FMJ MtlDIMANCHE DES RAMEAUX ET DE LA PASSION DU SEIGNEUR – C
Frère Antoine-Emmanuel
Is 50, 4-7 ; Ps 21 ; Ph 2, 6-11 ; Lc 22,14 – 23,56
28 mars 2010
Sanctuaire du Saint-Sacrement, Montréal

Le pardon

« J’ai désiré d’un grand désir manger cette Pâque avec vous
avant de souffrir » (Lc 22,15).

Pourquoi Jésus a-t-il ce grand désir ?

Parce que sans ce repas pascal,
la fin tragique de Jésus,
qui meurt comme maudit de Dieu,
serait incompréhensible.
Elle serait perçue comme une espèce de suicide,
même si elle est suivie par la résurrection.

Au cœur du repas pascal
se trouve de fait une parole essentielle
répétée deux fois : υπερ υμων en grec
et qui veut dire pour vous.
« Mon corps donné pour vous.
Mon sang répandu pour vous » (v. 19-20).

La mort de Jésus n’est pas un suicide.
Elle est un acte libre, choisi, voulu « pour nous ».

*

Pour nous… mais pourquoi ?

Si nous voulons savoir pourquoi,
il faut nous approcher de la croix.

Il faut du courage…
Les soldats sont violents et la foule enragée.
La scène est épouvantable :
Jésus est couvert de blessures,
le visage ensanglanté,
tout son corps se contracte pour essayer de respirer.

Nous nous approchons et nous écoutons…
Quelle est la première parole de Jésus ?
« Père, pardonne-leur : ils ne savent ce qu’ils font » (Lc 23, 34).

La première parole de Jésus n’est pas pour Lui,
pour crier sa souffrance !
La première parole de Jésus est pour nous :
« ils ne savent pas ce qu’ils font » .
Jésus, Lui, le sait parce qu’Il connaît le Père.
Parce qu’Il connaît l’amour du Père,
Jésus sait la gravité terrible du péché.
Le péché n’est pas simplement une entorse à une loi,
même divine :
Il est une « attaque à une Personne infinie
qui m’aime d’un amour infini »[1] .

« L’homme est infiniment plus grand qu’il ne croit,
soit pour le bien, soit pour le mal » (Id. p. 32).

Mes frères prêtres, et tous les humains,
qui agressent l’intimité des enfants,
ne savent pas ce qu’ils font.
Ils ne savent pas que ce qu’ils font aux enfants est inqualifiable.
Ils savent encore moins ce qu’ils font à Dieu.

Les journalistes qui se complaisent
dans le dénigrement, la médisance, la calomnie
à l’égard de l’Église ou de quiconque,
ne savent pas ce qu’ils font.

Nous tous, moi le premier,
quand nous tournons le dos à l’Amour
et nous restons attachés à notre péché,
nous ne savons pas ce que nous faisons.

Père, pardonne-leur…

*

Cette prière de Jésus, il nous faut bien la comprendre.
Le pardon n’est pas un déni ou un oubli de l’offense.
Le pardon n’est pas une petite consolation superficielle.
C’est un acte extraordinaire,
un acte plus grand que la création.

Le Père qui pardonne renonce absolument et définitivement
à faire payer l’offenseur.
« Père, remets-leur leur dette ».

Pardonner c’est renoncer à faire peser sur l’autre
de quelque manière que ce soit l’offense.
Tu m’as ruiné : au Nom de Jésus, je renonce à te faire payer.
Certes la justice exige que tu répares autant que ce sera possible,
mais je n’attends pas que tu répares pour pardonner.
Je n’attends même pas que tu me demandes pardon.

Le pardon, c’est l’Amour à l’état pur.
Le vieil homme, le monde ne sait même pas que cela existe !
Le Pardon, c’est une fleur rare et extraordinaire
qui pousse sur les immondices du mal.
Le mal est vaincu par l’Amour.
Rien n’est plus grand.
Rien n’est plus beau.
Pardonner est un acte de liberté, de liberté infinie.
C’est l’acte le plus personnel que nous puissions poser,
et personne, personne ne peut nous arracher le pardon.
On peut demande à un autre le pardon,
mais on ne peut ni l’acheter, ni l’arracher.

Le pardon est un acte immense,
rarement donné et rarement reçu.
C’est un acte divin.
C’est Dieu en nous : sans Dieu, nul ne peut pardonner.

Père pardonne-leur…
Père, que ton Pardon descende dans le monde,
que fleurissent les immondices !

*

Père, remets-leur leur dette, leurs offenses. (cf. Mt 6,12)
Frères et sœurs, cette prière,
Jésus ne la fait pas pieusement et sans s’engager.
Cette prière, c’est ce qu’il est en train de vivre sur la croix
et qui va le conduire jusqu’aux enfers.

L’offense, elle ne disparaît pas de manière magique :
il n’y a rien de magique dans la foi chrétienne.
Jésus la prend sur Lui.
Nos horreurs lui collent à la peau.
Elles le pénètrent.
Il les fait siennes.
C’est la parole, incompréhensible jusque là, d’Isaïe :
Il portait le péché des multitudes (Is 53,12).
Christ descend dans la mort pour nous,
pour que le Pardon divin descende sur nous, en nous,
pour que nous devenions des hommes et des femmes de pardon.

Et voici ce que ce pardon divin fait en nous :
« Il y a des cœurs pleins de pardons.
Ils ne semblent préoccupés que de pardonner.
Ils s’ingénient à pardonner.
Ils ont des trouvailles merveilleuses,
des trouvailles divines pour pardonner.
L’Esprit-Saint les remplit de ses lumières, de ses conseils
pour les rendre inventifs à donner et à pardonner.
Ce sont les miséricordieux. » (Note 1 p. 33)

*

Frères et sœurs, Jésus a prié pour nous, « υπερ υγων » sur la croix.
Jésus a prié le Père jusqu’à en mourir.
Qu’est-ce que la Résurrection ?
C’est l’exaucement de sa Prière.
C’est le Pardon donné au monde « ειρηνη υμιν »
La Paix soit avec vous (Jn 20, 19).
C’est exactement en cela que Jésus est le « grand Prêtre »,
le grand Prêtre du Yom Kippour éternel !

*

Et aujourd’hui ?
En ce dimanche Jésus désire d’un grand désir
manger sa Pâques avec nous.
Avec chacun de nous,
avec toi qui prie ici régulièrement,
avec toi qui n’entre dans une église que rarement
et qui est venu aujourd’hui.
La table du Repas pascal est prête
et Jésus est là.
Oui, Jésus a un immense désir aujourd’hui
de répandre sur nous par son Eucharistie,
sa Paix, le grand Pardon du Père,
pour que le pardon règne en nous et entre nous,
et par nous, dans le monde entier.

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[1] Charles Journet. Les 7 paroles du Christ en croix. Livre de vie, Paris (Éditions du Seuil) 1952. p. 31.