FMJ Mtl15e DIMANCHE DU TEMPS ORDINAIRE – B
Frère Antoine-Emmanuel
Am 7, 12-15 ; Ps 84 ; Ép 1, 3-14 ; Mc 6, 7-13
15 juillet 2012
Sanctuaire du Saint-Sacrement, Montréal

Je n’étais pas prophète, mais…

Vous avez entendu la confession du prophète Amos :
« Je n’étais pas prophète,
je n’étais pas fils de prophète,
j’étais bouvier – j’élevais du bétail.
Je traitais les sycomores
– parce que le fruit du sycomore
servait à l’alimentation du bétail –
mais le Seigneur m’a pris de derrière le troupeau
et m’a dit : va !
Prophétise à Israël mon peuple » (cf. Am 7, 14-15).

Je n’étais pas prophète,
j’étais éleveur
mais le Seigneur m’a saisi…

Il y en a parmi nous qui pourraient dire :
Je n’étais pas apôtre,
j’étais secrétaire de direction,
mais le Seigneur m’a saisie.

Je n’étais pas moniale,
j’étais archiviste
mais le Seigneur m’a saisie.

Je n’étais pas moine,
j’étais étudiant en théâtre
mais le Seigneur m’a saisi.

Je n’étais pas apôtre,
j’étais ostéopathe,
mais le Seigneur m’a saisi(e).

Je n’étais pas prêtre,
j’étais ingénieur en électronique,
mais le Seigneur m’a appelé.

Cette litanie, vous pourriez la continuer chacune, chacun.
Si en 2012, au Québec,
vous participez à la messe dominicale,
et qui plus est dans un sanctuaire
où la messe dure pas loin d’une heure et demie,
c’est bien parce que le Seigneur vous a appelés…

Nous sommes un peuple d’appelés.
C’est pour cela que l’Évangile de ce dimanche
s’il s’adresse d’abord aux 12 apôtres,
s’adresse aussi à nous.
On y lit :
Jésus appelle à lui les douze
et commence à les envoyer deux à deux (Mc 6,7).

Notez les deux verbes :
Jésus appelle et Jésus envoie.

Quand Jésus nous appelle, c’est pour nous envoyer.
Il nous appelle à Lui pour nous envoyer en mission.
Avec un peu d’expérience spirituelle,
on se rend compte que l’appel et l’envoi
ne se succèdent pas :
ils sont intérieurs l’un à l’autre.
L’appel est un envoi.
Et l’envoi en mission est un appel :
quand Jésus nous envoie,
c’est aussi pour nous rendre plus proches de Lui.

Ne crains pas de perdre l’intimité avec Jésus
en te donnant à la mission.
Crains plutôt de t’embarquer dans des missions
où Lui ne t’a pas envoyé parce que là,
tu perdrais l’intimité avec Jésus.

Réciproquement ne crains pas
de donner beaucoup de temps à la prière.
Si c’est à cela que le Seigneur t’appelle,
ta prière sera missionnaire,
elle sera profondément apostolique.

*

De cet Évangile, nous pouvons souligner un autre aspect.
Ce que Jésus demande aux apôtres est exigeant :
pas de pain, pas de bagage, pas de cash…
seulement un bâton, des sandales et une seule tunique.
Pourquoi Jésus nous demande-t-Il
ce dépouillement, cette précarité ?

Pour que nous découvrions une autre richesse,
un autre point d’appui.
Notre appui c’est l’appel de Dieu !
Si Dieu, Dieu Lui-même, m’a appelé,
rien ne me manquera de ce qui m’est nécessaire (Ps 22,1).
Dieu n’a jamais laissé personne au bord du chemin.
Son appel est ta force et ton appui.

Et le Seigneur sait que si nous emportons
du pain, des bagages et du cash,
ce n’est pas en Lui
que nous mettrons notre confiance,
c’est dans nos choses,
c’est pour cela qu’Il nous dépouille.
Il y a peut-être des dépouillements dans notre vie
qui se comprennent dans cette lumière ?

Bref : je n’étais pas prophète, j’étais éleveur
et le Seigneur m’a saisi.
Il m’a appelé et envoyé,
et pour cela Il m’a dépouillé.

*

Je n’étais pas prophète et le Seigneur m’a saisi…
Paul nous invite à aller encore plus loin
dans la deuxième Lecture de ce dimanche.

On pourrait dire avec Paul :
je n’étais pas… et le Seigneur m’a saisi.
Je n’étais pas, je n’existais pas,
et le Seigneur m’a choisi et m’a prédestiné.
Paul appelle cela des « bénédictions spirituelles » :
c’est-à-dire des trésors de grâce que nous ne voyons pas,
qui pourtant nous appartiennent,
et qui sont plus réelles que ce que nous voyons.

Avant la fondation du monde,
avant le « big bang »,
avant le boson de Higgs,
le Père nous a choisis
et voyait déjà en nous une sainteté
et une lumière extraordinaires.
Le Père nous a même destinés d’avance
a revêtir la beauté la plus inouïe :
celle de son Fils bien-aimé.

Vous voyez la profondeur de l’identité
et de la destinée de chaque être humain ?
Paul en était renversé et tout cela,
il le dit dans une grande bénédiction, un grand cri de joie.

Les Pères de l’Église diront que Dieu S’est « laissé tomber ».
« Nous voyons Dieu se laissant tomber
d’une hauteur infinie ».
Dieu S’est laissé tomber en nous.
Il nous a désiré et S’est déposé en nous, en nous créant.

*

Frères et sœurs, il nous faut ici
nous laisser prendre par le vertige.
Pensons à une personne qui nous est chère.
Et souvenons-nous
qu’elle a été choisie par Dieu avant la création,
et qu’elle est destinée
à une plénitude de lumière et de joie
dans la Vie éternelle.

Pensons à une personne qui nous fait souffrir,
et regardons-la dans cette lumière.

Et nous-mêmes…
ce que nous sommes est tellement au-delà
de nos sentiments et de nos idées.

Vous me direz :
oui, mais tout a été brisé, défiguré, par le péché !
C’est vrai, mais Paul nous fait comprendre
que Dieu, dans son plan d’Amour,
recompose ce qui est en morceaux
pour faire quelque chose de plus beau
que ce qui a été brisé (cf. Ép 1,10).

Parce que le Fils, Jésus,
S’unit à chaque brisure, à chaque blessure,
et toute reçoit de Lui sa beauté à Lui.
C’est cela le mystère de la croix glorieuse de Jésus !
Par son Sang nous sommes délivrés
chante Paul aujourd’hui ! (Ép 1,17)

*

Frères et sœurs, tout cela est vrai de tout humain,
de toute race ou religion.
Mais nous, chrétiens, nous avons un spécial, nous dit Paul :
nous avons été choisis pour goûter dès cette vie
cette bienveillance de Dieu.
Nous avons entendu l’Évangile qui nous sauve,
nous avons cru
et nous avons été marqués du sceau de l’Esprit Saint (cf. Ép 1,13).

Pourquoi cela ?
Pour proclamer au monde la bienveillance de Dieu !
Nous n’étions pas prophètes, nous étions
− et nous sommes encore pour beaucoup de nous –
secrétaires de direction, vendeuse,
préposé aux bénéficiaires, médecin,
mais le Seigneur nous a saisis
et il a fait de nous des prophètes,
des hommes et des femmes
chargés de donner aux autres le vertige de Dieu.
C’est là notre mission !

*

Seigneur appelle-nous à toi et envoie-nous !
S’il le faut, réveille-nous.
S’il le faut, brasse-nous !
Amen.

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