FMJ Mtl4e DIMANCHE DE CARÊME – B
Frère Antoine-Emmanuel
2 Ch 36, 14-16.19-23 ; Ps 136 ; Ép 2, 4-10 ; Jn 3, 14-21
22 mars 2009
Sanctuaire du Saint-Sacrement, Montréal

Ô folie d’amour !

Souviens-toi de tout le chemin que le Seigneur ton Dieu
t’a fait faire pendant quarante ans dans le désert
afin de t’humilier, de t’éprouver,
et de connaître le fond de ton cœur.
Allais-tu, ou non, garder ses commandements ? (Dt 8,2)

Rude chemin que celui du désert.
Si rude qu’Israël finit par murmurer contre le Dieu
qui l’a sauvé et contre Moïse :
« Pourquoi nous avez-vous fait monter d’Égypte
pour mourir en ce désert ? » (Nb 21,5)
C’est la plainte du peuple excédé qui perd patience,
qui ne fait plus confiance.
C’est l’heure du murmure,
de la révolte contre Dieu et contre Moïse.

La réponse de Dieu racontée par le Livre des Nombres
a de quoi nous surprendre.
Dieu envoya alors contre le peuple
les serpents brûlants dont la morsure
fit périr beaucoup en Israël (21,6).

Thérapie radicale
pour que le peuple prenne conscience
de ce que le murmure contre Dieu
ne peut conduire qu’à la mort.

Thérapie efficace
puisqu’immédiatement le peuple
entre dans le repentir criant vers Dieu
et demandant l’intercession de Moïse.

Le Seigneur offre alors à son peuple
un signe de salut (cf. Sg 16,6),
un serpent en métal hissé sur un mat.
Dès lors, si un homme était mordu par quelque serpent,
il regardait le serpent d’airain et restait en vie (Nb 21,9).

Tu es là, par terre, en plein désert, mordu par le serpent
conséquence de ton péché
as-tu le courage,
as-tu l’humilité et l’obéissance
d’obéir à la Parole de Dieu
et de lever ton regard vers cet objet
qui représente ton mal,
ta malédiction dont Dieu te libère,
le péché que Dieu pardonne,
que Dieu guérit,
que Dieu prend sur lui,
te délivrant du mal.

En plein désert apparaît donc aujourd’hui
un signe surprenant…
Dans notre désert du Carême 2009
apparaît, oui, un signe de Salut,
le signe du Salut :
la croix plantée sur le calvaire,
sommet du désert de notre humanité errante.

Haussé, élevé sur le gibet des maudits,
Jésus est semblable au serpent,
à cet épouvantail de malédiction
que les israélites devaient regarder pour vivre :
Ver non point homme,
risée des gens,
mépris du peuple (Ps 21,7),
Il a tout pris sur lui,
tout notre péché,
tout le mal,
toute la malédiction de l’humanité de tous les temps.

Frères et sœurs, en pensée, en prière, regardons-Le.
Oui, j’ai cédé au péché,
mais je regarde vers toi, Jésus crucifié
et par ce regard de foi je retrouve la vie.

Sans le serpent élevé dans le désert,
tout le peuple serait tombé
sans que personne ne rejoigne la Terre promise.

Sans la croix qui aujourd’hui apparaît à l’horizon,
il n’y aurait pas de Salut.
C’est pourquoi, oui, nous regardons,
nous regardons et nous croyons.
Oui, il fallait que le Fils de l’Homme soit élevé
afin que tout homme qui croit
obtienne par lui la vie éternelle (Jn 3, 14-15).

Non seulement la vie, mais la vie éternelle !
Regarder le serpent,
voilà ce qui ouvrait le chemin vers la Terre promise.
Regarder le crucifié nous ouvre la route vers l’éternité,
pour nous-mêmes et pour toute l’humanité.

Ici-bas, nous ne sommes que de passage,
nous ne sommes qu’en exil.
Ne tombons pas dans la tentation de Babylone,
celle de nous acclimater à l’exil,
de nous installer ici-bas
comme si nous n’avions pas d’espérance au-delà.

Chantez-nous des cantiques de Sion ! (Ps 136,3)
Installez-vous nous dit le monde,
et c’est écrit jusque sur les autobus : vivez sans Dieu !
Mais comment chanterions-nous sur une terre étrangère ?
Si je t’oublie, Jérusalem, que ma droite se dessèche (v. 4-5).

N’oublions pas Jérusalem, frères et sœurs.
N’oublions pas que nous sommes tous appelés
à entrer hurlant de joie dans la Jérusalem éternelle,
un bonheur éternel transfigurant notre visage !

