FMJ MtlJEUDI SAINT – B
Frère Benoît
Ex 12, 1-8. 11-14 ; Ps 115 ; Co 11, 23-26 ; Jn 13, 1-15
9 avril 2009
Sanctuaire du Saint-Sacrement, Montréal

Se laisser laver les pieds et servir avec humilité

Ce soir commence le Triduum pascal :
trois jours où nous allons célébrer ensemble,
et ensemble avec le Christ,
sa Pâque, son passage de ce monde vers le Père.
Aujourd’hui commence la Pâque.
Jésus va par la Croix vers le Père.
Cette Pâque est son éternel pèlerinage
qui part du sein du Père
descend aux enfers
et retourne au Père.
Il est sorti de Dieu et il retourne à Lui.
L’heure du retour est venue.

Dans ce retour, Jésus attire tout avec lui vers Dieu :
tous ceux qui se soumettront à lui
et qui seront d’accord pour le suivre,
selon son commandement,
dans l’amour et le sacrifice.

Le Fils de Dieu était envoyé loin,
le plus loin possible,
derrière la frontière de la mort,
pour que de toutes les parties du monde
viennent à Dieu la louange.
Toute la création est contenue
dans ce cours du Verbe.
Tout doit devenir en Lui Eucharistie.

*

Frères et sœurs, quel nom
Jésus avait-il donné à sa Pâque ?
Il lui avait donné le nom d’« Amour jusqu’au bout ».
Ceci peut être le nom de toute la vie du Christ
et notamment de l’Eucharistie
dans laquelle est réellement contenue
toute la vie du Christ.

Le pape Benoît XVI avait écrit :
« Sacrement de l’Amour,
la sainte Eucharistie est le don
que Jésus-Christ fait de Lui-même,
nous révélant l’amour infini de Dieu pour tout homme.
Dans cet admirable sacrement se manifeste
l’amour  le plus grand  (Jn 15, 13),
celui qui donne sa vie pour ses amis .
En effet, Jésus nous aima jusqu’au bout (Jn 13, 1).
(Benoît XVI, Sacramentum caritatis, n. 1)

La vie du Christ nous a été donnée.
Avec le Christ, nos vies doivent aussi
remonter vers le Père, non pas cependant
sans être radicalement transformées.

*

Ce soir commence donc la Pâque du Christ,
mais aussi commence la nôtre.
Nous aussi, nous devons passer
du monde ancien vers le monde nouveau.
C’est cela que l’apôtre Pierre n’arrivait pas à comprendre :
qu’il ne pouvait avoir part à la vie nouvelle,
plongée dans l’Amour de Dieu,
sans qu’il ne se laisse laver par l’Amour de Dieu.

Le Seigneur lui dit
qu’il comprendrait le sens du lavement des pieds plus tard.
Quand a-t-il finalement compris cela ?
Quand il renia Jésus pour la troisième fois.

C’est au moment où le Seigneur et le Maître
posa sur lui son regard d’Amour,
que Pierre comprend enfin
combien il lui était nécessaire
que Dieu s’abaissa jusqu’à lui
et restaure en lui la Vie nouvelle.

Il ne savait pas jusqu’où
le Christ devait aller pour le sauver,
mais il a comprit la nécessité de la Passion du Seigneur :
Il faut rompre le cours habituel
de ce monde et le toucher
dans ses coins les plus sombres,
les plus sales et les plus pervers.
Notre Pâque consiste justement en cela :
que nous nous laissions laver les pieds.
Jésus avait dit : « Si Je ne te lave pas,
tu n’auras point de part avec Moi » (Jn 13, 8).

Regardons bien le récit de Jean
et nous verrons que le geste de Jésus
n’est pas seulement un des nombreux
exemples du service mutuel entre les hommes,
un service que nous pourrions refuser
comme une politesse superflue !
Il s’agit plutôt d’une nécessité ;
Jean nous a ainsi transmis le sens
que le Seigneur a donné à l’Eucharistie.

Les Évangiles synoptiques nous disent
comment Jésus avait célébré la dernière Cène.
Chez saint Jean, le lavement des pieds
éclaire le sens du signe sacramentel de l’Eucharistie.
Il s’agit d’un geste de Salut.
Non seulement d’un repas et d’un souvenir,
mais de la nécessité de livrer notre vie pour notre Salut.

L’Eucharistie est l’actualisation non-sanglante
du sacrifice de Jésus-Christ sur la croix pour nous tous.
Dans l’Eucharistie nous avons le pardon des péchés
et le don de la Vie nouvelle selon l’Alliance nouvelle.
Pierre avait voulu refuser
une politesse qui allait au-delà des conventions.
Le Seigneur l’a contraint de se laisser laver les pieds.

