FMJ MtlDIMANCHE, 27e SEMAINE DU TEMPS ORDINAIRE – B
Frère Antoine-Emmanuel
Gn 2, 18-24 ; Ps 127 ; He 2, 9-11 ; Mc 10, 2-16
7 octobre 2012
Sanctuaire du Saint-Sacrement, Montréal

« Homme et femme » Il les créa

En cette veille de la fête de l’Action de Grâce
où nous bénissons Dieu pour le don de la création,
je vous invite à bénir Dieu
pour une des plus grande merveille de la création :
celle de nous avoir créés homme et femme.
Quelle grâce !
Mais aussi quel honneur !
Parce que le fait que nous soyons « homme et femme »
signifie que Dieu nous a créés « à son image » :
Dieu créa l’homme à son image,
à l’image de Dieu Il les créa,
homme et femme Il les créa (Gn 1,27).

*

Quelle dignité !
Mais en même temps que de tensions,
que de conflits, que d’abus, que de violence
dans cette réalité de la différence sexuelle !
Que de drames aujourd’hui.
Que de drames dans le passé ;
la question des pharisiens en témoigne :
« Est-il permis à l’homme de renvoyer sa femme ? » (Mc 10,2)

La réponse de Jésus à cette provocation des pharisiens
a quelque chose d’unique dans tout l’Évangile.
Jésus renvoie ses auditeurs explicitement au « commencement »,
à l’origine de la création, avant le péché originel,
à l’innocence originelle.

Pour comprendre le mariage,
la loi, les coutumes, les institutions ne suffisent pas :
il faut remonter au dessein originel du Créateur.
C’est dire ce qu’il y a de très unique,
de très particulier dans le mariage.

Quelle est donc cette origine ?
Jésus nous renvoie au deuxième récit de la Genèse,
le plus ancien semble-t-il.
Ce récit nous parle d’abord
de ce que nous sommes comme humains,
de ce que nous, hommes et femmes, avons en commun.

Nous avons en commun qu’il n’est pas bon pour nous d’être seuls.
Dieu nous a créés pour la relation, pour la communion.
Or, nous enseigne le texte, aucun animal, bête, bétail ou oiseau,
n’est accordé à notre désir de communion (cf. Gn 2,20).
Nous sommes une créature tellement unique, tellement différente !
Unique de par notre intelligence ;
mais surtout unique
de par notre appel intérieur à la communion ;
et plus encore unique
de par notre relation personnelle avec le Créateur.

Aucun être animé sur cette terre
n’est accordé à notre plus profond désir de communion.
C’est notre solitude originelle.
Nous la portons tous en nous.

C’est là qu’apparaît la beauté et le sens de la différence sexuelle.
Car, lorsque l’homme se trouve devant la femme,
c’est l’émerveillement !
Il s’écrie : « voici l’os de mes os
et la chair de ma chair » (Gn 2,23).
En donnant l’homme à la femme
et la femme à l’homme,
Dieu nous a donné une « aide qui nous est accordée »
(cf. Gn 1, 18 et 2, 20)
Pas une « aide » au sens de celui ou celle qui fait la cuisine
mais une aide existentielle :
une personne humaine dont l’existence même
répond à notre appel à la communion

On comprend ici que la différence mâle/femelle
que l’on trouve chez les animaux
a chez nous les humains, une valeur, une beauté,
un sens infiniment plus grand,
d’une nature toute autre.

Il y a en nous, en toute personne humaine,
bien en deçà de ce que l’on appelle « l’orientation sexuelle »,
un désir de l’autre,
un désir d’un autre qui est de nature spirituelle.
Nous ne sommes pas faits pour le repli sur nous-mêmes.
Nous sommes faits pour l’extase,
pour la sortie de nous-mêmes vers un être différent.
Ultimement et fondamentalement,
nous sommes faits pour la rencontre
avec le Tout-Autre, avec Dieu, mais immédiatement,
nous sommes faits pour cette première extase
qui est la rencontre de l’autre sexe.

