FMJ Mtl3e DIMANCHE DE CARÊME – C
Frère Antoine-Emmanuel
Ex 17, 3-7 ; Ps 94 ; Rm 5, 1-2.5-8 ; Jn 4, 5-42
7 mars 2010
Sanctuaire du Saint-Sacrement, Montréal

Grave crise en plein désert…

Massa et Meriba… (Ex 17,7).
C’est la crise, la grosse crise en plein désert.
En plein Carême !

Le peuple n’en peut plus,
c’est l’horreur de la soif,
et de là le dépit, la colère, la plainte.
Massa et Meriba signifient défi et accusation.
Le peuple gémit auprès de Moïse :
« Pourquoi nous as-tu fait monter d’Égypte ?
Est-ce pour nous faire mourir de soif ? » (Ex 17,3)
Et c’est le cri contre Dieu, une véritable mise en accusation.
« Yahvé est-il au milieu de nous, ou non ? »  (v. 7)

La réponse de Dieu à cette révolte de la soif
est un don de grâce surprenant.
Dieu fait jaillir l’eau, non d’une source, mais d’un rocher.
Dieu transforme le lieu de la révolte
en lieu de rencontre de son amour, de sa miséricorde.

En plein désert, le peuple découvre
que Dieu sait parfaitement étancher la soif de l’homme.
Toute soif humaine trouve en Dieu sa réponse.
Toutes nos soifs sont au fond une soif de Dieu.

Il fallait le désert.
Il fallait l’absence de toutes autres sources
pour que le peuple découvre cela
et apprenne à prier :
mon âme a soif de Dieu, du Dieu de vie (Ps 41(42),3).

*

Frères et sœurs, Dieu a créé l’homme, la femme,
assoiffé de Lui.
Regardons bien en nous et autour de nous :
tous, nous avons soif d’amour,
nous avons soif de Dieu.

Si nous ne sentons pas cette soif de Dieu,
c’est que nous avons étanché notre soif
avec des liqueurs douteuses qui semblent apaiser la soif,
mais en réalité nous trompent et nous abîment.

Nous lisons le journal ou nous consultons l’internet,
et il le faut.
Mais soyons conscients
que l’on ne cesse pas de nous proposer des liqueurs
pour apaiser notre soif.

Pensez à l’esprit de consommation
sans cesse stimulé en nous par la publicité.

Pensez à l’esprit de pouvoir sans cesse avivé
par la politique partisane déconnectée du service du bien commun.

Combien de fois nous est-il asséné
que l’argent va être notre bonheur.

Et combien de fois le règne du plaisir est-il suscité,
en particulier le plaisir sexuel avec la pornographie.

Combien de fois nous est proposé une espèce de liberté
par rapport au mariage qui exulte le règne de l’égoïsme.

Et que dire du pouvoir sur notre propre vie
que nous proposent voyantes et gourous.

Voilà beaucoup, beaucoup de liqueurs douteuses
et même empoisonnées.

À nous frères et sœurs de descendre profondément en nous
pour découvrir ou redécouvrir notre vraie soif,
notre soif de Dieu.

Et si nous regardons tous les humains de toutes les générations,
il y a parmi nous tous,
quelqu’un qui a eu plus soif que tous :
Jésus !
Lui qui n’accepta aucune liqueur,
pas même ce vin mêlé de fiel au Golgotha (cf. Mt 27,34)
qui aurait atténué sa souffrance.
Jésus qui confie sa soif à la samaritaine :
« Donne-moi à boire » (Jn 4,7).
Jésus qui crie « J’ai soif » sur la croix, (Jn 19,28)
jusqu’à mourir de soif,
et jusqu’à l’aridité abyssale des enfers où il descend.

Et tout cela pourquoi ?
Pour devenir au milieu de nous, pour nous,
ce Rocher qui donne l’Eau vive.
C’est ce que Jésus nous révèle dans l’Évangile d’aujourd’hui.

À la femme de Samarie,
cette femme pleine de honte
qui cherche à ne pas être vue,
cette femme aux croyances mélangées
et aux mœurs dissolues,
à cette femme Jésus offre l’Eau vive
qui ne vient pas d’un puits de cette terre,
mais qui vient de Lui-même,
de Lui-même et du Père.

