FMJ Mtl27e Dimanche du Temps ordinaire – B
Frère Antoine-Emmanuel
Gn 2, 18-24 ; Ps 127 ; He 2, 9-11 ; Mc 10, 2-16
4 octobre 2009
Montréal, Sanctuaire du Saint-Sacrement

Soyons des bénédictions vivantes !

Ce que Dieu a uni, que l’homme ne le sépare pas ! (Mc 10,9)
Frères et sœurs en accueillant cet Évangile du Mariage,
commençons par rendre grâce !
Tous nous connaissons des couples
qui vivent une longue fidélité dans le mariage :
quel témoignage !
Ce sont des grands témoins de l’Amour.

Des grands témoins parce que la vie conjugale
est toujours un labeur.
Durer dans l’amour conjugal,
c’est nécessairement croître dans l’amour conjugal,
et cela est, nous le savons bien, coûteux, laborieux, exigeant.

Et ce n’est pas d’aujourd’hui…
La Loi de Moïse déjà avait dû accorder à l’homme
le droit de répudiation ;
avec une condition de justice
qui était la rédaction d’un acte écrit.

Mais ce droit présentait une grande faille :
seul l’homme avait ce droit à la répudiation.

Ce droit présentait même un grand risque,
le risque d’être interprété en disant :
si la répudiation est ainsi licite,
c’est que dans le fond
le mariage est une réalité toute humaine,
et même culturelle,
dont notre libre arbitre dispose pleinement.
C’est là où l’enseignement de Jésus dans l’Évangile de ce jour,
apporte une profonde clarification.

Non, le droit à la répudiation dans le Premier Testament
n’indique pas que le mariage est entièrement
entre les mains des humains.
Le droit est une concession, une permission rendue nécessaire
par la dureté du cœur humain.
Le mariage est bel et bien une réalité qui appartient à Dieu.

Jésus nous le dit en deux étapes :
tout d’abord en affirmant que c’est Dieu, c’est le Père,
qui nous a fait homme et femme (Gn 1,27).
La différence sexuelle n’est pas un fait culturel
dont on peut faire ce qu’on veut :
elle est une empreinte divine en nous et entre nous.

Ensuite Jésus nous dit que c’est Dieu, c’est le Père,
qui unit l’homme et la femme ; (cf. Gn 1,28)
littéralement, qui les met sous un même joug,
qui les unit sous un même commandement d’amour.

Le mariage est une réalité qui appartient au Père,
ce qui veut dire que le blesser,
c’est blesser l’Amour du Père, c’est pécher.
Et seule la miséricorde du Père Lui-même peut alors libérer
le plus profond de l’âme de l’homme et de la femme.
Cela veut dire aussi que vivre le mariage dans la durée,
dans la fidélité, c’est glorifier merveilleusement le Père !

*

Frères et sœurs, que se passe-t-il
quand nous nous mettons à l’écoute de Jésus ?
Nous redécouvrons ce qui en nous et entre nous vient du Père.
Et nous percevons bien qu’il nous faut
rendre à Dieu ce qui est à Dieu (Mt 22,21).
Ce dont nous avons pris l’habitude de nous approprier
–comme les ouvriers de la vigne
qui s’approprient ce qui est au maître (c.f Mt 20, 1-16) –
Jésus nous appelle à le restituer ;
à retrouver le sens de Dieu,
à retrouver le primat de Dieu,
à devenir des adorateurs dans tous les gestes de la vie.
« Bienheureux celui qui rapporte à Dieu tout ce qu’il a »
écrivait S. François !

Jésus nous révèle le visage du Père, sa tendresse infinie,
mais il nous dit aussi le commandement du Père.
Il nous révèle sa volonté sur nous
et nous dévoile son empreinte en nous.

Devant Jésus, à son écoute,
nous nous découvrons fils et filles
appelés à vivre une vie filiale,
une vie obéissante au Père.

Devant Jésus, je me découvre appelé à renoncer
à la volonté de puissance,
à la toute-puissance,
qui est le cancer de toutes nos relations humaines,
pour entrer dans l’horizon vaste, lumineux, immense,
mais exigeant, de la volonté du Père.

Mon âme, reviens de ta fugue où tu te meurs…
Reviens parce que les bras du Père sont déjà ouverts,
tendus pour t’étreindre et t’accueillir.
Les bras de Jésus étreignant et bénissant les petits enfants
dans l’Évangile d’aujourd’hui
sont l’image, le reflet fidèle, de la tendresse du Père
qui accueille ses enfants fragiles et fugueurs.

