FMJ MtlVIGILES PASCALES – B
BAPTÊMES DE SOLÈNE, BORIS, HANIEL, MAXENCE ET PATRICK
Frère Antoine-Emmanuel
Ro 6, 3b-11 ; Ps 117; Mt 28, 1-10
4 avril 2015
Sanctuaire du Saint Sacrement, Montréal

Qu’est-ce que la Résurrection ?

L’Évangile que nous venons d’entendre
a quelque chose d’un peu décevant.
On voudrait bien voir les femmes toutes enthousiastes
quand l’ange leur annonce la Résurrection,
mais on les voit effrayées,
s’enfuyant loin du tombeau
et ne disant rien à personne !

Pourtant, c’est un Évangile qui révèle bien
ce que nous vivons souvent en face de la « Résurrection ».

Noël… nous n’avons pas de mal à imaginer la crèche,
Marie et Joseph, la naissance de l’Enfant, les bergers…
Mais la Résurrection ?

Les apôtres eux-mêmes se demandaient
ce que signifie ce « ressusciter d’entre les morts » (cf. Lc 24,46)
dont Jésus leur avait parlé.

Qu’est-ce que la Résurrection ?

Je voudrais partir ce soir d’un petit morceau de papier
qu’un grand philosophe du 18e siècle
avait cousu dans son manteau.
Il s’agit de Blaise Pascal.

Blaise Pascal connaissait une profonde inquiétude.
Il était chrétien, croyant,
mais il ne sentait pas « le mouvement de Dieu en lui » .

Le Seigneur lui a donné, un jour,
une profonde expérience spirituelle lors d’une journée de retraite
(on disait alors d’exercice spirituel).
Le Dieu qu’il percevait comme lointain,
S’est fait proche, S’est révélé.
C’était le lundi, 27 novembre 1654, entre 22h30 et minuit 30.
Une saisie de Dieu, un « Feu ».
Sur un billet, il écrit pour ne jamais l’oublier :
« Feu ! Dieu d’Abraham, Dieu d’Isaac, Dieu de Jacob,
non des philosophes et des savants.
Certitude, certitude, sentiment, joie, paix.
Dieu de Jésus-Christ (…)
Il ne se trouve que par les voies enseignées par l’Évangile.
Grandeur de l’âme humaine (…)
Joie, joie, joie, pleurs de joie(…) Jésus-Christ ».

Et il réalise :
je m’en suis séparé, je L’ai fui, renoncé, crucifié.
Que je n’en sois jamais séparé.
Renonciation totale et douce.
Soumission totale et douce (…)
Éternellement en joie ».

C’est cela la Résurrection…
Joie, joie, joie, pleurs de joie.

Une rencontre avec Jésus vivant
qui suscite une « éternelle joie ».
Et la vie se dévoile sous un nouveau jour.

Je pense à ce que tu me disais, Solène :
« Depuis que j’ai découvert le Seigneur,
je suis 1000 fois plus heureuse ».

Joie, joie, joie, pleurs de joie.

Mais… la joie est-elle présente
dans les récits de la Résurrection ?
Saint Matthieu nous raconte que les saintes femmes
quittent le tombeau avec crainte et grande joie (28,8).
Crainte et grande joie.
Elles avaient en elles une grande joie,
mais comme étouffée par la peur
de cette nouveauté inimaginable.
Aussi, la première parole que Jésus leur adresse
est : « Soyez sans crainte » (v. 10).
N’ayez pas peur de ma nouvelle présence,
présence pleine de douceur, de vie, de joie.

Jésus Se fait proche pour libérer la joie,
la joie d’une nouvelle amitié avec Lui,
la joie de Sa victoire sur la mort.
La joie de l’ouverture du Ciel à toute l’humanité.

Vous voyez cette tendresse de Jésus,
cette attention de Jésus.
Je pense à toi, Patrick, qui as fait l’expérience
de ce que Jésus, à travers l’Église,
réponde aux questions que tu te poses.
Jésus, Lumière et Vie.
Jésus qui libère en nous la joie.

Si nous regardons dans l’Évangile de Luc,
on y trouve aussi la joie bien présente,
mais ce n’est pas immédiat.
Le soir de Pâques, les apôtres son effrayés,
ils ont le cœur troublé,
pleins d’objections, plein de peurs.
Alors Jésus qui Se rend visible à eux
leur montre ses mains, ses pieds
et les invite à Le toucher.
Il n’est pas un fantôme,
une imagination ou un mort vivant.
Luc écrit alors un verset assez étonnant :
ils ne croyaient pas à cause de la joie…
la joie les empêche de croire !
C’est paradoxal… mais c’est très vrai.

Nous avons du mal
à laisser grandir en nous la foi et la joie.

