FMJ MtlSamedi, 7e Semaine après Pâques – C
Frère Antoine-Emmanuel
Ac 28, 16-20.23b-24.28-31 ; Ps 10 ; Jn 21, 20-25
22 mai 2010
Montréal, Sanctuaire du Saint-Sacrement

L’Esprit qui « personnalise »

Pierre et Jean…

Pierre vient d’être confirmé comme pasteur.
Un ministère dont le point de départ n’est pas
dans ses capacités intellectuelles ou pastorales
ou dans son passé de fidélité sans faille
mais son amour pour Jésus confessé dans l’humilité.

Jésus lui a aussi annoncé l’horizon du martyr :
il sera ligoté et conduit là où il ne voudrait pas. (cf. Jn 21,18)
Et l’évangéliste commente que Pierre rendra ainsi gloire à Dieu.

C’est l’itinéraire de Pierre.

Pierre se retourne alors : « Seigneur, celui-là, quoi ? » (v. 21)
Qu’adviendra-t-il à Jean ?

La réponse de Jésus est surprenante :
« Si je veux qu’il demeure jusqu’à ma venue
qu’est-ce pour toi ?
Toi, suis-moi » (v. 22) .

« Pierre, accepte la différence.
Tu me suis comme pasteur et martyr
qui donne sa vie, qui m’aime.
Jean me suit en ‘demeurant’,
demeurant longuement,
en demeurant dans mon amour.
Réjouis-toi de la différence
et sois fidèle à la mission que tu es, toi, Pierre ! »

Pierre et Jean étaient naturellement différent, très différent.
Devenus disciples du Maître,
consacrés dans la Vérité (cf. Jn 17,19)
leur différence n’est pas nivelée,
elle est consacrée.
Chacun reçoit un appel et donc un don.
Un appel différent et donc un don différent.
Dans le Seigneur, non seulement
ils restent des personnes dans leur identité,
leur unicité, leur dignité
mais ils sont davantage des « personnes »
et cela pour deux raisons :

La première est que leur individualité
est renforcée par le caractère particulier de leur vocation.
La deuxième est qu’ils reçoivent un don qui les met en relation,
en diaconie les uns vis-à-vis des autres.

Ils sont plus « eux-mêmes »,
et ils sont plus en don réciproque…
ils sont plus «personnes » !

Pierre est au service de Jean et de tous comme pasteur et témoin.
Jean est au service de Pierre et de tous comme celui
qui reçoit l’amour du Maître et le laisse se diffuser autour de lui.

Tout cela est l’œuvre de l’Esprit Saint.
L’Esprit Saint nous personnalise !

Regardons comment Paul nous le dit
dans la première épître au Corinthiens :

« Il y a diversité de charismes,
mais c’est le même Esprit » (Jn 12,4).
Le même Esprit donne aux uns et aux autres
des charismes différents.
Un charisme, c’est un don gratuit donné
à un disciple pour servir les autres.

« À chacun la manifestation de l’Esprit
est donnée en vue du bien commun » (v. 7).
Je reçois de l’Esprit un don qui m’est propre,
qui est unique, différent
et qui me met au service du bien commun.

Paul conclut :
« C’est l’unique et même Esprit qui opère,
distribuant ses dons à chacun en particulier
comme il l’entend » (12,11).
Liberté de l’Esprit qui agit comme Il l’entend
et non comme nous pouvons le prévoir ou le calculer !

C’est la merveille de l’Esprit-Saint qui façonne l’unité,
l’unité dans l’amour,
parce que tous deviennent don,
tous sont saisis dans un élan de don réciproque.

C’est ce qui se manifeste à Pentecôte.
Tous ne se mettent pas à parler une seule et même langue,
mais des langues différentes.
Pourquoi des langues différentes ?
Pour offrir à d’autres un don extraordinaire :
l’annonce de l’Évangile.

L’Esprit de Pentecôte rend chacun encore plus unique,
et embarque chacun dans la relation et dans le don.

*

Voilà ce que nous pouvons garder au cœur
en cette veille de Pentecôte.

L’Esprit-Saint en renouvelant en moi sa présence
ne va pas me faire devenir un autre !

René Girard a montré que la violence procède du mimétisme.
La violence vient du refus d’être soi,
de l’insatisfaction, du procès contre soi,
de la jalousie meurtrière, du mimétisme sanguinaire.

Au contraire l’Esprit-Saint nous réconcilie
avec nous-mêmes,
avec notre histoire,
avec notre personnalité.
Il nous donne le courage d’être unique au monde.

En cette Pentecôte, je vais devenir davantage moi-même.
Je veux devenir davantage moi-même.

En même temps, l’Esprit-Saint,
en renouvelant en moi sa Présence,
ne va pas me fermer sur moi
dans un enfer narcissique et dominateur.
Au contraire, il va m’appauvrir,
il va me tourner vers l’autre,
il va me lancer dans le don de moi.

Chaque charisme reçu est une dépossession de soi.
Je deviens un être pour les autres,
non dans le mimétisme,
mais dans l’amour,
dans le service de l’autre qui est autre
dont j’aime qu’il soit autre,
dont je reçois le don de son altérité.

*

Oui, nous allons demander, nous devons demander
une abondance de dons, de charismes,
non pas parce que nous manquons d’estime de nous,
et que nous cherchons quelque chose
pour nous redorer le blason,
mais pour aimer,
pour nous perdre dans le don,
ce qui est notre seul route de salut et de joie.

*

Et tout cela comme l’Esprit l’entend…
Nous devenons des personnes
en nous abandonnant à l’œuvre de l’Esprit,
en Le laissant tricoter notre communauté,
notre humanité, comme Il l’entend.

Pierre ne devient pas Jean.
Jean ne devient pas Pierre
mais Pierre et Jean, deviennent davantage des personnes
parce que Pierre se met au service de Jean
et Jean se met au service de Pierre.
Et Pierre et Jean deviennent un dans l’amour.

Et c’est cela qui bouleversera le monde
qui basculera dans la foi.

Viens Esprit-Saint !

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