues
pour recevoir l’eau vive,
pour recevoir l’écoulement en nous du Cœur de Dieu.

Frères et sœurs, il y a en nous un trou en forme de Dieu.
Si aucune idole ne le remplit,
c’est Dieu Lui-même qui vient l’habiter.
Dieu vient comme un germe
nous dit aujourd’hui Jérémie (v. 15).
Dieu vient en nous dans la fragilité d’un germe,
mais un germe qui porte en soi la promesse
d’une masse éternelle de gloire (Lc 21,27).

*

Nous voici donc appelés pendant cet Avent
à habiter notre propre cœur,
à le retrouver et à l’habiter.
Retrouvons notre sanctuaire intérieur et pour cela,
descendons en dessous de nos émotions, de nos affections,
de nos raisonnements pour prendre soin de Dieu qui vient.

*

Nous ne pourrons y parvenir sans rechoisir le silence.

Dépassons la peur du silence qui est une peur de Dieu.
Ayons l’audace et l’intelligence de faire taire nos télés,
nos écrans, nos ipods, nos cellulaires
et tout le reste pour retrouver la beauté inouïe
du saint recueillement.
« Au travail, dans la rue, dans les allées et venues privées
et les transports publics,
au milieu du brouhaha de la ville,
emporte avec toi le secret du silence intérieur » (LdV n° 31)
Et notre Livre de vie ajoute :
« Dieu vit en toi, écoute-Le. (id)

Frère, sœur,
n’aie pas peur de l’Abîme divin qui est en toi.
cherche au contraire cette mystérieuse pente
qui en toi descend en Dieu.
Et comme le dit encore notre Livre de Vie,
« prie pour demander la grâce du vrai silence
dont Marie a le secret ».

Marie !
Confions-lui aujourd’hui solennellement notre cœur,
pour qu’il soit unifié
par le désir de Dieu
par l’attente du Seigneur.

Si nous nous laissons à Marie,
notre cœur va devenir un cœur d’espérance.
Un cœur qui en toute situation rebondit dans l’espérance.

Oui, à l’école de Marie,
écoute, écoute, surtout ne fais pas de bruit,
on marche sur la route,
on marche près de toi.
Écoute, écoute, les pas du Seigneur vers toi.

Vierge Marie, à compter de ce jour,
je t’accueille comme la gardienne et la reine de mon cœur.
Amen.

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