FMJ MtlFÉRIE MAJEURE : « Ô ROI DES NATIONS, OBJET DE LEUR DÉSIR »
(Vendredi, 4e Semaine de l’Avent – B)
Frère Antoine-Emmanuel
Ml 3, 1-4.23-24 ; Ps 24 ; Lc 1, 57-66
23 décembre 2011
Sanctuaire du Saint-Sacrement, Montréal

L’âne et le bœuf

Il y a dans notre crèche cette année une nouveauté !
Il y a le bœuf et l’âne…

Pourquoi sont-ils les compagnons de l’Enfant-Dieu
dans bien des crèches ?

L’origine de cette tradition remonte au moins
à l’évangile apocryphe du Pseudo Matthieu
et s’enracine dans le chapitre Premier du livre d’Isaïe.

Isaïe au VII- VIIIe siècle avant le Christ
s’insurge contre l’infidélité d’Israël à son Dieu.
C’est une nation pécheresse,
un peuple chargé de crimes
qui a abandonné le Seigneur (cf. Is 1,4).
Un peuple très pieux au Temple,
mais très injuste dans son quotidien.

Le prophète donne voix à la douleur du Dieu d’Israël :
« J’ai fait grandir des fils,
je les ai élevés,
eux ils se sont révoltés contre moi » (Is 1, 2).
Et il continue, d’une manière presque sarcastique :
un bœuf connaît son propriétaire, littéralement son acheteur,
et un âne (connaît) la mangeoire chez son maître :
(mais) Israël ne connaît pas,
son peuple ne comprend pas » (Is 1,3).

C’est un cri :
l’âne et le bœuf sont capables de reconnaître
leur propriétaire et la mangeoire où il les nourrit,
mais Israël n’en est pas capable.
Israël ne connaît plus, ne reconnaît plus son Seigneur
et n’est plus capable de venir se nourrir
des bienfaits de Dieu.
N’est-ce pas ce qui s’est passé au jour de la Nativité ?
Israël n’a pas reconnu son Seigneur ;
Jérusalem averti par les mages
n’est pas venu à la mangeoire
pour recevoir Celui qui est le Pain de Dieu, le Pain de Vie.

Le bœuf et l’âne sont donc là
qui nous interpellent :
et toi, vas-tu reconnaître ton Dieu ?
Vas-tu à la lumière de l’évangile de Noël
reconnaître Dieu dans les nuits de cette vie ?
Vas-tu reconnaître la présence de Dieu
là où règnent la pauvreté, la précarité ?
Vas-tu reconnaître Dieu Emmanuel
là où prévalent l’enfance et la simplicité ?
Et accepteras-tu de te nourrir
de ce Dieu Très Haut qui est dans le très bas ?

Faut-il pour cela être très érudit ? très savant ?
Si l’âne et le bœuf sont de grands serviteurs
pour les labours, pour porter de lourdes charges,
ce ne sont pas des animaux particulièrement intelligents…
Est-ce que nous saurons comme eux reconnaître Dieu ?

*

Nous pouvons même aller plus loin :
le bœuf est un animal pur
que l’on pouvait offrir en sacrifice.
L’âne est un animal impur…

Le bœuf, disent les Pères de l’Église,
rappelle la loi, le joug de la loi
semblable au joug que porte le bœuf
pour le labour de la terre.
L’âne évoque les païens,
ceux qui adorent des idoles.

Cela faisait dire à Grégoire de Nysse ces paroles étonnantes :
(L’Enfant) est emmailloté de langes ?
C’est qu’Il s’enroule dans les liens de nos péchés.
La crèche où naît le Verbe est la demeure du bétail ?
C’est pour que le bœuf reconnaisse son Maître
et l’âne l’étable de son Seigneur.
Le Bœuf est celui qui vit sous le joug de la loi.
L’Âne est la bête de somme chargée du péché de l’idolâtrie.
En d’autres termes, il y a en moi le bœuf et l’âne.
Il y a en moi le pharisien
qui prétend acheter l’amour de Dieu
par l’observance de la loi,
par mes mérites et ma piété.

Et il y a en moi l’âne,
l’homme idolâtre qui se laisse séduire
par les idoles du monde
que sont le pouvoir, la renommée et le plaisir.

En ce Noël, le bœuf et l’âne en nous
vont pouvoir s’agenouiller
et déposer leurs jougs et leur fardeau.
À Jésus nous allons offrir
le joug de notre image très religieuse de nous-mêmes
et le fardeau de nos convoitises.
Parce que Celui qui vient veut nous libérer,
nous guérir, de tous ces fardeaux.
C’est ce que l’Évangile de ce jour nous a montré :
Celui qui précède et annonce Jésus
ne s’appelle pas simplement « Dieu se souvient » :
il s’appelle Jean, Youhanna,
c’est-à-dire : « Dieu est gracieux ».
Dieu est gracieux en Jésus.
Il est toute grâce.
Il est expiation, libération, salut et joie de toute créature.

*

Comme le bœuf et l’âne,
nous allons nous tenir silencieusement en compagnie de l’Enfant,
nous laissant dépouiller de nos fausses richesses,
et si nous ne réchauffons pas l’Enfant comme le veut la légende,
c’est l’Enfant qui réchauffera nos cœurs
pour que nous portions à tous la joie de l’Incarnation !

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