Et ce désir de communion
– dont le désir sexuel n’est qu’une manifestation –
est si intense que la personne humaine trouve la force
de quitter son père et sa mère
pour s’attacher à sa femme, à son mari
et, nous dit l’Écriture, ils deviennent une seule chair (Gn 2,24).

La « chair » est la personne humaine
dans sa fragilité, dans sa vulnérabilité
dans sa réalité temporelle.

L’homme et la femme se lient par un accord mutuel dans l’amour
pour devenir une seule chair.

Et cette union, est scellée par l’union sexuelle
qui engage aussi bien le corps que l’âme, et même l’esprit.

L’union sexuelle de l’homme et de la femme
est comme le sacrement de leur communion.
Elle exprime un don total de soi.
C’est toute la beauté, la dignité de la relation sexuelle
qui est si grande, si sainte
qu’en elle se déploie le mystère même de la création,
qu’en elle peut germer en une nouvelle personne humaine.

*

Ils deviennent une seule chair
dit bien le Livre de la Genèse.
Une seule chair.
C’est indissoluble !
C’est la réalité – sainte – que nous appelons le « mariage »
et c’est à cette réalité
que Jésus nous renvoie aujourd’hui explicitement.

Le mariage a eu, a et aura des formes sociales très diverses.
Mais en deçà de ces formes culturelles,
il appartient à notre nature.
Il appartient à ce que nous sommes.

Il existe beaucoup de formes de cohabitation, de vie commune :
pensez à des colocataires, à une communauté de base,
à une communauté religieuse ;
Pensez à une personne avec des enfants adoptés ;
pensez à la vie de deux personnes
ayant une tendance homosexuelle ;
Le « mariage » qui unit un homme et une femme
est d’une autre nature que tout cela.
Il est inscrit très profondément en nous.

*

Il n’en reste pas moins exigeant, très exigeant,
parce que notre éloignement de Dieu a tout compliqué,
tout blessé en nous.
C’est pourquoi Moïse avait dû réglementer le divorce
pour limiter les dégâts et notamment
pour que la femme soit respectée comme personne.

Et Jésus ?
On s’attendrait ici de la part de Jésus
surtout à des paroles de compassion, de miséricorde.
Or Jésus renvoie à l’origine
et se distancie des concessions juridiques de Moïse :
Ce que Dieu a attelé, que l’homme ne le sépare pas (Mc 10,9).
Littéralement ce que Dieu a mis sous un même joug
– le joug de l’amour conjugal –
que l’homme ne le sépare pas.

Jésus ignore-t-Il les difficultés,
les souffrances parfois immenses de la vie conjugale ?

Ou bien, Sa présence, Sa résurrection,
Son amour répandu en nos cœurs
rendent-ils possible à nouveau l’indissolubilité du mariage ?
En d’autres termes :
avec Jésus le mariage est-il possible ?
Oui, avec Jésus, la communion
dont nous portons le désir est de nouveau possible !

*

Frères et sœurs, c’est cela la Bonne nouvelle du mariage.
La présence aimante de Jésus nous libère
de la sclérose du cœur (Mc 10,5)
dont parle l’Évangile !

Ainsi les couples qui se marient au nom de Jésus,
les couples qui laissent Jésus
entrer personnellement dans leur amour
deviennent des témoins, de grands témoins !
C’est là toute l’originalité du sacrement de mariage.

Ceux et celles parmi nous ce matin
qui sont unis par le sacrement du mariage,
si vous puisez dans ce sacrement,
si vous vivez ensemble de Jésus
vous serez pour nous tous des grands témoins !
Vous nous dites Dieu,
Dieu qui n’est pas seul.
Dieu qui est communion.
Et vous nous dites la victoire du Ressuscité
sur toutes les forces de mal, de division, de jalousie et de mort.

Merci d’être ces témoins !
Merci de nous rappeler à tous et toutes
que nous avons tous à devenir ce que nous sommes :
des témoins de l’Amour.

Et c’est bien pour devenir ces témoins qu’ensemble
nous venons nous remettre à Jésus et au Père
dans la Sainte Eucharistie.

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