FMJ Mtl29e Dimanche du Temps ordinaire – B
Frère Antoine-Emmanuel
Is 53, 10-11 ; Ps 32 ; He 4, 14-16 ; Mc 10, 35-45
18 octobre 2009
Montréal, Sanctuaire du Saint-Sacrement

La fission nucléaire de ton cœur

Pour accueillir les trois lectures de ce dimanche,
je vous propose de nous souvenir de trois visages,
de trois saints qui ont posé chacun à leur manière
un grand geste d’amour.

Le premier est Paul de Tarse.
Paul qui est saisi de pitié, de tendresse pour Onésime
cet esclave qui a trahi la confiance de son maître Philémon.
Que fait Paul ?
Il fait tout ce qu’il peut pour la réconciliation
entre Philémon et celui qui l’a trahi
dont Paul dit qu’il est comme son propre cœur (Phm 12).

Premier geste d’amour :
travailler à la réconciliation là où il y a eu trahison,
là où la relation est brisée.

Le deuxième visage est celui de St-Jean de Matha.
Jean fonda au XIIe siècle un ordre religieux
où l’on donne sa vie pour œuvrer au rachat des captifs.
C’est l’Ordre des Trinitaires animé par la « charité rédemptrice »
orientée en priorité vers les pauvres et les chrétiens persécutés.

Deuxième geste d’amour :
racheter et ainsi libérer les captifs.

Le troisième visage est celui de Maximilien Marie Kolbe,
ce franciscain polonais brûlant d’amour pour la Vierge
qui pendant la IIe Guerre mondiale
prit la place d’un père de famille condamné à mort.
C’était dans le bunker de la faim à Auschwitz en 1942.

Troisième geste d’amour :
prendre sur soi la condamnation d’un autre.

Frères et sœurs, quel amour !
Quel immense amour en ces trois gestes de compassion.

Paul, Jean ou Maximilien :
dans le fond, n’est-ce pas un seul et même amour qui se manifeste ?
Ne serait-ce pas l’Amour de Jésus qui se manifeste ?

*

Que nous disent les trois lectures de ce jour ?

Nous avons entendu dans la première Lecture
le destin dramatique du serviteur de Dieu
broyé par la souffrance (Is 53,10),
ce serviteur qui justifie les multitudes (Is 53,11).
Comment ?
En se chargeant de leurs péchés (id.) !
C’est bien de Jésus que nous parle le prophète,
de Jésus qui s’accable Lui-même de nos fautes.
Lui l’Agneau qui prend sur Lui et qui porte,
et qui emporte le péché du monde (Jn 1,29).
Lui qui s’est fait péché pour nous (2 Co 5,21).

C’est cet Amour-là qui paraissait en Maximilien.
Avec cette folie d’Amour
que si Maximilien prit sur lui
le châtiment injuste d’un innocent,
Jésus, Lui, prend sur Lui
le péché du monde entier dont Il est infiniment innocent.

Jésus, Tu as pris sur Toi la lèpre de mon péché !
Comment rendrai-je au Seigneur
tout le bien qu’il m’a fait (Ps 115,12) ?

*

La deuxième lecture, prise dans la Lettre aux Hébreux
nous parle de Jésus comme Grand-Prêtre.
Mais Grand-Prêtre dans un moment précis, très précis :
celui du Jour des Expiations,
jour de profonde pénitence
où le Grand-prêtre officie pour l’expiation
de son propre péché et de celui du peuple.
« Expiation » : c’est-à-dire réconciliation avec Dieu,
et cela par le moyen d’un sacrifice,
par le moyen du sang,
parce que le mal a atteint si profondément l’humanité
qu’il n’y a pas de rémission sans effusion de sang (Hé 9,22).

Jésus est notre Grand-Prêtre bien-aimé
qui expie notre péché,
c’est-à-dire qui nous réconcilie,
non pas par le sang d’un animal,
mais par son propre Sang.
C’est cet amour qui paraissait
dans l’œuvre de réconciliation de Paul,
mais cette fois, c’est au prix du sang
et pour la multitude des humains !

Jésus tu nous as réconciliés avec le Père !
Comment rendrai-je au Seigneur
tout le bien qu’Il m’a fait ?

*

Et qu’en est-il de l’Évangile ?
Après Isaïe, après l’auteur de la Lettre aux Hébreux,
c’est Jésus Lui-même qui prend la parole
pour nous révéler la profondeur de son Amour !

Pourquoi Jésus est-Il venu ?
Dans quel but ?
Il n’est pas venu pour être servi
mais il est venu pour servir
jusqu’à donner sa vie en rançon
pour racheter la multitude (Mt 20,28).

