FMJ MtlSainte Marguerite Bougeoys, 1700 à Montréal – B
Frère Antoine-Emmanuel
1 S 4, 1-11 ; Ps 43 ; Mc 1, 40-45
12 janvier 2012
Sanctuaire du Saint-Sacrement, Montréal

Va, je ne te délaisserai point

« Ce n’est pas vous qui M’avez choisi,
c’est Moi qui vous ai choisis,
et Je vous ai établis
– ce qui signifie : Je vous ai donné une charge
et les moyens pour l’assumer –
pour que vous partiez et portiez du fruit,
et que votre fruit demeure » (Jn 15,16).

Voilà la Parole que Jésus nous adresse à nouveau
en cette fête de Marguerite Bourgeoys.

Choisis, responsabilisés et équipés
pour partir et porter un fruit qui demeure.

*

Voilà ce qu’a vécu l’apôtre Paul, nous venons de l’entendre.
Il a quitté la ville de Philippes
et au lieu d’abdiquer parce que le ministère
venait d’être terriblement éprouvant, (cf. Ac 16,22)
il traverse Amphipolis et Apollonie
pour rejoindre Thessalonique (cf. Ac 17,1).

Et que fait Paul pour porter un fruit qui demeure ?
La réponse tient en un mot : la « parresia »
qui est à la fois l’audace, le courage,
et l’authenticité, la simplicité.
Cela s’exprime dans les trois caractéristiques
De la prédication, de l’exhortation de Paul :
Elle ne procède pas de l’à-peu-près, du flou :
elle est fondée, solide,
enracinée dans son expérience du Christ ressuscité.
Ensuite elle n’est pas « impure » :
elle ne cherche pas un intérêt personnel,
elle n’est pas intéressée.
Enfin elle ne fonctionne pas par ruse :
elle ne manipule pas les personnes.

Ce que Paul vit, il le vit sous le regard de Dieu :
son objectif n’est pas de plaire aux hommes,
mais clairement de plaire à Dieu.

C’est ainsi que Paul a banni de son langage
les paroles flatteuses.
En qualité d’apôtre,
il aurait pu faire peser sur les autres son autorité,
et cela il y renonce.

Son attitude est celle d’une mère
qui réchauffe sur son sein les enfants qu’il nourrit.
Son ministère allie l’audace virile et la douceur d’une mère.

Et tout cela fait que sa prédication de l’Évangile à Thessalonique
n’a pas été seulement des mots, des discours,
mais elle a été puissance, action de l’Esprit Saint
et merveilles évangéliques (cf. 1 Th 1,5)

Voilà ce que signifie partir et porter un fruit qui demeure.

*

C’est aussi ce qu’a vécu Marguerite.
Que de parresia, que d’audace,
mais aussi que de douceur maternelle
dans la vie de Marguerite Bourgeoys.

Audace de susciter un chemin nouveau de vie consacrée
pour marcher à la suite
non de Madeleine à la manière des carmélites et autres recluses,
ni de Marthe à la manière des femmes cloîtrées
et adonnée à la charité,
mais à la suite de Marie,
la Vierge de la Visitation,
la Vierge des temps apostoliques qui va,
qui voyage pour porter l’Évangile
et prendre soin des plus nécessiteux.

Audace de quitter sa terre de France
pour rejoindre une colonie belle dans son inspiration,
mais bien maigre dans sa réalité.

Audace de fonder effectivement une nouvelle congrégation.
Et où l’a-t-elle fondée ?
Sur le bateau, dit-on, où elle a embarqué
avec ses premières compagnes !

Audace de refuser le système des dots
qui rendait la vie consacrée inaccessible
aux filles de milieux pauvres ;

Audace de refuser la clôture
pour que l’Évangile rejoigne les plus éloignés.

Audace d’une attention aux plus démunis
qui veut les conduire à se prendre en charge,
à devenir autonomes.

Audace d’un souci éducatif
qui n’est certes pas restreint aux filles des milieux aisés
et qui conduise chacune, chacun à comprendre les autres.

Audace, aussi, de permettre à des femmes
de mettre leur féminité, leur maternité,
leurs extraordinaires richesses d’humanité
au service de la communauté chrétienne
quand les hommes tendent à accaparer toutes les responsabilités
au nom du ministère apostolique.

Voilà, là encore, ce que signifie partir
et porter un fruit qui demeure.

*

Et nous, frères et sœurs,
vers quelle Thessalonique,
vers quel continent nouveau
le Seigneur nous demande-t-il de partir ?

Quelle était la priorité de Marguerite ?
Les enfants !

Quel doit être notre priorité ?
Les jeunes !

Le continent nouveau pour nous n’est pas au loin :
ce sont les jeunes.

C’est à eux que Jésus nous envoie.
À l’école de Paul,
à l’école de Marguerite.

Cela veut dire se faire proches,
se laisser enseigner par les jeunes
qui parlent une langue que nous ne connaissons pas.
Renoncer comme Paul au flou,
aux intentions impures et à la manipulation,
et avoir la douceur d’une mère
et la tendresse d’un père.

Et consentir comme Marguerite à l’inculturation,
à être dépaysés, gênés et même un peu déboussolés.
Pour nous faire proche,
pour écouter,
pour nous émerveiller ;
et quand l’émerveillement nous aura atteints,
pour témoigner,
pour corriger s’il le faut,
pour exhorter,
pour proclamer la joie de la vie avec Dieu
qui est déjà en germe dans le cœur de chaque jeune !

Et Dieu fasse que nous soyons plus rapides que le prêtre Élie
pour reconnaître l’œuvre de Dieu
qui déjà agit dans le cœur de chaque jeune.

*

N’est-ce pas le grand voyage
que nous avons à faire ensemble ?
Et comme la Vierge Marie le dit à Marguerite
un matin, à Nantes, peu avant son départ
pour le nouveau continent,
la Vierge nous le dit à nous tous :
« Va, je ne te délaisserai point ».

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