FMJ MtlJeudi, 31e Semaine du Temps ordinaire – B
Frère Antoine-Emmanuel
Ro 14, 7-12 ; Ps 26 ; Lc 15, 1-10
5 novembre 2009
Montréal, Sanctuaire du Saint-Sacrement

Même dans les églises

Au cœur de nos vœux monastiques,
nous nous engageons à tendre à la prière continuelle
et à la « conversion toujours renouvelée de nos cœurs »
jusqu’à ce que vienne le Seigneur.

Mais qu’est-ce que la « conversion » ?
Le Premier Testament avec le terme de « teshouvah »
parle de la conversion comme un « retour ».
Un retour vers mon Créateur
dont mon péché m’a éloigné.

Le terme grec du Nouveau Testament
est souvent celui de « metanoia »
qui signifie une transformation de notre mentalité,
de notre pensée et, partant, de notre vie.

Mais que nous dit Jésus Lui-même ?
À partir de Dieu,
à partir du regard de Jésus,
qu’est-ce qu’une conversion ?

La réponse nous est merveilleusement donnée
dans les deux petites paraboles
que nous recevons aujourd’hui.

Pour Jésus la conversion
ce n’est pas un homme ou une femme
qui, de son initiative multiplie
efforts, ascèses et pénitences
pour changer sa vie,
pour la détordre, la redresser, la ramener vers Dieu.

La conversion, c’est une brebis
complètement égarée au fond d’un ravin
couverte de boue et blessée de toutes parts
qui voit s’approcher son berger.
Une brebis qui découvre l’amour de son Berger
qui a tout laissé,
qui a tout risqué,
pour la retrouver
comme si elle était son unique brebis au monde.

La conversion c’est cette brebis
qui se laisse approcher,
qui se laisse rencontrer,
qui se laisse prendre sur les épaules du berger
et qui, à la maison, consent à être fêtée
alors qu’elle s’attendait à être battue.

Découvrir l’Amour fou du Berger,
se laisser approcher,
se laisser porter et consentir à être fêté…
C’est comme cela que naît une conversion !

La fatigue n’est pas d’abord celle du converti,
elle est celle de Dieu.
Si nous savions combien Dieu se « fatigue »
pour aller nous chercher
et nous offrir son amour.
Cette « fatigue » divine traverse
tous les temps, toutes les générations.

Dieu est sans cesse en marche
dans les déserts du monde
pour chercher chaque brebis perdue.
Ephraïm, je le prenais par les bras, dit le Seigneur
et ils n’ont pas compris que je prenais soin d’eux ! (Os 11,3)
Moi le Seigneur, j’ai tendu les mains chaque jour,
vers un peuple rebelle,
(vers) des gens qui suivent une voie mauvaise
au gré de leur fantaisie,
(vers) un peuple qui me provoque sans cesse en face (Is 65, 2-3).
Les mains tendues,
Dieu est dans les saunas de Montréal,
dans les repaires de la mafia,
dans les maisons de passe,
et parmi les trafiquants de drogue.
Il est auprès de ceux qui consomment
de la pornographie sur internet.

*

Il est même dans les églises !
Dans les églises et les monastères,
parce que s’il y a la brebis perdue au loin dans les déserts,
il y a aussi la drachme perdue dans la maison,
c’est-à-dire chacun de nous
qui certes sommes dans la maison
mais qui avons tant besoin de nous convertir.
La vie monastique appelle à une continuelle conversion,
parce que la vie chrétienne elle-même l’exige.

Combien là aussi Dieu se fatigue pour nous chercher…
L’Évangile nous parle
des trois gestes de Dieu dans sa maison :
le Seigneur allume une lampe ;
il balaie la maison ;
il cherche avec soin jusqu’à ce qu’il nous retrouve…

Tout cela pour une drachme ?
Frères et sœurs, est-ce que Dieu se fatigue
pour un sou ou pour une seule brebis ?

Oui! Dieu se fatigue et se livre pour chacun de nous.
« Mon Père, s’il est possible,
que passe loin de moi cette coupe !
Cependant, non comme moi je veux,
mais comme tu veux » (Mt 26,39).
Alors Jésus entra en agonie ;
il priait plus intensément ;
Sa sueur devint comme des caillots de sang
descendant sur la terre (Lc 22,44).

C’est ce qu’il en coûte à Dieu
pour venir chercher et sauver ce qui était perdu (Lc 19,10)
Oui mes brebis je les retirerai de tous les lieux
où elles furent dispersées,
aux jours de nuées et de ténèbres.
Je chercherai celle qui est perdue,
je ramènerai celle qui est égarée,
je panserai celle qui est blessée,
je fortifierai celle qui est malade (Éz 34, 12..16)

Et cela aux prix des épines d’une couronne d’insultes,
au prix de la route d’une humiliation à l’autre
au prix du rejet de la malédiction, de la haine…
au prix de la croix
et au prix de la descente dans tous les enfers…

C’est cela le travail de Dieu.
Travail d’accouchement de créatures nouvelles,
de créatures converties,
c’est-à-dire d’hommes et de femmes
qui se retournent vers l’Amour,
dans la teshouvah du cœur ;
d’homme et de femmes transformées de l’intérieur.
À quoi les reconnaît-on ?
À ce que eux aussi ils se mettent à la recherche
des brebis et des drachmes perdues.

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