FMJ Mtl23e DIMANCHE DU TEMPS ORDINAIRE – B
Frère Antoine-Emmanuel
Is 35, 4-7a ; Ps 145 ; Jc 2, 1-5 ; Mc 7, 31-37
6 septembre 2015
Sanctuaire du Saint Sacrement, Montréal

Que la vie de communion entre en nous

« Tout ce qu’il fait est admirable :
il fait entendre les sourds et parler les muets » (Mc 7,37).

C’est le cri de joie de la foule, des Juifs et des païens
qui viennent d’être témoins de la guérison
de l’homme sourd et qui parlait difficilement.

Jésus fait entendre les sourds et parler les muets.
Il l’a fait jadis en terre païenne en revenant de Tyr et de Sidon.
Et s’Il l’a fait jadis dans sa vie publique,
à combien plus forte raison,
Jésus le fait-Il aujourd’hui dans sa Résurrection.

Il le fait pour qui ?
Il le fait pour nous !
Qui sont les sourds et les mal-parlants ?
Moi ! Toi !

Regardez…
N’est-il pas déjà arrivé dans votre vie
qu’à travers une personne,
une lecture, un événement, une liturgie,
vous ayez le sentiment que le Seigneur vous a parlé ?

Ce n’est pas que nous entendions des voix
au sens d’un phénomène mystique extraordinaire,
mais que le Seigneur parle à notre cœur.

Je vais vous donner un exemple.
Une personne très fragile
et qui vit pauvrement pas loin d’ici sur le Plateau,
m’a dit la semaine dernière :
« Il faut être très délicat avec le Seigneur en nous.
Le Seigneur est sensible comme un tout petit enfant.
Sois très délicat avec Lui, ne Le blesse pas ».
Je peux vous dire
que le Seigneur m’a parlé à travers cette personne.

Croyez-vous que le Seigneur nous parle ainsi rarement ?
Croyez-vous que le Seigneur n’a rien à nous dire ?

Quand je lis la Parabole du semeur,
je vois Dieu, je vois le Verbe de Dieu
semer à pleines mains avec une générosité
et même une démesure incroyable.
Il sème même sur l’asphalte !

Le Seigneur a tant à nous dire.
Ou plutôt, Il a une seule chose à nous dire
et S’y prend de tant et tant de manières
pour essayer de Se faire entendre,
pour nous dire qu’Il nous aime.
Pourquoi sommes-nous si réticents à accueillir les pauvres
comme saint Jacques vient de nous le dire ?
Parce que nous ne reconnaissons pas le Christ en eux,
parce que nous n’entendons pas
la Parole de Dieu qu’ils sont.

Je pense à la finale du Psaume 81(80) :
Ah ! Si mon peuple M’écoutait,
si Israël suivait mes chemins,
J’aurais vite fait d’humilier leurs ennemis (…) (v. 14).

Si mon peuple M’écoutait…
Si vous et moi, nous avions entendu
tout ce que le Seigneur a voulu nous dire cette semaine
à travers l’Écriture, à travers un frère,
une sœur, un pauvre, un riche,
à travers les événements et plus que tout,
à travers son Eucharistie.

Oui, nous ressemblons à ce païen sourd et mal-parlant
qui habitait dans la Décapole ;
littéralement sourd et qui parlait difficilement,
comme nous…
Parce que notre surdité à la Parole de Dieu
fait que nous avons beaucoup de mal
à rendre la Parole à Dieu,
à dire une Parole de Dieu aux autres
et surtout à être une Parole de Dieu pour les autres.

Il y a une sorte de résistance en nous.
Nous sommes faits pour accueillir la Parole de Dieu
et pour la dire par notre vie,
mais ça passe difficilement
comme si nous avions laissé couler du béton en nous.

Et regardez bien que le récit de guérison
de l’Évangile d’aujourd’hui indique
que la guérison de la surdité et du quasi-mutisme
est particulièrement laborieuse.
Les gens qui amènent à Jésus cet homme
s’attendaient au contraire à ce que Jésus lui impose les mains
et que la guérison soit immédiate,
comme c’est arrivé dans bien des cas.

Or, il n’en est pas ainsi :
Jésus commence par emmener l’homme à l’écart de la foule.
Jésus ne veut pas de spectacle.
Puis Jésus met ses doigts dans les oreilles de l’homme.
Il touche sa langue avec sa propre salive,
c’est une sorte de bouche-à-bouche ;
une réanimation de cet homme privé de communication,
clos en lui-même,
exclu de la communion.
Avec son corps, Jésus touche, entre en contact
avec le corps de cet homme
pour que la vie de communion entre en lui.
Puis, Jésus lève le regard au Ciel
comme pour s’ouvrir avec cet homme
à la plénitude de l’Amour du Père.

Puis, Jésus « soupire ».
C’est à la fois un gémissement
qui dit le labeur qui est en cours
comme une anticipation
des gémissements infinis de la passion ;
un gémissement et un souffle.
On pressent le travail de re-création,
comme en écho de la création elle-même
quand Dieu souffla son haleine de Vie dans sa créature
qui devint un être vivant (cf. Gn 2,7).
Mais maintenant, c’est de la vie de communion dont il s’agit.

Enfin vient la Parole puissante
que Jésus adresse à cet homme :
« Effata ».
Effata ne signifie pas « ouvre-toi »,
mais « ouvre-toi grand ».
Jésus vient ouvrir grand cet homme à l’Amour.
Il l’ouvre à l’écoute de la Parole.
Et quelle est la conséquence immédiate ?
Le lien de sa langue se délie
et il parle correctement (Mc 7,35).

Voilà l’œuvre de Jésus hier comme aujourd’hui :
nous ouvrir.
Le péché, la peur de la mort nous ferme, nous bétonne.
Le péché est un rétrécissement de l’être.
Et Jésus vient nous ouvrir.

*

Il prononce sur nous aujourd’hui,
cet Effata, ouvre-toi grand.
Entends la Parole et qu’elle fasse son chemin dans ton cœur
afin que ta vie devienne Parole de Dieu,
afin que ta vie dise l’Amour.

*

Une petite notre biblique pour finir.
Il y a dans l’Évangile de Marc
une autre guérison qui se situe
comme en écho au récit d’aujourd’hui :
la guérison en deux étapes de l’aveugle de Bethsaïde.
Avec ces deux récits, l’Évangile nous dit très clairement
que Jésus vient accomplir la bouleversante prophétie d’Isaïe
que nous avons entendue en première lecture.
Les yeux des aveugles verront
et les oreilles des sourds s’ouvriront.
Alors le boiteux bondira comme un cerf
et la bouche du mal-parlant criera de joie (Is 35, 5-6).

Ce sont là les signes d’un renouveau extrêmement profond,
d’une libération, d’une rédemption
où des eaux jailliront dans le désert (Id.).

Oui, que se réjouissent le désert et la terre aride
que la steppe exalte et fleurisse (Is 35,1).
Dans le désert des cœurs et des rues,
des studios et des condos,
partout où Jésus est accueilli, l’eau jaillit.
L’eau de la Vie, de la Miséricorde,
du pardon, de la tendresse.
Voilà ce qui se passe quand nous permettons à Jésus
de prononcer son Effata sur nous.
Effata, ouvre-toi grand !

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