FMJ MtlBse Élisabeth de la Trinité, carmélite à Dijon, 1906
(Mardi, 32e Semaine du Temps ordinaire – A)
Frère Antoine-Emmanuel
Sg 2, 23 – 3, 9 ; Ps 33 ; Lc 17, 7-10
8 novembre 2011
Sanctuaire du Saint-Sacrement, Montréal

Dieu n’a pas besoin de nous

Jésus, pourquoi nous as-tu donné cette image de l’esclave
qui au retour des champs doit encore servir son maître ?
Qu’est-ce que tu as vu en nous
qui fait que tu as dû nous enseigner par cette image ?
Cette image qui nous déplait ou même nous heurte ?

*

Frères et sœurs, quand nous accomplissons
même très imparfaitement la volonté de Dieu,
qu’est-ce que nous attendons ?
Quelle est l’attente, même inexprimée, de notre cœur ?
Celle d’être remerciés…

J’ai fait cet acte de charité ;
je suis allé à mon heure d’adoration ;
j’ai fait profession monastique…
Dieu pourrait bien me remercier.
Je le mérite.
Je mérite la reconnaissance de Dieu.

C’est là que Jésus nous raconte une réalité bien humaine :
celle d’un esclave – un homme qui appartient à son maître –
qui revient d’une journée de labour ou de garde des troupeaux.
« Est-ce que le maître a de la gratitude pour l’esclave
qui a fait ce qui était prescrit ? » (Lc 17,3)

De même pour vous, nous dit Jésus :
« Quand vous aurez fait tout ce qui vous était prescrit, dites :
‘Nous sommes des serviteurs inutiles,
– c’est-à-dire des serviteurs dont le maître n’a pas besoin –
ce que nous devions faire, nous l’avons fait’ » (Lc 17,10).

Non, Dieu n’a pas et n’aura pas de gratitude pour nous.
Nous n’avons pas sorti Dieu du pétrin.
C’est lui qui nous a sortis du pétrin
et qui par un excès d’amour nous a fait être,
nous a donné la liberté,
et nous a appelés à servir son Royaume.
Tout cela n’est que don.
Don en pure gratuité de la part de Dieu !

Dieu ne nous remerciera pas, frères et sœurs :
Dieu nous servira !
« Si en arrivant il nous trouve en train de veiller,
heureux sommes-nous :
Amen, je vous le dis, il se ceindra, nous installera
et passera à nous servir » (cf. Lc 12,37)

Il nous servira non pas parce que nous aurons travaillé
mais parce qu’il nous aime.
Parce qu’il nous aime et que nous avons dit oui à son amour
en veillant, en accueillant sa grâce,
en servant son Royaume.

Oui, nous sommes des serviteurs
dont Dieu n’a pas besoin.
Mais des serviteurs que Dieu aime infiniment,
au point de nous faire l’honneur de participer à son œuvre.

Entre nous et Lui,
Dieu ne veut pas de commerce,
pas de mérite,
Il veut nous unir à Lui dans la gratuité de l’Amour.
Et cela commence dès cette terre, dès cette vie.
Il s’agit de tout vivre avec Lui,
de servir, de Le servir, dans la gratuité de l’amour.

*

Voici ce qu’écrit Élisabeth de la Trinité
que nous célébrons en ce jour :

Chère Antoinette, à la lumière de l’éternité,
l’âme voit les choses au vrai point ;
oh ! comme tout ce qui n’a pas été fait
pour Dieu et avec Dieu est vide !
Je vous en prie, oh, marquez tout
avec le sceau de l’amour !
Il n’y a que cela qui demeure.
Que la vie est quelque chose de sérieux :
chaque minute nous est donnée
pour nous « enraciner » plus en Dieu,
selon l’expression de saint Paul,
pour que la ressemblance avec notre divin Modèle
soit plus frappante, l’union plus intime.
Mais pour réaliser ce plan
qui est celui de Dieu Lui-même, voici le secret :
s’oublier, se quitter, ne pas tenir compte de soi,
regarder au Maître, ne regarder qu’à Lui,
recevoir également
comme venant directement de son amour,
la joie ou la douleur ;
cela établit l’âme sur des hauteurs si sereines !

Mon Antoinette aimée,
je vous laisse ma foi en la présence de Dieu,
du Dieu tout Amour habitant en nos âmes.
Je vous le confie :
c’est cette intimité avec Lui « au-dedans »
qui a été le beau soleil irradiant ma vie,
en faisant déjà comme un Ciel anticipé ;
c’est ce qui me soutient aujourd’hui
dans la souffrance.
Je n’ai pas peur de ma faiblesse,
c’est elle qui me donne confiance,
car le Fort est en moi.

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