FMJ MtlJeudi, 1ère Semaine de Carême – B
Frère Thomas
Est 14, 1.3-5.12-14 ; Ps 137 ; Mt 7, 7-12
26 février 2015
Sanctuaire du Saint-Sacrement, Montréal

Demander, pour être en relation vivante avec Dieu

Je me souviens de Patrick, lorsque j’étais à Bruxelles,
qui venait prier presque chaque jour le matin à l’église.
Il se tenait là, le matin, devant la porte de l’église,
en attendant son ouverture.
Et il priait, auprès de la Vierge Marie, de sainte Rita,
parfois aussi devant le Saint Sacrement,
ou dans la liturgie de notre communauté.
Quand j’avais l’occasion d’échanger avec lui,
il me disait qu’il priait pour trouver du travail,
mais que le travail ne venait pas.
Il avait parfois des tentations de se décourager dans la prière.
Je lui faisais voir alors que tout le temps qu’il passait à prier,
il ne le passait pas à faire un peu n’importe quoi,
et que son engagement pour la prière
était déjà pour lui, un début de travail.
De fait, il s’est mis à s’occuper
des lampions de dévotion à la cathédrale de Bruxelles.

Cela pose la question :
Lorsque Jésus dit aujourd’hui
« Demandez, vous obtiendrez ;
cherchez, vous trouverez » (Mt 7,7),
que vais-je demander ?
Que vais-je chercher ?

Si je demande un travail et que le travail ne vient pas,
vais-je me décourager ?
Si je demande d’avoir mes papiers en règle
et que cela ne vient pas, vais-je arrêter de prier ?
Si je prie pour demander la guérison d’une maladie
et que cette guérison ne vient pas comme je le souhaiterais,
cela signifie-t-il que la Parole de Jésus de ce jour est fausse ?

D’abord, est-ce que je fais de mon côté
les démarches nécessaires avant de prier Dieu ?

Ce qui me frappe, c’est que la Parole de Jésus qui suit
– celle que nous venons d’entendre –
ne concerne plus la prière
mais concerne les relations entre les humains.
« Tout ce que vous voudriez que les autres fassent pour vous,
faites-le pour eux, vous aussi » (Mt 7,12).
Et il y a la conjonction « donc »
qui fait le lien entre les deux passages.

Et le début du chapitre 7 de l’Évangile selon saint Matthieu
– dont le passage d’aujourd’hui fait partie –
parle aussi des relations humaines :
« Ne jugez pas, afin de n’être pas jugés » (v. 1).
Il semblerait donc qu’il y ait un lien
entre ma prière (donc ma relation à Dieu)
et mes relations avec les autres humains.

En vue de quoi je prie ?
Est-ce seulement pour obtenir une faveur, un avantage précis ?
C’est vrai que Jésus nous dit :
« Demandez, vous obtiendrez » (v. 7)
mais comment je me représente alors Dieu ?
Est-il pour moi une Personne, qui a sa liberté
et qui n’est pas obligé de répondre illico à tous mes désirs ?
N’est-il pas alors pour moi plutôt un distributeur,
un pourvoyeur à mes besoins ?
Comment vais-je réagir
si ce que je demande ne vient pas, ou tarde à venir ?

De la même manière, comment vais-je réagir
si ce que je demande à une personne qui partage mon humanité,
ne vient pas comme je souhaiterais que cela vienne ?
Vais-je me fâcher ?
Vais-je couper mes relations avec lui, avec elle ?
Vais-je lui garder rancune ?
Qui est-il, qui est-elle pour moi ?
Un distributeur de ce que je lui demande ?
Si le distributeur ne fonctionne pas,
s’il n’y a pas de moyen de le réparer,
je vais voir ailleurs.
Ou bien est-il, est-elle, une personne humaine comme moi,
avec sa liberté, son fonctionnement, ses sensations,
ses émotions, ses réflexions, ses blessures,
ses qualités, ses richesses, ses pauvretés, ses limites ?

Par rapport à cela Jésus nous dit aujourd’hui :
« ce que vous voudriez que les autres fassent pour vous
(tous les avantages et faveurs que vous attendez d’eux),
faites-le pour eux vous aussi » (v.12).
Si moi j’attends telle ou telle affaire de lui, d’elle,
se pourrait-il que lui, qu’elle,
attende des affaires semblables de moi ?
Si moi je vis telle ou telle joie ou tristesse,
l’autre aussi peut en vivre de même.
C’est la durabilité de mon lien à la personne qui est ici en jeu.
Si je la considère comme une personne humaine,
semblable à moi, notre lien pourra durer.
Si je ne la considère que comme un distributeur d’avantages,
notre lien va s’arrêter dès qu’elle cessera
de me distribuer ces avantages.

Il en va de façon semblable dans notre relation avec Dieu.
Dieu pourrait ne rester qu’un distributeur,
un pourvoyeur d’avantages.
De fait, Il l’est dans une certaine mesure,
car Il nous donne la vie,
même si nous ne faisons pas attention à Lui.
Mais Dieu ne veut pas nous traiter
comme des enfants à qui tout serait dû.
C’est pour cela que Jésus nous invite à demander.

Demander, avec la confiance d’un enfant,
mais comme une personne adulte,
qui sait que la réponse ne viendra pas forcément
comme je l’aurais imaginé au premier abord.
Et qui sait aussi s’engager pour sa part
pour obtenir ce qu’elle demande à Dieu.

Demander, en considérant Dieu comme une personne,
comme notre Père plein d’amour pour nous,
mais aussi qui veut notre croissance humaine.

Demander, comme la reine Esther,
qui considère d’abord le Dieu d’Israël
qui a choisi son peuple,
qui lui demande de se faire connaître
avant de lui demander de venir à son secours,
et qui finalement s’engage à aller trouver elle-même le roi
pour intercéder auprès de son peuple menacé.

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