FMJ Mtl4e DIMANCHE DE L’AVENT – B
Frère Antoine-Emmanuel
S 7, 1-5.8-12.16 ; Ps 88 ; Rm 16, 25-27 ; Lc 1, 26-38
18 décembre 2011
Sanctuaire du Saint-Sacrement, Montréal

Dévoilement d’un mystère gardé dans le silence

Les trois lectures de ce dimanche sont trois annonciations.
Il y a l’annonce faite à David,
l’annonce faite à Marie,
et, au centre, l’annonce faite à tous les peuples
dont Paul parle aux chrétiens de Rome.

C’est un jour d’annonciation.
Comme un cri de Dieu :
« Voici que je fais toutes choses nouvelles… » (Ap 21,5).
C’est bien ce que nous avons chanté ces derniers jours :
« Le monde ancien s’en est allé,
un monde nouveau est apparu ;
ne le voyez vous pas ? »

*

Partons de l’annonce dont parle l’apôtre Paul :
Paul parle de son Évangile
qui est le kérygme de Jésus Christ,
qui est le dévoilement d’un mystère gardé dans le silence
durant des temps éternels,
mais qui est maintenant manifesté
et porté à la connaissance de tous les peuples
pour les conduire à l’obéissance qu’est la foi. (cf. Rm 16, 25-26)

Frères et sœurs, quel est ce mystère enveloppé de silence
qui est maintenant dévoilé ?
Sur qui se lève le voile ?

Sur le visage du Christ !
À Noël, nous allons voir se lever le voile
sur Celui qui est depuis toujours,
Celui par qui tout a été fait,
Celui qui est en filigrane en tout créature,
le Verbe de Dieu,
l’expression parfaite et brûlante d’amour de Dieu,
qui est Dieu Lui-même,
et qui entre dans notre humanité
grâce au oui de Marie…

Mais ce mystère enveloppé de silence
n’est pas extérieur à nous,
nous ne le regardons pas comme on regarde un film :
le mystère jusque là gardé dans le silence
c’est aussi ce que nous allons devenir
en accueillant le Christ dans nos vies.

Il y a pour chacun de nous un devenir
qui est aujourd’hui encore
un mystère enveloppé de silence.
Avec Noël, si ton cœur est ouvert,
quelque chose va changer en toi :
tu vas accéder à une qualité d’être,
à une manière d’être en relation avec les autres,
avec toi-même,
avec Dieu
qui est pour toi aujourd’hui encore inconnu.

C’est cela la grâce, la fécondité de la liturgie :
elle est un constant dévoilement
du visage de Dieu, du visage de l’autre,
de notre propre visage.

Nous ne sommes pas là à répéter invariablement
des mots et des formules :
nous sommes là pour nous laisser transformer,
et c’est bien pour cela que nous revenons à l’église.
Notre âme le sait,
et notre âme mène nos pas vers ce buisson ardent
de la liturgie de l’Église pour y être peu à peu embrasés
par le Feu qui ne consume pas.

Rappelez-vous Paul Claudel, le grand poète,
transformé pendant le chant du Magnificat à Notre Dame
le jour de Noël…

*

Qu’est-ce que le Seigneur veut faire en nous
en ce temps de Noël ?
Quelle nouvelle capacité d’aimer va-t-Il déposer en nous
en venant vivre en nous ?
Par quelle faille de notre humanité va-t-Il se glisser en nous
pour venir aimer en nous ?

Peut-être en avons-nous quelque pressentiment
si nous avons vécu avec sérieux ce temps de l’Avent …

Dieu, Lui, prend cela sérieusement :
son désir est de nous habiter,
de nous dynamiser de son Amour,
de nous épouser.
En un mot immense, démesuré, mais vrai,
incroyablement vrai :
de nous diviniser…

*

La question, ici, est notre disponibilité,
notre malléabilité à l’œuvre de Dieu.
Là, c’est la première lecture
qui nous est très précieuse :
David comblé de bienfaits
se montre très généreux pour Dieu.
« Je vais faire un temple pour ce pauvre Bon Dieu
qui loge sous la tente… »
Mais par le prophète Nathan,
Dieu lui répond en quelque sorte :
« Merci David, tu es bien gentil,
mais tu oublies que c’est Moi qui suis Dieu et pas toi,
et parce que Je t’aime gratuitement,
Je vais, Moi ton Dieu, te donner une lignée,
te donner une fécondité extraordinaire. »

Et à nous que dit le Seigneur ?
Il nous dit : oui, tu peux me construire une crèche
avec de jolis personnages
mais l’essentiel n’est pas là :
c’est Moi ton Dieu qui vient te construire,
qui vient reconstruire ta vie brisée.

