FMJ Mtl5e DIMANCHE DU TEMPS ORDINAIRE – A
Frère Antoine-Emmanuel
Is 58, 7-10 ; Ps 111 ; 1 Co 2, 1-5 ; Mt 5, 13-16
9 février 2014
Sanctuaire du Saint-Sacrement, Montréal

Sel de la Terre ET Lumière du monde

Partage ton pain avec l’affamé.
Héberge les pauvres sans abri.
Couvre celui que tu vois nu.
Ne te dérobe pas devant celui qui est ta propre chair (Is 58,7).
Et j’ajoute :
prends soin du corps et de l’âme
de ton frère ou de ta sœur qui est en fin de vie.

Alors ta lumière poindra comme l’aurore,
et, littéralement, ta cicatrisation s’opérera très vite (Is 58,8).

Frères et sœurs, quelle force dans ces quelques versets
du prophète Isaïe!

Si nous prenons soin des plus souffrants,
des plus pauvres, des plus marginalisés
dans leur corps et dans leur âme,
alors nos ténèbres intérieures seront dissipées
et nos blessures guériront vite.

Quelle merveille !
En prenant soin des plus blessés,
nous ferons sauter les verrous de nos prisons intérieures
et nous deviendrons des vivants remplis de lumière…
Voilà ce que le Seigneur nous révèle aujourd’hui.

Pensez… si notre communauté eucharistique
se rend encore plus attentive aux détresses
physiques, morales et spirituelles des citoyens,
c’est une grande lumière qui brillera ici…

Mais regardons aussi dans cette même perspective
le projet de Loi 52.
Si notre société légifère pour autoriser l’euthanasie,
c’est-à-dire la mise à mort des plus faibles,
notre société est une société qui perd sa lumière,
qui devient malade, très malade…

J’ajoute la particularité du projet de Loi 52
qui appelle l’euthanasie au « soin de fin de vie ».
Adopter cela, c’est enfermer la société dans un mensonge.

Allons plus loin : le projet de loi
affirme que le but de l’euthanasie est de soulager
la souffrance d’une personne en entraînant son décès.
Mais qui nous dit que l’on soulage la souffrance d’une personne
en la faisant mourir ?
Qui peut affirmer cela ?
Quelle autorité politique peut parler
de ce qui se passe au-delà de la mort ?

Frères et sœurs, en voulant devenir les maîtres de la vie,
nous nous plongeons dans les ténèbres
et dans de grandes souffrances.

*

Alors que faire ?
Quelle est notre mission
de chrétiennes et de chrétiens en 2014 ?
Écoutons ce que Jésus nous dit dans l’Évangile de ce jour.

Jésus vient de donner à ses disciples les huit Béatitudes.
Les Béatitudes sont des paroles d’encouragement,
un appel à aller de l’avant…

Cela te coûte d’être artisan de paix à l’école de Jésus ?
Tu perds courage ?
Tu as l’impression d’échouer, de t’épuiser en vain ?
Non ! Heureux es-tu ! Tiens bon !
Tu seras appelé enfant de Dieu…

Cela te coûte de pardonner ?
Tu es tenté par la rancune, la vengeance ?
Non ! Ne cède pas ! Tiens bon !
Fais miséricorde et l’on te fera miséricorde !

Cela te coûte de suivre Jésus, d’être insulté, moqué,
d’être en décalage par rapport à la société ?
Tiens bon ! Heureux es-tu :
ta récompense sera grande dans les cieux ! (cf. Mt 5,12)

Jésus prend alors deux images :
vous qui tenez bon dans la fidélité à l’Évangile,
dans la fidélité à Jésus, à Sa croix et à Sa résurrection,
vous êtes le sel de la terre et la lumière du monde. (Mt 5, 13-14)

Le sel de la terre…
Ne pensez pas ici à du sel fin dans une jolie salière Ikea !
Dans le contexte du temps de Jésus,
il s’agit de gros sel brut dont le premier usage
était de conserver les aliments.
Le sel c’est d’abord ce qui évite
que les aliments se corrompent, se gâtent ;
c’est aussi ce qui donne de la saveur, du goût….
C’est discret, cela n’a rien de séduisant,
mais c’est tellement précieux…
Le sel est ainsi devenu le symbole de la vraie sagesse,
celle qui évite la corruption du péché
et donne saveur à la vie.