Mets Jérusalem au sommet de ta joie (v. 6)
Mets l’espérance du ciel au sommet de ta joie.
Et mets-la au nom de toute l’humanité
car tous nous sommes appelés à quitter cet exil
pour être enfantés à l’éternelle joie !
C’est cela que le monde ne sait pas ;
C’est cela qui suscite l’incompréhension
entre le monde et l’Église
qui ne cesse d’apparaître dans les journaux.
C’est pour vivre que nous regardons la croix !
C’est pour vivre éternellement
parce que nous croyons à la vie éternelle.

Nous étions morts à cause de nos péchés (Ép 2,1)
mais le Père nous a fait vivre avec le Christ
il nous a fait siéger avec le Christ dans les cieux ! (cf. 2,6)

Voilà ce à quoi nous ouvre la croix.
Et c’est grâce.
Ce n’est que grâce, toute gratuité, pure gratuité.
Nous ne sommes pas sauvés par nos mérites.
Et tant que nous croyons que nos mérites nous sauvent, nous ne pouvons pas être sauvés et demeurons dans la tristesse.
Le Salut est l’œuvre du Père qui aime passionnément l’humanité.
Lavés, purifiés, guéris par le sang de son Fils qu’il nous donne,
nous sommes son œuvre, l’œuvre du Père,
littéralement son poème.
C’est Lui, le Père, qui compose avec notre humanité déchue,
une nouvelle humanité rayonnante de beauté.

Oui, Dieu est riche,
Dieu est très riche,
hyperboliquement riche en miséricorde.
Au point qu’il a donné, oui donné, son Unique,
son Fils, sa joie.
Il l’a donné et il le donne aujourd’hui
en cette messe dominicale.
Reçois mon Fils,
en lui reçois la Vie
reçois tout
parce que tout ce que tu désires est en Lui !

Il est là!
Jésus est là,
lui le Vivant,
lui la Vie.
Il n’est pas là pour juger
Il n’est pas là pour condamner.
Il est là pour donner la vie au monde entier,
à nous, et à tous à travers nous.

Il n’est pas là pour juger,
mais pour offrir le Salut
et cette offre de soi suscite une frontière,
car il y a ce qui en moi accepte le Salut
et ce qui le refuse.
Et tout notre chemin de Carême,
tout notre chemin de vie,
consiste à déplacer cette frontière
pour que tout en moi accepte le Salut,
et pour que nous devenions ainsi
serviteur du Salut de tous.

La venue de Jésus est la venue de la Lumière.
Veux-tu venir à la Lumière ?
Préfères-tu les Ténèbres ou la Lumière ?
Veux-tu en ce Carême,
en cette liturgie pénitentielle qui vient,
présenter toute ta vie à la Lumière de Jésus,
à la Lumière de la Croix ?
Celui qui fait la vérité, vient à la lumière (Jn 3,21).
Il renonce à tous les compromis faits avec le mal ;
il les dénonce,
il les confesse,
et trouve enfin la liberté, la vie, la joie.

J’ai longuement eu peur de Dieu
parce que j’avais honte de ma faiblesse, de ma misère
et ne voulais pas que Dieu fasse alliance
avec un homme fragile.
Mais le Seigneur a été le plus fort,
Il m’a dévoilé son amour
jusqu’au cœur de ma misère
et aujourd’hui je peux vivre.

Oui, Jésus est notre vie.
Jésus nous fait vivre,
et vivre déjà de la vie qui ne s’éteint pas,
de la vie éternelle.
C’est cela notre joie,
une joie que personne ne peut nous voler ! (cf. Jn 16,22)

Lætare proclame l’Église aujourd’hui !
Réjouis-toi de cette joie inouïe :
celle de la victoire du Christ,
sa croix qui apparaît aujourd’hui
à l’horizon de notre désert
est la porte de l’éternelle joie
pour tous les humains.

Nous tous baptisés,
nous sommes porteurs de joie
parce que Jésus est notre joie.
Pourquoi nous préparons-nous à cette Pâques qui vient ?
Pour être consacrés à nouveau dans la joie de Dieu,
qui est une joie
toujours nouvelle et contagieuse !

Oui, le grand sacrement de la Pâques est proche,
qui va nous immerger à nouveau
dans la vie de Jésus
et dans la puissance de l’Esprit Saint,
pour que nous proclamions au monde
la joie de Dieu !

* * *

Seigneur Jésus,
Toi le Crucifié ressuscité dans la gloire
tu es notre joie.
En cette Eucharistie
nous voulons te regarder,
nous voulons poser sur Toi
notre plus beau regard de foi et d’espérance.
Aujourd’hui encore tu nourris ton corps
et tu prends soin de lui : (cf. Ep 5,29)
Tu nous fais vivre de toi
et tu le feras éternellement.
En toi se dévoile l’amour fou du Père
qui a tant aimé le monde
qu’il nous a donné son Fils (cf. Jn 3,16).
Qu’il te donne à nous maintenant,
ô folie d’Amour !!

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