FMJ MtlJeudi, 31e Semaine du Temps ordinaire – A
Frère Antoine-Emmanuel
Rm 14, 7-12 ; Ps 26 ; Lc 15, 1-10
3 novembre 2011
Sanctuaire du Saint-Sacrement, Montréal

Cessons de nous juger les uns les autres

Cessons donc de nous juger les uns les autres ! (Rm 14,13)
Pourquoi Paul doit-il exhorter si fermement les chrétiens de Rome ?
Pour endiguer une grave division qui menace la communauté.

D’un côté il y a ceux qui, pour le Seigneur (v. 6),
s’abstiennent de manger des viandes sacrifiées aux idoles,
et observent des jeûnes particuliers selon les jours de la semaine.
Ils le font pour le Seigneur et ils rendent grâce à Dieu (id.)

De l’autre il y a ceux qui pour le Seigneur
mangent de tout et n’observent pas de jours particuliers.
Ils le font eux aussi pour le Seigneur et, dit Paul,
ils rendent grâce à Dieu. (id.)

Mais les premiers jugent les deuxièmes ;
et les deuxièmes méprisent les premiers. (cf. 14,10)
Ils ne sont pas capables d’accepter
leur diversité, leurs divergences, alors que les uns et les autres
agissent en conscience pour le Seigneur,
et l’unité de la communauté est brisée.

*

Frères et sœurs, est-ce là une page d’histoire révolue ?
Je ne crois pas !
Prenons deux exemples :
Il y a des chrétiens qui
dans une profonde fidélité au dessein de Dieu
sur la personne humaine,
s’abstiennent de l’usage de moyens contraceptifs.
Avec les mots de Paul, nous pourrions dire
qu’ils le font pour le Seigneur et en rendant grâce à Dieu.

Et il y a des chrétiens qui
dans des situations de violences sexuelles,
de prostitution, de risques graves de maladies,
estiment en conscience devoir promouvoir
des moyens contraceptifs,
« comme premier pas vers une moralisation » (Benoît XVI)
Ne serait-ce que pour éviter le drame de l’avortement.
Ceux-là aussi le font pour le Seigneur
et rendent grâce à Dieu.

Mais faut-il que les uns jugent les autres
et que les autres méprisent les premiers ?

Prenons un autre exemple.

Il y a des chrétiens qui sont attachés à la langue latine
et au rite liturgique préconciliaire,
et qui y sont attachés pour le Seigneur
et rendent grâce à Dieu.

Et il y a des chrétiens qui sont attachés
au fait que la langue liturgique soit compréhensible
et le rite fidèle à la réforme liturgique qui a suivi le Concile.
Ils font ce choix pour le Seigneur
et ils rendent grâce à Dieu.

Mais faut-il, là aussi, qu’il y ait jugement et mépris
les uns envers les autres ?

Mais toi, pourquoi juges-tu ton frère ? lance Paul.
Et toi, pourquoi méprises-tu ton frère ? (Rm 14,10)

*

Frères et sœurs, à qui il appartient de juger ?
Paul répond :
Tous, nous comparaîtrons devant le tribunal de Dieu (id.).
Chacun de nous rendra compte à Dieu pour soi-même (v. 12).
Et Paul de conclure et de donner
la clé la plus précieuse pour ces tensions :
Cessons donc de nous juger les uns les autres.
Jugez plutôt qu’il ne faut pas être pour un frère
cause de chute ou de scandale (v. 1313).

Dans ces pages de la lettre aux Romains
apparaît combien Paul,
jadis pharisien,
jadis observateur farouche de la loi,
a été saisi par le Christ.
Ce n’est plus moi qui juge, pourrait-il dire,
c’est le Christ qui juge en moi. (cf. Ga 2,20).
Le cœur de Paul a été blessé, ouvert,
ouvert à la catholicité du cœur de Jésus.

Jésus qui brûle d’Amour
pour celui qui vit dans des cadres religieux stricts
comme pour celui qui vit hors-cadres.
Jésus qui reçoit comme apôtre aussi bien
Simon le Zélote que Matthieu le publicain.

Le cœur de Jésus a la passion maternelle
de la femme qui cherche la drachme perdue
au-dedans de la maison,
autant que la passion pastorale
du berger qui part chercher la brebis
qui est au loin, hors du troupeau.

C’est lui, en effet, qui est notre paix :
de ce qui était divisé, il a fait une unité.
Dans sa chair, il a détruit le mur de séparation :
la haine (Ép 2,14).

Il a voulu ainsi,
à partir de l’homme sous la loi et de l’homme sans loi,
créer en Lui un seul homme nouveau,
en établissant la paix,
et les réconcilier avec Dieu tous les deux en un seul corps,
au moyen de la croix : là, Il a tué la haine (Ép 2, 15-16).

C’est grâce à Lui que tous,
dans nos diversités, dans nos divergences,
dans un seul Esprit Saint,
nous avons l’accès auprès du Père (2,18).

Est-ce que nous refuserons de nous réjouir de cette réconciliation
comme le fils aîné de la Parabole ?
Ou est-ce que nous accueillerons
cette catholicité du Cœur de Jésus ?
C’est ce que nous faisons en chaque Eucharistie :
célébrer l’Eucharistie,
c’est entrer dans la Salle du grand festin
de la réconciliation de toute l’humanité !

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