On accepte une foi sans joie,
une foi qui reste dans les idées.
C’est le Dieu des philosophes et des savants.
Le Dieu des livres et même des livres saints.
Mais nous résistons à la rencontre avec Jésus,
avec la Résurrection, avec la vie, avec les « pleines de joie ».

Ou bien, on vit une religion de sentiment, d’exaltation,
mais où la foi est absente,
où nous ne livrons pas notre cœur et notre intelligence
à la confiance en Dieu.

Ils ne croyaient pas à cause de la joie.
Alors Jésus mange devant eux
pour leur faire voir la réalité de la résurrection.
Et cela ne suffit pas.
Il faut que Jésus leur ouvre l’esprit
à l’intelligence des Écritures.
Comme dans l’évangile de Matthieu,
c’est Jésus qui vient libérer la joie.
Jésus qui vient réconcilier, unir en eux, la joie et la foi.

La foi sans joie
n’est pas une remise complète de soi au Seigneur.
La joie sans foi l’est encore moins.

Jésus les visite, les enseigne
pour que naisse en eux une foi joyeuse,
c’est-à-dire une foi réelle.

La foi est un chemin.
Maxence, tu en as fait l’expérience
en voyant que « la bonne étoile »
qui accompagnait ta vie,
c’est en réalité quelqu’Un :
c’est Jésus, Jésus vivant,
Jésus qui vient ce soir libérer la joie en nous tous.

C’est cela que nous raconte Pascal :
joie, joie, joie, pleurs de joie.

Je pense à saint Augustin qui écrivait :
« Loin de mon cœur,
Seigneur l’idée que n’importe quelle joie
puisse me rendre heureux !
Car il y a une joie qui n’est pas donnée aux impies,
mais à ceux qui vous servent pour l’amour de vous,
et c’est vous-mêmes qui êtes cette joie » (Confessions, X, 32).

Notre vraie joie, c’est Dieu
dont le mystère même est une continuelle résurrection,
un continuel surgissement d’amour.

« Le Dieu des chrétiens, écrit Pascal,
est un Dieu qui fait sentir à l’âme
qu’Il est son unique bien ;
que tout son repos est en Lui,
qu’elle n’aura de joie qu’à l’aimer » (fragment 544).

*

Qu’est-ce que la Résurrection ?
C’est le surgissement de cette joie dans le monde,
dans l’histoire.

Il y a la Résurrection de Jésus
qui est un fait historique bien concret
avec son cortège de témoins.
Et il y a le déploiement de cette résurrection en nous
qui commence par une « résurrection intérieure ».
Nous mourons à une vision du monde et de Dieu
où la joie est quelque chose de « magique » disait Sartre,
où elle est passagère, superficielle,
ou bien inappropriée, indécente…

Pour une nouvelle naissance
où foi et joie donnent ensemble en nous,
(où nous vivons d’une amitié
toujours neuve avec Jésus),
une amitié toute intérieure
et une amitié qui s’incarne
dans la multitude des visages de la Terre,
d’abord des plus vulnérables.

Une nouvelle naissance…
à la joie, aux pleurs de joie
parce que nous découvrons que rien,
ni le péché, ni la mort, ni quoi que ce soit
n’a empêché, ni n’empêche le Seigneur de nous aimer
et de nous partager sa Joie.

Mais, peut-on parler de joie
quand 10% de la population
accumule 90 % des richesses ?
Quand les injustices écrasent
des milliards d’hommes, de femmes, d’enfants ?
Quand s’amplifie le nettoyage ethnique
orchestré par des djihadistes
qui n’ont pas compris
que le vrai combat est contre le mal
au-dedans de nous ?

Est-ce indécent de parler de joie ?

Mais est-ce que nous nous rendons compte
que si nous nous taisons, nous privons le monde
de la seule voie de libération qui existe ?

La libération intérieure de l’emprise du mal sur l’histoire :
voilà ce que Jésus a réalisé en descendant dans la mort,
dans les enfers.
Jésus a brisé cette emprise.
Jésus a rendu le monde au Père.
Jésus nous a rendus au Père.
Voilà la cause de notre joie.
Une joie que nous voulons offrir au monde.

Tu as bien compris cela Haniel,
toi qui as demandé le Baptême
avec la conviction que c’est un don
pour les autres, pour tes proches.

La joie chrétienne n’entrave pas l’action,
la lutte pour la justice :
elle ne l’entrave pas, elle l’inspire.
Et c’est aussi pour cela
que nous nous ouvrons grand à cette joie.

C’est quoi la Résurrection ?
C’est la joie divine qui explose dans l’histoire.
C’est la joie qui fait exploser le péché et la mort.
C’est la joie dont tu témoignes déjà Boris
au milieu des étudiants au Cégep de Maisonneuve.

Cette joie, nul ne nous l’enlèvera.

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