FMJ Mtl24e DIMANCHE DU TEMPS ORDINAIRE – B
Frère Antoine-Emmanuel
Is 50, 5-9 ; Ps 114 ; Jc 2, 14-18 ; Mc 8, 27-35
16 septembre 2012
Sanctuaire du Saint-Sacrement, Montréal

La Révolution de l’Amour

« Qu’est-ce que les gens disent de Moi ? »
« Que tu es Jean Baptiste, ou Élie,
ou un autre prophète ! » (cf. Mc 8,27-28)
c’est-à-dire quelqu’un qui annonce la venue d’un autre,
qui prépare le chemin d’un autre
et non le Sauveur définitif.

« Et vous, quand vous prêchez,
qu’est-ce que vous dites de moi ? » (29)
« Nous, nous disons que tu es le Messie ! »
« Eh bien, non, non !
Ne dites pas cela pour le moment ! » (cf. 8,30)
Dites que le Royaume est proche,
dites qu’il est urgent de se convertir,
mais ne dites pas que je suis le Messie !
Pas avant l’heure de la Croix.

Première mise au point…

Jésus reprend la parole :
« Il faut que le Fils de l’homme souffre beaucoup,
qu’il soit rejeté (…), mis à mort
et que trois jours après il se relève » (8,31).
Alors Pierre d’autorité, prend Jésus à part
et se met à l’exhorter, à le réprimander :
« Non, ce n’est pas cela la bonne route ! »
« Non, cela ne t’arrivera pas ! » (Mt 16,22).
Alors Jésus se retourne,
Il se libère de la manœuvre de Pierre
et devant tous les disciples qui regardent la scène, dit :
« Pierre, va-t-en derrière Moi,
ton rôle ce n’est pas de M’indiquer le chemin ;
Je ne suis pas ton disciple,
et pour Moi quand tu dis cela, tu es Satan,
tu Me tentes,
tu Me pousses hors du chemin de l’Amour.
« Va-t’en derrière Moi, Satan ! » (8,33)

*

Deuxième mise au point…

Frères et sœurs, croyez-vous
que Pierre est sorti tranquille de cet échange ?
Si l’on s’en tient au récit de Saint Marc, certes non !
Après deux mises au point plus que sévères…

Et Pierre aura certainement repensé aux derniers mots de Jésus :
« tes pensées ne sont pas celles de Dieu,
mais celles des hommes » (Mc 8,33).

« Les « pensées de Dieu » et les « pensées de hommes »…
Cela rappelle clairement Isaïe
« vos pensées ne sont pas mes pensées
et mes chemins ne sont pas vos chemins » (Is 55,8).

Pour nous la faiblesse est un échec,
et l’échec est ce que nous haïssons le plus.
Pour Dieu la faiblesse comme l’échec font partie de l’amour.

« Ce qui est folie dans le monde,
Dieu l’a choisi pour confondre les sages ;
ce qui est faible dans le monde,
Dieu l’a choisi pour confondre ce qui est fort ;
ce qui dans le monde est vil et méprisé,
ce qui n’est pas,
Dieu l’a choisi pour réduire à rien ce qui est » (1 Co 1, 27-28).

« Car ce qui est folie de Dieu
est plus sage que les hommes,
et ce qui est faiblesse de Dieu
est plus fort que les hommes » (1 Co 61,25).

Nous ne cessons pas de courir
après des résultats, des performances ;
nous courrons après des titres, des rôles,
des honneurs, de la puissance.
Nous sommes complètement dans le champ !

Combien de fois nous répondons au mal par le mal,
à la violence par la violence !
Jusqu’à ce chrétien, oui, ce chrétien-américain,
qui répond à la violence de certains musulmans
par la violence d’un film qui fait le tour de la planète
et qui déclenche un nouvel éclatement de violence.