Car en face de Jésus, auprès de Jésus,
nous ne faisons pas que découvrir la vérité du Père,
nous recevons aussi – et en surabondance –
la grâce du Père, son infinie miséricorde !

L’essentiel de ce que Jésus enseignait et enseigne aujourd’hui,
c’est le Règne de Dieu, c’est la victoire de l’Amour
qui est désormais pour nous tous à portée de main.
Avec une seule condition,
celle de devenir comme des petits enfants,
pour accueillir cette victoire telle qu’elle est
comme un cadeau, un don gratuit,
sans prétendre ni la mériter, ni en être l’auteur.

Alors l’Amour du Père commence
à entrer en nous et à régner en nous.
Et nous faisons alors une expérience extraordinaire :
celle de découvrir que nous appartenons à la famille de Dieu,
à la famille du Père.
Nous y sommes avec Jésus
qui n’a pas honte d’être notre frère (cf. Hb 11,16)
qui n’a pas honte de partager sa vie filiale avec nous
aussi fugueurs que nous sommes.
Il n’a pas honte de nous … au contraire,
il prend sur Lui notre honte
et nous revêt de sa grande et belle filiation !

« Oh ! Quelle gloire, quelle assurance de sainteté,
quelle grandeur que d’avoir dans les Cieux un Père ! »
(St François d’Assise)

*

Frères et sœurs,
qu’il est bon de nous tenir auprès de Jésus
pour être illuminés et réjouis
par la vérité et la grâce
qui débordent de son cœur eucharistique,
de son cœur en perpétuel état d’offrande et de don.

Voilà ce que la Messe nous offre :
une communion inouïe avec Jésus
par laquelle nous nous découvrons
membres de la famille du Père.

Voilà ce que nous offre l’adoration eucharistique:
Je viens communier à Jésus pour être bousculé,
pour être converti vers le Père, pour être transfiguré.

La Présence eucharistique est un buisson ardent de vérité
et un brasier incandescent d’Amour.
Je m’approche… je laisse l’Amour m’approcher.
Je crois… je laisse l’Amour se dévoiler.
Je lutte contre mes convoitises et mes désirs de puissance,
y compris à l’égard de Dieu… je me laisse dépouiller.
Je cède.
Je renonce à prier… je laisse l’Esprit Saint
m’insérer dans la prière de Jésus.

« Ne gardez donc rien pour vous de ce que vous êtes
et Il vous recevra tout entier
Celui qui se donne à vous tout entier. » (St François)

La prière a un goût de pauvreté, d’impuissance,
de mort à soi-même…
et au même moment, elle est ce qui libère et dilate notre âme
dans la joie de la Résurrection !

Frères et sœurs,
beaucoup d’entre nous courent.
Quand ce ne sont pas les jambes qui courent
dans les couloirs du métro,
ce sont les doigts qui courent sur tous nos claviers,
nos ipods, nos cellulaires, nos télécommandes.

Aujourd’hui se dresse un panneau :
Arrêtons-nous aux pieds de Jésus.
Pourquoi, de fait, nous priver de la meilleure part ? (cf. Lc 10,42)

Ayons l’audace, le courage, la liberté,
de nous arrêter tous au moins une heure chaque semaine
devant le Saint Sacrement
pour laisser la grâce et la Vérité
nous donner une nouvelle vie, une nouvelle force,
une nouvelle joie !

Pourquoi nous priver de la meilleure part ?
Et pourquoi priver le monde de notre prière ?
Pourquoi priver la ville de l’oxygène
que lui donne notre prière, notre adoration ?

Un chrétien qui s’arrête et prie, et dure dans la prière,
se laissant greffer sur la prière de Jésus,
c’est un oxygénateur pour la ville.
Voilà notre mission de chrétiens, de chrétiennes,
voilà notre responsabilité.

Quand la ville s’essouffle, quand le monde s’essouffle,
nous l’oxygénons par la prière.
Quand la ville perd le contact
avec sa vraie beauté, avec sa sainteté,
nous lui redisons en silence l’Amour du Père.
Nous veillons sur la ville pour lui redire qu’elle est aimée,
qu’elle n’est pas oubliée.

À travers ceux et celles qui prient la nuit,
Jésus renouvelle les gestes de l’Évangile,
il bénit les enfants, il bénit la ville.
Voilà ce que nous devenons : une bénédiction vivante.

Voilà ce que nous vivons déjà maintenant en cette Eucharistie.
Nous nous laissons saisir pour devenir bénédiction,
pour devenir le sourire de Dieu sur le monde !

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