FMJ MtlSaint François d’Assise
Frère Antoine-Emmanuel
Ga 6,14-18 ; Ps 15 ; Mt 11, 25-30
Samedi, 4 octobre 2014
Sanctuaire du Saint-Sacrement, Montréal

Ces tout-petits qui sont instruments de paix

« Je te bénis, Père, Seigneur du ciel et de la terre,
parce que Tu caches ces choses
à des sages et des intelligents
et que Tu les révèles à des tout-petits
» (Mt 11,25).

Qui sont-ils ces « tout-petits » ?

« Je te bénis, Père, Seigneur du ciel et de la terre,
parce que Tu caches ces choses
à des sages et des intelligents
et que Tu les révèles à des tout-petits » (Mt 11,25).

Qui sont-ils ces « tout-petits » ?

Regardons deux de ces « tout-petits ».
Nous sommes en Égypte en 1219.
Depuis la fin du XIe siècle se sont succédées
les tentatives des armées occidentales
pour rendre les lieux saints de nouveau accessibles.
De 1099 à 1187, la « Terre Sainte »
est sous le contrôle des francs.
Mais en 1187, le Sultan d’Égypte
s’empare de Jérusalem
et repousse l’armée franque.

Les initiatives se multiplient
pour « reprendre » Jérusalem.
S’y mêlent la folie – comme la croisade des enfants – ,
les intérêts économiques qui tournent au scandale,
mais aussi de la bonne volonté, sinon de la sainteté,
dans bien des cœurs généreux.

En 1215, le Pape lance une nouvelle croisade.
Quatre ans plus tard, Francesco, Saint François d’Assise,
décide de partir lui aussi.
Il embarque à Ancône le 26 mai 1219.
Son objectif : apporter sa contribution
à cette aventure chrétienne en terre d’Islam.
Mais une contribution bien différente de celle des chevaliers.

François part sans arme,
volontairement désarmé et désarmant.
Son seul orgueil est la Croix (cf. Ga 6,14).

Après un bref séjour à Saint-Jean-d’Acre
qui était resté aux mains des chrétiens,
il rejoint l’Égypte.
Les soldats francs sont installés
dans la partie orientale du Delta du Nil.
Ils essayent en vain de prendre la ville de Damiette,
capitale du grand Sultan Malek El Khamil,
descendant de Saladin lui-même.

François trouve dans le camp des croisés
une grande misère morale et spirituelle.
Et le voici qui prêche l’Évangile de la Paix
à cette armée de misère.
Il invite à ne pas attaquer Damiette.
On ne l’écoute pas.
Les croisés attaquent Damiette
et c’est un échec épouvantable.

Alors François va réaliser ce qu’il portait dans son cœur.
Avec frère Illuminé, ils s’en vont tous deux vers Damiette.
Leur objectif : rencontrer le Sultan en personne.
François ne vient pas négocier
avec une puissance ennemie.
Il vient rencontrer un homme.
Il croit au dialogue, à la rencontre, à la relation.

Et il porte un double désir :
le désir de conduire le Sultan lui-même au Christ.
À cet homme de grande culture, fervent musulman,
il veut annoncer Jésus.
Il veut annoncer la folie de la Croix ;
l’Évangile de la douceur et de la Miséricorde ;
la puissance de l’humilité.

L’autre désir est celui du martyre.
François ne veut pas provoquer,
mais il aimerait être avec Jésus sur la Croix jusqu’au bout.

Voici donc nos deux hommes,
François âgé de 38 ans, et frère Illuminé,
qui traversent le « no man’s land »
qui sépare le camp des croisés de Damiette.
Ils se présentent à Damiette.
On les prend pour des déserteurs
qui veulent devenir musulmans, raconte-t-on,
et on les laisse entrer.

Mais, François fait savoir au Sultan
que jamais il ne deviendrait musulman,
mais qu’il venait de la part de Dieu
pour prendre soin de l’âme du Sultan.
Et le Sultan reçoit les deux frères mineurs.

Si cette rencontre est avérée par les historiens,
le contenu de la rencontre nous est guère connu.
Ce qui est sûr, c’est que le Sultan
accueille François avec bienveillance,
qu’il l’écoute, qu’il ne touche pas à sa vie,
et le renvoie avec une autorisation
pour accéder aux lieux saints.

François et frère Illuminé quittent Damiette.
Ils ont ouvert un chemin nouveau vis-à-vis de l’Islam :
un chemin de dialogue,
un chemin d’humanité,
un chemin à l’école de l’Évangile.
Chemin qui se fonde sur la prière.

Chemin que l’armée franque ne parcourra pas,
puisqu’ils mettent Damiette à sac
peu de temps après la visite de François au Sultan.

« Ce que tu as caché à des sages et des savants,
tu l’as révélé à des tout-petits… »

D’un point de vue politique immédiat,
on pourrait dire que c’est un échec.
Mais non… François a ouvert une brèche.
Une brèche dans le mur
qui séparait chrétiens et musulmans,

Déjà parce que le voyage de François
a ouvert la possibilité d’une présence
des religieux franciscains au Moyen-Orient
qui dure encore aujourd’hui et sert la paix.
Mais, au-delà de ce fait.
François a ouvert une brèche plus profonde :
la fécondité de cette visite,
c’est un témoignage de la possibilité
d’un dialogue, d’une rencontre,
avec nos frères et sœurs d’Islam.
Tout cela à partir de la prière.

« François qui n’avait volontairement d’autres armes
que sa foi et sa douceur personnelle,
a parcouru de manière efficace la voie du dialogue.
C’est, dit encore Benoît XVI,
un modèle auquel devraient s’inspirer aujourd’hui
les relations entre chrétiens et musulmans :
promouvoir un dialogue dans la vérité,
dans le respect réciproque
et la compréhension mutuelle. »
(Audience générale, 29.01.2010)
Déjà le Concile Vatican II disait :
« L’Église regarde aussi avec estime
les musulmans, qui adorent le Dieu unique,
vivant et subsistant, miséricordieux et tout-puissant,
créateur du ciel et de la terre,
qui a parlé aux hommes.
Ils cherchent à se soumettre de toute leur âme
aux décrets de Dieu, même s’ils sont cachés. »
(Nostra Aetate, no. 3.)

Et le Pape François ajoute dans La joie de l’Évangile :
« Face aux épisodes
de fondamentalisme violent qui nous inquiètent,
l’affection envers les vrais croyants de l’Islam
doit nous porter à éviter d’odieuses généralisations,
parce que le véritable Islam
et une adéquate interprétation du Coran,
s’opposent à toute violence.

*

Frères et sœurs, il nous faut, nous aussi,
passer par la brèche que François d’Assise a ouverte.

Cette brèche, pour nous, c’est d’abord la prière.
Prions.
Prions pour la paix.

L’actuelle intervention militaire en Irak et en Syrie
est juste si son but est d’« arrêter »
la violence de l’État islamique
comme l’a laissé entendre le Pape François.
Elle sera juste si elle préserve des peuples
d’une injuste agression
et si elle protège des extrémistes
contre leur propre violence.
Mais cela reste tellement risqué…
Et c’est la prière qui est aujourd’hui
l’arme la plus puissante.
La prière, et le dialogue à notre très humble niveau,
quand l’occasion se présente.

Tous, nous portons une responsabilité vis-à-vis de la paix.
Prions, jeûnons et dialoguons
à l’exemple de François d’Assise.

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