Mais hier, une petite voix s’est faite entendre :
un vieil homme de 85 ans
qui n’a ni missile ni kalachnikov
a pris la parole en plein Moyen-Orient
devant une foule de jeunes chrétiens et musulmans.

« Ouvrez les portes de vos esprits et de vos cœurs au Christ.
La rencontre avec Lui donne à la vie un nouvel horizon
et par là son orientation décisive.
En Lui, vous trouverez la force et le courage
pour avancer sur les chemins de votre vie
en surmontant les difficultés et la souffrance.
En Lui vous trouverez la source de la joie.
Le Christ vous dit : « Je vous donne ma Paix ».
Là est la véritable révolution apportée par le Christ :
celle de l’Amour ».

Et un peu plus loin :
« En Jésus, tous les hommes sont nos frères.
La fraternité universelle qu’Il a inaugurée sur la croix
revêt d’une lumière éclatante et exigeante
la révolution de l’Amour.
Aimez-vous les uns les autres comme Je vous ai aimés (Jn 1,512).
Là est le testament de Jésus et le signe du chrétien.
Là est la véritable révolution de l’Amour. »
(Homélie devant les jeunes au Liban)

En plein Moyen-Orient, le Pape appelle à la révolution.
Il appelle le monde entier à la révolution.
À la révolution de l’Amour.

La révolution de l’Amour c’est Jésus qui donne sa Paix :
c’est Jésus qui répond à la haine et à la violence
par le don gratuit de la paix.

La révolution de l’Amour c’est la fraternité universelle
inaugurée par Jésus sur la croix.

La révolution de l’Amour, c’est l’amour des ennemis,
et c’est la seule véritable révolution dans la personne humaine
et dans l’histoire des peuples.
Toutes les autres révolutions n’atteignent pas aussi profondément
le cœur des personnes et des peuples.

C’est là que se voit la foi véritable
comme Saint Jacques nous l’a fait comprendre.
La foi véritable révolutionne le cœur de l’homme.
C’est une prise de notre Bastille intérieure,
c’est-à-dire de la dureté du cœur humain
que les peurs ont rendu dur comme marbre.
C’est une destruction de tous les anticorps
que nous avons développés pour ne pas souffrir,
pour ne pas mourir,
et qui tuent l’amour en nous.

*

Frères et sœurs, cette révolution-là n’est pas tranquille…
Elle consiste à nous renier nous-mêmes
c’est-à-dire à renier nos attitudes
d’individus fermés sur nos peurs ;
elle consiste à prendre notre croix,
c’est-à-dire à risquer notre vie,
à perdre notre vie, à la donner par amour ;
elle consiste à suivre Jésus.

On dit que la Révolution tranquille
a été initiée par des chrétiens, par des prêtres.
À plus forte raison, la révolution de l’Amour,
est confiée aux chrétiens que nous sommes !

Est-ce que le Seigneur ne nous demande pas
d’entamer une révolution silencieuse au Québec ?

Une révolution par la prière,
c’est le levier qui fait basculer le monde.

Une révolution par le témoignage de l’amour,
de la fraternité universelle, de la miséricorde.

Mais ne nous y trompons pas.
La révolution de l’Amour n’est pas une œuvre de l’homme seul.
Elle est d’abord une œuvre de Dieu.

La Révolution de l’Amour, elle est d’abord en Dieu
dans le continuel don de soi des Personnes divines l’une à l’autre.

L’Incarnation elle-même est une Révolution en Dieu ;
« mon cœur se retourne contre Moi »
dit le Seigneur (Os 11,8).
Et la Révolution de l’Amour commence dans l’humanité
quand nous acceptons l’Amour de Dieu.
Rien n’est plus révolutionnaire en nous
que de nous laisser aimer par Dieu.
C’est à ce moment-là que tout commence à bouger en nous,
et qu’émerge un nouveau régime,
celui du don de soi, de la fraternité universelle.

Voilà ce que nous accueillons dans le mystère de l’Eucharistie.

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