« Vous êtes le sel de la terre… »
Si vous vivez de Jésus,
si votre cœur, votre vie, sont imprégnés
du mystère de la Croix,
de la joie sans fin de la Résurrection,
alors vous préservez la société de la corruption
et vous apportez ce qui donne à la vie sa vraie saveur !

La vraie saveur de la vie,
ce n’est pas la jouissance
parce que la jouissance échoue dans la mort.
La vraie saveur de la vie,
c’est de faire de notre vie en don
en embarquant dans le don de soi de Jésus…
Et cela mène à la vie éternelle, à la joie éternelle
déjà goûtée ici-bas.

Si nous, chrétiens, nous laissons de côté l’Évangile,
si nous délaissons la Croix et la résurrection,
qui donnera au monde sa saveur ?
Qui d’autre que nous donnera au monde la sagesse de la Croix ?
Qui d’autre donnera au monde l’espérance de la résurrection
comme don gratuit qui nous vient de la tendresse du Père,
de l’offrande de Jésus et du travail caché de l’Esprit Saint ?

Qui donnera à notre « nature humaine affadie »
cette sagesse, ce sel
qui ouvre jusque dans la souffrance et la mort
le chemin des Béatitudes et de la joie ?
Qui ?

Les « valeurs » les plus nobles ne suffisent pas
pour donner sens à cette vie !
Le projet de Loi 52 rédigé au nom des « valeurs »
en est la preuve…

Le Seigneur nous dit aujourd’hui :
ne perdez pas votre saveur !
À quoi sert la foi si nous n’offrons pas au monde
la saveur de la vie qui est le mystère de Jésus ?

Je lisais cette semaine dans le journal Métro
que les États-Unis manquent de sel
pour mettre sur les routes.
C’est bien cela :
Notre monde manque de sel !

Et si la peur de témoigner nous saisit,
écoutez Saint Jean Chrysostome :
« Vous n’avez pas à craindre la malédiction ;
c’est l’apparence de l’hypocrisie que vous avez à craindre ;
car la dissimulation nous affadit
et nous jette sous les pieds des hommes. »

*

Jésus ne s’en tient pas à l’image du sel :
il ajoute la lumière.

Regardons tout de suite le jeu de ces deux images :
le sel ne se voit guère.
Quand il sert à donner de la saveur…
il ne se voit même pas du tout.
La lumière, elle, se voit ;
elle brille, elle éclaire.

Être le sel de la terre,
c’est un service très humble où l’on s’oublie, où l’on se perd…
Être lumière du monde,
c’est être vu,
comme une ville sur une montagne se voit bien le soir.

Mais comment deviendrons-nous visibles dans la société ?
Jésus nous répond :
par des « œuvres belles »,
des comportements, des choix de vie
qui seront tellement beaux que les gens glorifieront Dieu.

Cela veut dire que notre comportement
obéira et même dépassera
les « valeurs » les plus nobles de notre société.

Si notre vie obéit aux valeurs de notre société,
les gens nous glorifieront.
Si elle va au-delà des valeurs dans un plus grand amour,
alors les gens glorifieront Dieu…
et nous serons lumière du monde !

Alors, faut-il être sel de la terre en confessant humblement
le mystère de la croix et de la Résurrection,
ou faut-il être lumière du monde
par le témoignage d’un amour qui se donne, qui se livre…

Il faut être sel et lumière bien sûr !

Si tu es sel, si tu es imprégné de la sagesse de la Croix de Jésus
et de l’espérance de Sa résurrection,
alors, nécessairement, ta manière d’aimer en sera transformée
et tu seras lumière…

Frères et sœurs, voilà ce que le Seigneur attend de nous,
au milieu d’une société qui est pleine de richesses d’humanité,
mais s’enfarge dans des choix de ténèbres.

Notre mission première n’est pas de dire non à ceci et à cela,
mais de témoigner d’un autre rapport à la vie,
d’une véritable écologie humaine.

Notre mission, c’est un émerveillement face à toute vie ;
c’est le service de la vie de l’enfant à peine conçu
au mourant appelé à naître à la vie éternelle…

Il y a dans toute vie un mystère de Dieu.
Il y a dans ta vie un mystère de Dieu.
Ta vie, ma vie, est un mystère de Dieu.
Nous sommes chacun un reflet unique du visage de Dieu.
Voilà ce que nous venons retrouver en chaque Eucharistie !

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