Frères et sœurs, pour nous aussi il s’agit d’une nécessité.
Il s’agit du sacrement de notre Salut.
Nous devrons nous laisser laver les pieds.
Il faut que le Christ souffre pour nous !
Il faut tout simplement,
qu’il devienne notre Maître et Seigneur
comme il le veut et non comme nous,
nous le souhaiterions.
Il faut le laisser exprimer son amour
pour nous jusqu’au bout.

Rappelons-nous qu’il s’agit ici
du dernier geste libre de Jésus.
À travers son dernier geste de liberté
nous avons à comprendre
qui va désormais toucher nos péchés !
Non pas la supériorité du Christ
mais son humilité, son abaissement,
sa Passion va les toucher.
Le Seigneur s’avance librement vers la Croix
en prenant la condition de l’esclave.
Il devance la volonté du mal
et avant qu’il ne soit contraint,
il se livre à nous en nous donnant
son corps et son sang dans l’Eucharistie.

Même si dans quelques heures
il va être arrêté, ligoté,
conduit dans la prison et devant les juges,
qu’il sera torturé, traîné sur la potence,
cloué sur la croix et abandonné
au pouvoir de la mort,
tout cela c’est le pèlerinage
de l’Amour de Dieu vers nous
et de nous vers l’Amour de Dieu.
Notre purification prend le chemin
de l’abaissement du Christ.
Ceci Pierre doit le comprendre
et nous avec lui :
qu’il faut se laisser laver.

Mais quoi encore ?
Comme je l’ai dit au début,
Jésus va vers le Père.
Pourtant cela ne l’empêche pas
de quitter son vêtement,
nouer à la ceinture un linge
et se concentrer sur le lavement des pieds de ses disciples.
Son cœur se dirige vers le haut
et ses gestes vers les bas.
L’amour dont il aime le Père
ne diffère en rien de celui dont il nous aime.
Il n’y a pas deux amours.
Jésus ne veut pas un dédoublement.
S’il cherchait la consolation auprès du Père,
les hommes lui paraîtraient fatalement désolants.
(Adrienne von Speyer, Jean, Le discours d’adieu, p. 16)

C’est dans le même amour qu’il a pour le Père
qu’il nous aime.
C’est le même commandement d’aimer Dieu
et d’aimer le prochain.
C’est la même chose pour celui qui aime « comme » Jésus.
Par le même amour Jésus souffre pour le Père
et pour les hommes.
Il va vers le Père
et il lave en même temps les pieds aux hommes.

Frères et sœurs, si nous devons aimer comme il a aimé
nous devons aussi servir comme il a servi !
Et Jésus nous commande aujourd’hui
de nous laver les pieds les uns aux autres.
Servons comme il nous en a donné l’exemple.
Le Christ s’abaissa devant le pécheur
et il toucha ses pieds
qui sont toujours à laver, chaque jour, avec humilité.

*

Frères et sœurs, regardons
comment nous touchons les vies de nos semblables,
comment nous allons vers eux.
Avec un bâton et la loi
ou avec humilité ?
Servons-nous vraiment
ou voulons-nous comme Pierre, imposer notre volonté ?
Le Seigneur n’a pas voulu que Pierre le serve,
mais qu’il se laisse laver les pieds.
Pierre aurait bien sûr beaucoup plus aimé servir le Seigneur.
Mais Jésus veut que Pierre l’imite
par l’humble acceptation de sa volonté,
à l’imiter dans l’obéissance.

Le Seigneur ne nous dit pas seulement de servir,
mais de servir avec amour.
Il nous donne un commandement nouveau,
un amour nouveau
et une Alliance nouvelle scellée dans son Sang.
Les juifs, avant qu’ils ne traversent la mer Rouge,
avant qu’ils ne reçoivent dans le désert
les commandements et l’Alliance,
mangeaient dans chaque famille l’agneau pascal.

Comme nous l’avons lu dans la Première Lecture,
le sang de l’agneau était le signe
qu’Israël ne serait pas atteint
par le jugement que Dieu allait exercer sur l’Égypte.

Aujourd’hui, c’est Jésus qui établit
une Alliance nouvelle et éternelle
en donnant sa vie pour ses amis.
Il ne donne pas quelque chose,
il se donne.
Le service d’amour que Jésus nous offre
c’est qu’il donne sa vie pour nous.
C’est cela la réalité de la Passion du Christ
et de chaque Eucharistie.

L’Eucharistie est le signe de l’Amour de Dieu
pour chacun d’entre nous
et d’elle naît le service de l’amour
que nous devons tous accomplir
selon l’exemple du Seigneur.
Entrons avec lui dans sa Pâque
et regardons par où il s’en va,
apprenons humblement pour comprendre,
mais surtout laissons nous laver par son abaissement
à la louange de gloire de Dieu le Père. Amen

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