Jésus est celui qui donne l’Eau vive.
C’est cela qu’Il est devenu par sa mort et sa résurrection.

Jésus a été glorifié dans sa soif,
– sa soif devenue désir –
et il est désormais au milieu de nous ce Roc
qui donne l’Eau vive.

Et quelle est cette Eau vive ?
Est-ce l’eau de la Torah, de la Loi, des commandements ?
C’est infiniment plus que cela.

Car quiconque boit de cette eau-là
– la joie des commandements –
aura soif à nouveau.
La Loi ne suffit pas à notre cœur.
Nous sommes faits pour davantage.

De fait, Jésus poursuit :
« Qui boira de l’eau que moi je lui donnerai
n’aura plus soif pour l’éternité » (Jn 4,14).

Ce qui veut dire qu’il n’y aura plus l’horreur
ni même la douleur de la soif.
Mais il y aura toujours le désir,
le désir continuellement creusé et continuellement étanché.
Et Jésus poursuit en affirmant que l’eau qu’Il nous donne
devient en nous source d’eau jaillissant en vie éternelle (id.).

Le Père Louis Bouyer commente ainsi :
« Tel est le pouvoir mystérieux de l’eau vive que le Christ donne :
celui qui a puisé à la source découvre une source en lui-même.
Ce qu’il a puisé, c’est la vie divine :
l’amour dans un don perpétuel, perpétuellement en acte.

Il ne peut avoir en lui cet amour sans aimer ;
(Il ne peut avoir en lui) ce don sans se donner à son tour
et sans découvrir en lui, toujours aussi fraîches,
les mêmes possibilités de don de soi. (Le 4e Évangile, p. 102) ».

Notre désir le plus profond, c’est de devenir source !
D’être en perpétuel don de nous-mêmes
au Père et à nos frères et sœurs.

Comment est-ce que cela se fait ?
En devenant désir, en n’étant plus que désir de Dieu !

Et c’est comme cela que le Père veut être aimé,
veut être adoré :
en esprit et en vérité (Jn 4,24).
Car cette Eau vive c’est l’Esprit de Vérité (16,13),
l’Esprit d’Amour,
l’Esprit Saint.

Adorer le Père, ce n’est pas
multiplier des dévotions et des prosternations.
Adorer le Père, c’est accepter de se laisser transformer
dans l’Amour par le flot de l’Esprit Saint.

Et quel est le premier pas de cette transformation ?
C’est de demander le Baptême.

Parce que l’Eau vive qui nous transforme dans l’Amour
ne jaillit pas que dans la Jérusalem céleste !
Elle jaillit déjà ici-bas dans la source du Baptême.

En demandant le Baptême,
Sylvie demande cette transformation dans l’amour
qui glorifiera le Père.
Et cela lui sera donné dans le Baptême,
pour y puiser, pour en vivre.
Le don du Baptême est si grand
qu’il demande une longue préparation,
un long cheminement de catéchuménat
qui est l’apprentissage de la foi et de la communauté.

Puis vient l’appel décisif et enfin les scrutins
où est éprouvé, vérifié, le désir,
la détermination du catéchumène.
Ce n’est pas rien de se mettre à genoux
au milieu de toute l’assemblée pour demander la prière !

Les scrutins sont aussi des prières d’exorcisme
pour préparer, pour libérer le cœur
de tout ce qui n’est pas de Dieu
afin que la source du Baptême puisse couler librement.

Il y a enfin la « traditio »,
la remise de grands trésors de notre foi
que sont le Credo et le Notre Père.
Sylvie accueillera aujourd’hui le Credo
puis dans le cadre du catéchuménat,
elle le « restituera », ce sera la « redditio ».

*

Frères et sœurs,
voilà une magnifique occasion pour nous tous
de nous préparer à renouveler les promesses de notre baptême
dans la nuit de Pâques où il nous sera demandé de nouveau
de renoncer à Satan.

Que l’Esprit nous transforme tous dans l’amour
pour glorifier le Père !

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