FMJ MtlLE SAINT SACREMENT DU CORPS ET DU SANG DU CHRIST – A
Frère Antoine-Emmanuel
Dt 8, 2-3.14-16 ; Ps 147 ; 1 Co 10, 16-17 ; Jn 6, 51-58
18 juin 2017
Maison de Prière, Mont Saint-Hilaire

Viens à l’Eucharistie avec ton désir d’aimer

Il y a dans le film « Silence » de Martin Scorsese
une scène impressionnante.
Deux missionnaires jésuites portugais
arrivent dans un village japonais perdu.
Nous sommes au XVIIe siècle,
et le christianisme est persécuté, très violemment persécuté.
Il n’y a plus de prêtres depuis des années,
et les laïcs japonais sont, pour beaucoup d’entre eux,
des témoins d’un courage extraordinaire.

Quand les missionnaires arrivent,
la petite communauté chrétienne se rassemble
dans le plus grand secret.
Et que font-ils ? Après avoir reçu le sacrement du Pardon,
ils célèbrent l’Eucharistie.

Le bonheur de communier au corps et au sang du Christ.
« La coupe de bénédiction que nous bénissons,
n’est-elle pas communion au sang du Christ ?
Le pain que nous rompons,
n’est-il pas communion au corps du Christ ? » (1 Co 10,16)

Nous avons contemplé cette semaine
la grandeur d’âme et la foi d’Abraham
qui consent à offrir le fruit de la promesse
dans un acte de pure obéissance.
Cette page de l’Écriture nous bouleverse, nous scandalise,
mais en même temps, elle nous fait communier
à ce qu’il y a de plus vrai, de plus beau sur cette terre :
l’action de grâce offerte à Dieu dans la nuit lumineuse de la foi.
L’immense don de toi-même, de ton passé et de ton avenir
au Dieu qui veut déployer en toi
une puissance d’amour et de vie
que nous n’osons pas imaginer.

C’est grand de communier à la Parole
qui raconte le grand Sacrifice.
Mais c’est plus grand encore de communier
au Sacrifice du Verbe Lui-même.
Lire la Passion de Jésus, la méditer, la contempler
nous déroute, nous choque, nous indigne,
mais cela va chercher et réveiller en nous
le plus beau de notre cœur : notre désir d’aimer.
Notre désir de nous donner pleinement,
sans calcul, sans limite.
« Mon âme a soif de toi » dit le Psaume (62,2).
Mon âme a soif de se donner, de se livrer,
d’entrer dans l’extase amoureuse
pour laquelle nous avons été créés.

Mais ce qui est plus grand encore,
c’est de communier directement
– sans la médiation de la Parole –
au corps nu et au sang versé de Jésus
en son grand Sacrifice de la Croix.
Or, c’est cela que Jésus a voulu nous donner.
Il ne nous a pas gardés à distance au Sacrifice
comme au Sinaï ou au Temple.
Il nous laisse nous approcher de Lui,
Le contempler, Le bénir, L’adorer,
Le serrer dans nos bras,
Le recevoir en notre corps,
au moment même où Il est dénudé, exposé,
outragé, cloué, crucifié et profané.
Au moment même où Il est offert,
car c’est à nous qu’Il S’offre tout en S’offrant au Père.

Et si nous nous approchons, si nous Le recevons,
alors nous entrons dans son Sacrifice,
nous y « communions » …
Nous nous laissons dénuder et dépouiller avec Lui
pour, avec Lui, entrer dans sa Gloire.

Ce que notre âme désire et gémit de ne pouvoir atteindre
− cet amour qui va jusqu’à l’extase –
nous le recevons, gratuitement.
C’est cela le bonheur de l’Eucharistie
que Saint Thomas d’Aquin chantait :
« Louons-Le à voix pleine et forte ;
que soit joyeuse et rayonnante,
l’allégresse de nos cœurs » dit la Séquence.

Pour en revenir au film de Martin Scorsese,
film dramatique qui met en scène l’apostasie
de chrétiens et de prêtres en particulier,
la scène eucharistique se poursuit
par l’arrestation de plusieurs chrétiens,
et par le témoignage d’un d’entre eux
qui, quatre jours durant, chante les louanges de Dieu
sur le gibet de torture où il finira par expirer.
Où puiser la force de louer quand la haine triomphe ?
Où puiser la force d’aimer
quand la méchanceté des hommes prend le dessus ?
En Jésus !
En son Sacrifice d’Amour
qui transperce la haine et la méchanceté,
détruit l’empire du péché, déloge Satan de son règne
et vient ouvrir une porte vers le Ciel au séjour des morts.

L’Eucharistie est notre bonheur
parce qu’elle est le sacrement de l’Amour.
Lorsque Jésus médite la traversée du désert
de son peuple en exode,
et qu’Il contemple la manne, que voit-Il ?
Il voit son propre mystère !
Il Se reconnaît.
Parce qu’Il voit l’humanité qui baptisée,
traverse tant et tant de déserts
pour rejoindre la terre promise, la patrie de l’Amour.

Et où est la manne ?
Jésus Lui-même est la manne de nos déserts.
Quand le cœur devient sec ;
quand l’amour s’assèche
comme une source qui ne donne plus d’eau ;
quand la faim d’aimer nous brûle de douleur,
c’est dans l’Eucharistie que nous trouvons le Pain de la Vie,
le Pain qui nourrit l’amour,
le Pain de notre bonheur.

Bonheur véritable, parce que c’est le bonheur d’aimer,
le bonheur partagé,
le bonheur de donner vie autour de soi,
le bonheur de s’offrir.

Le même film montre l’un des deux prêtres se jeter à la mer
pour tenter de sauver des chrétiens que les bourreaux japonais
viennent de jeter à l’eau, pieds et mains liés, pour qu’ils se noient.
Le prêtre se noie lui aussi…
Il disparaît « Ma vie nul ne la prend,
mais c’est moi qui la donne » (Jn 10,18)
Il meurt martyr.
L’Eucharistie célébrée et reçue
l’a emporté dans le plus grand amour.
Se noyer… c’est sa messe… C’est en Dieu qu’il s’est noyé.

« Si vous ne mangez pas la chair du Fils de l’homme
et si vous ne buvez pas son sang,
vous n’avez pas la Vie en vous » dit Jésus (Jn 6,53).
« La Vie » … Quelle vie ?
Celle de l’âme qui rejaillit sur tout l’être.
Et la Vie de l’âme, c’est le pouvoir de se donner.
C’est l’action de grâce.
C’est cela que nous recevons quand nous célébrons l’Eucharistie
en étant vraiment présents au Sacrifice,
présents avec notre désir d’aimer.

Ne laisse pas ton désir d’aimer à la porte de l’église
quand tu y entres.
Ce n’est pas ce désir
que le Seigneur te demande d’immoler… au contraire.
Viens avec ton désir d’aimer
et tu trouveras dans l’Eucharistie les prémices du Ciel ;
tu trouveras ce que ton âme désire :
le bonheur qui est tout entier dans la Personne de Jésus,
dans son offrande.
Avec Marie, tu y communies.
Comme Marie, tu y communies.

Marie, apprends-nous à communier.
Montre-nous le chemin de la communion pour qu’avec toi,
nous connaissions le bonheur de l’Eucharistie.

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