C’est cet amour-là qui resplendissait en Jean de Matha.
Mais si Jean consacrait sa vie
pour le rachat de quelques prisonniers,
Jésus Lui, livre sa vie pour racheter l’humanité entière
du péché, de la mort, de Satan.
Il s’est livré en rançon pour tous
écrira Paul à Timothée (1 Tm 2, 5-7).

Jésus, tu nous as rachetés, tu nous as libérés !
Comment rendrai-je au Seigneur
tout le bien qu’il m’a fait ?

*

Quel Amour !
Quel infini Amour !
Il y a la captivité du mal : Jésus donne sa vie en rançon.
Il est notre libérateur,
et nous devenons captifs de son Amour !
Pris dans des liens d’amour
qui sont notre vraie liberté et notre vrai bonheur.

Il y a l’éloignement de Dieu, la trahison de nos cœurs :
Jésus est notre réconciliation.
Et la merveille c’est qu’Il ne nous place pas à côté du Père :
Il nous place dans le Père, dans son Cœur…
Il nous donne de devenir de vrais adorateurs,
et cela pour l’éternité !

Et le péché qu’est-il devenu ?
Jésus l’a pris sur Lui
et il répand sur nous l’onction de l’Esprit de Dieu
qui nous unit à la famille de Dieu.
Là où le péché a abondé,
la grâce surabonde ! (Rm 5,20)

* * *

Frères et sœur, c’est cela la croix,
c’est le cœur de la foi !
Pourquoi est-ce si difficile de croire ?
Non pas par ce que difficile à comprendre
mais parce que difficile d’accepter un tel Amour.

Alors que faut-il faire ?
Contempler.
S’arrêter et contempler.

Regarde Jésus qui porte ta lèpre
pour te libérer et te réconcilier.
Regarde-Le dans l’horreur de la croix
où resplendit la gloire de sa Résurrection
qu’il veut te donner en partage
pour une éternité de communion et de joie.

Je m’arrête.
Je regarde.
Je contemple
et peu à peu quelque chose commence à se fissurer en moi.
Mon cœur se brise, le cœur de mon être se brise :
c’est une fissure nucléaire !

Devant Jésus tout un monde d’apparences,
de grandeurs et d’honneurs
s’écroule comme dans l’Évangile de ce jour !
La nouvelle création commence au fond des cœurs brisés.
Sous la boue de mes grandeurs
apparaît une virginité incroyable,
une innocence toute mariale,
une espérance que nous ne pouvions pas imaginer.
Le cœur de mon être s’est brisé
comme le rocher du Golgotha

Et de cette fissure nucléaire,
quelle est l’énergie qui jaillit ?
L’amour.
L’amour qui ne s’aperçoit même pas de lui-même,
qui ne se regarde pas
et qui part sans mesurer ses avancées
pour se déverser dans d’autres cœurs !

*

Frères et sœurs, c’est cela la mission :
ce n’est pas un calcul,
c’est un débordement !

La mission de l’Église, c’est la mission de Jésus.
C’est Jésus qui continue à aller de ville en ville.
Et quelle route suit-Il ?
La route de ton cœur fissuré.

Il a fissuré ton cœur
pour rejoindre d’autres cœurs,
car encore et encore, Il veut jeter un feu sur la terre (Lc 12,49).
C’est pour cela qu’Il est venu et qu’Il vient.

Et c’est par la fissure du cœur que l’on entre au Ciel.
Et l’on y entre qu’en y faisant entrer les autres
car le Ciel est communion.

Frères et sœurs, la Bonne Nouvelle est entre nos mains
et l’étendard qui la proclame,
c’est notre propre vie quotidienne transfigurée dans l’Amour.

C’est merveilleux :
tu es toi-même
et en même temps tu es une nouvelle créature
saisie par Jésus.
Tu deviens une page de son Évangile.
Une page très humaine – et il faut qu’elle le soit –
très humaine et divine
parce que l’Amour de Jésus dérange tes plans
et t’envoie sur des chemins nouveaux.

C’est la grâce inouïe du Baptême
qui est un sacerdoce missionnaire
débordant de vie et de joie
pour le monde qui porte une beauté inouïe
et qui l’ignore tellement.

Frères et sœurs que notre Baptême prenne Feu !
Que la contemplation de Jésus crucifié et ressuscité
fissure nos cœurs !
N’ayons pas peur…
Il s’agit d’aimer
et c’est ce que, dans le fond nous désirons le plus.

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