Alors la crèche où le Seigneur veut demeurer
n’est pas si jolie que cela
parce que c’est notre humanité blessée.
Mais c’est là que vient le Seigneur,
c’est en nous qu’Il vient naître.
Et cette naissance est notre libération !

*

Dans plusieurs de ces « annonciations »
le peintre florentin Fra Angelico,
a peint en arrière fond de la visite angélique
Adam et Ève chassés du Paradis.
C’était une manière très fine de nous dire :
avec le oui de Marie,
la captivité du péché prend fin.

Oui, une véritable libération spirituelle s’accomplit aujourd’hui !
Le démon s’est démené pour gâcher la création de Dieu.
Il s’est infiltré dans notre faiblesse
pour la dévoyer en tristesse, en méfiance et en colère.
Mais depuis le oui de Marie.
le Règne qui n’aura pas de fin (Lc 1,33)
le Règne de l’Amour,
est en train de frayer son chemin en nous
pour que notre faiblesse devienne une sainte faiblesse
celle que le diable a en horreur
parce qu’il ne peut rien contre elle.

Oui, l’Enfant qui vient est l’astre d’en haut
qui apparaît à ceux qui se trouvent
dans les ténèbres et l’ombre de la mort (cf. Lc 1, 78-79).

*

Frères et sœurs,
elle est puissante la grâce de Noël.
Ce n’est pas un tremblement de terre, ni un ouragan.
C’est une voix de fin silence,
mais cette voix, c’est Dieu qui prend la Parole
et prononce un exorcisme définitif sur l’humanité.
C’est bien pour cela que l’Enfant
sera menacé de mort si tôt après sa naissance.

Et pourquoi le monde tourne-t-il le dos à la vérité de Noël ?
Parce que Noël nous remet très profondément en question !
Un Dieu enfant, un Dieu vulnérable
c’est un Dieu dont personne ne peut être athée.
C’est le Dieu que toute âme humaine désire,
mais que le vieil homme refuse
parce qu’il refuse de se laisser aimer.
Ne fuyons pas la vraie grâce de Noël.
Ne nous cachons pas derrière le sapin de Noël
pour échapper à la tendresse de Dieu.
Noël frappe à la porte de ton cœur…
Dieu frappe à la porte de ton cœur
comme un couple d’émigrés dans la nuit
qui cherche où mettre au monde l’enfant de Dieu.

Et cet Enfant en toi,
et ce que cet Enfant va faire en toi,
et ce que cet Enfant va être en toi.
voilà le mystère enveloppé de silence.
Mystère qui, comme pour Marie, s’accomplit
d’une manière jusque là inconnue.

Comme Marie découvre
une manière autre de concevoir un enfant,
nous allons découvrir une manière autre de devenir féconds,
une autre manière de laisser la vie venir en nous :
l’Esprit Saint.

Parce qu’en chaque Eucharistie
l’Évangile proclamé s’accomplit,
ce jour n’est pas seulement un jour d’annonciation :
il est un jour d’effusion de l’Esprit.
L’Esprit Saint vient sur nous.
La Puissance du très Haut
nous prend sous son ombre (cf. Lc 1, 35).
Et ensemble, comme communauté eucharistique,
nous laissons l’Esprit venir sur nous,
nous prendre dans la douceur de son ombre
et déposer en nous la puissance de son Amour…

*

Viens Esprit Saint,
viens Toi-même ouvrir
nos cœurs à Ta venue.
Viens réaliser le mystère
de notre vraie humanité,
de notre vraie personnalité :
fais de nous-mêmes
un cadeau pour tous.

Que nous soyons un cadeau de Noël
pour tous ceux vers qui
Tu nous enverras.
Qu’à travers nous Dieu puisse sourire
à tous ceux qui vivent Noël dans la solitude et les pleurs.

Viens sur nous en cette Eucharistie
et en tout ce temps de Noël.

À toi qui es Dieu, rien n’est impossible…

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