FMJ MtlNATIVITÉ DU SEIGNEUR – B (Messe du jour)
F. Antoine-Emmanuel
Is 52, 7-10 ; Ps 97 ; Hé 1, 1-6 ; Jn 1, 1-18
Dimanche, 25 décembre 2005
Sanctuaire du Saint-Sacrement, Montréal

Vraiment Dieu !

À la fin du roman de Camus intitulé La chute
le personnage principal est en plein désenchantement,
en plein découragement.
Surpris par la neige qu’il voit tomber par la fenêtre
il se met à imaginer, à rêver,
que ces gros flocons qui tombent
sont comme un vol de colombes
qui annoncent enfin une bonne nouvelle :
« Espérons, dit-il, qu’elles nous apportent la bonne nouvelle»
et « tout le monde sera sauvé »

Et tout le monde sera sauvé !
Voilà l’attente qui gît, vive ou endormie,
au cœur de tout homme, de toute femme.
La preuve en est le succès en notre temps
de toutes les formes de New Age ou de Next Age
qui se proposent de sauver l’humain
en le re-liant à un tout cosmique impersonnel mais universel
qui le sauve de la fragmentation
et de la stérilité qui véhicule la culture contemporaine.

Oui, l’humain est en attente d’une bonne nouvelle,
de la Bonne Nouvelle.
Or, voici que celle-ci a résonné,
venant non pas de pensées humaines,
mais de Dieu Lui-même.

Cette nuit, quelque chose s’est brisé, s’est ouvert …
Dieu Lui-même a « déchiré les cieux »
pour Se remettre entre nos mains.

Le vol de colombes imaginé par Albert Camus,
ce n’est pas une poudrerie
dont l’enchantement n’est qu’éphémère,
c’est une manifestation angélique,
c’est le Chœur des Anges
qui a rompu le silence de la nuit
pour annoncer l’Évangile :
« Aujourd’hui un Sauveur nous est né ».
Et pour nous, chrétiens du XXIe siècle
ce n’est pas seulement un chœur angélique
qui nous porte la nouvelle,
c’est aussi une nuée immense de témoins,
des millions de baptisés, qui,
depuis des siècles,
ont joué leur vie sur l’Évangile
et aujourd’hui nous disent eux aussi :
« Oui, un Sauveur est né pour nous, pour vous. »

C’est une belle nouvelle, c’est la belle nouvelle
dont Isaïe nous dit qu’elle fait crier de joie (Is 52, 8)
les guetteurs postés sur les murailles de la cité,
comme sur les murs de notre modernité.
Bonne Nouvelle, oui, pour notre temps,
car en cette nuit,
la Lumière a commencé à poindre qui,
dans la Pâques à venir,
anéantira la puissance orgueilleuse des ténèbres
source de toute douleur et de toute mort.

Mais quel est donc le contenu de cette bonne nouvelle ?
Qu’un enfant naisse est une heureuse nouvelle,
mais ce n’est pas la Bonne Nouvelle
car aucun des enfants des hommes
ne pourra sauver ses semblables.
Qu’un enfant saint, lumineux, sans péché naisse
est une très heureuse nouvelle
et nous fêtons pour cela avec solennité
la Nativité de la Vierge Immaculée,
mais ce n’est pas encore la Bonne Nouvelle !
La Bonne Nouvelle est infiniment plus grande
que ces heureuses nouvelles :
elle est que l’enfant né dans la nuit de Bethléem est Dieu.
Un enfant, un petit enfant qui est Dieu,
le Dieu d’avant les siècles.

Mais, me direz-vous,
il y a eu beaucoup d’enfants dieu dans l’histoire.
Combien de peuples ont divinisé leurs empereurs et leurs héritiers !
Même Israël disait que son roi est comme un fils de Dieu.

Mais ce qui s’est passé à Bethléem est tout autre.
Ce n’est pas un enfant que les hommes ont déclaré divin ;
jamais, d’ailleurs, on aurait déclaré Dieu
celui qui est né dans une étable
et qui est mort condamné pour blasphème !

Non ce n’est pas nous qui l’avons déclaré Dieu …
C’est Dieu Lui-même qui a ouvert les yeux
de notre cœur et de notre intelligence
pour nous révéler que ce petit d’homme est le grand Dieu.
Il l’a dit au jour de son baptême :
« Celui-ci est mon Fils bien-aimé
qui a toute ma faveur ». (Mt 3, 17)
Au jour de sa transfiguration :
« Celui-ci est mon Fils, l’Élu, écoutez-le » (Lc 9, 35)
et il l’a définitivement confirmé
en le ressuscitant d’entre les morts;
Il l’a établi – dans son humanité glorifiée –
avec Fils de Dieu puissance (Rm 1, 4 – cf. Ac 13, 33)
par sa résurrection d’entre les morts.

Oui, Il est le Fils !
Parce que Dieu est Père qui déborde d’amour.
Et cet Amour est don de Soi,
extase de vie, de tendresse
qui donne éternellement existence au Fils
engendré dans l’Amour, non pas créé.
Dieu est Fils qui reçoit l’Amour
et qui Se donne dans le même Amour.
Le Fils, nous dit aujourd’hui Saint Jean,
demeure dans le sein maternel du Père (Jn 1, 18).
Le Père a un sein maternel qui est son Souffle, son Esprit
dans lequel se repose le Fils.
De toute éternité, sans commencement,
le Père engendre le Fils…
c’est cela l’Être même de Dieu.
Alors, quand nous regardons le Fils nous voyons le Père
comme par transparence,
parce qu’il est son « reflet resplendissant »,
l’expression parfaite de son être. (Hé 1, 3)
Le Fils, en Lui-même dit qui est le Père.
Puisqu’Il est Fils, Il dit que Dieu est Père …
Il est donc … sa Parole, son Verbe!
Celui qui révèle le Père,
Celui qui en révèle l’Amour infini, l’Amour débordant.
Il est filialement auprès de Dieu,
et il est Dieu.
Absolument Dieu, éternellement Dieu.

Et le Verbe, nous dit Saint Jean, S’est fait chair.
il est devenu chair humaine.
Il ne s’est pas revêtu d’humanité
il est devenu absolument
et, depuis ce jour-là, éternellement homme.
C’est-à-dire que le Père dans un excès d’amour pour nous
a engendré son Fils dans la création,
dans notre pâte humaine,
dans notre humanité.
« le Verbe de Dieu – qui est Dieu – s’est fait chair »
et Saint Jean ajoute :
« il a planté sa tente parmi nous »
Sa demeure, sa tente, c’est notre humanité.
C’est ce que nous montre admirablement notre crèche :
La tente de Dieu est plantée,
plantée pour toujours dans notre humanité.
L’Enfant de Bethléem est Dieu né de Dieu.
« Oui, nous croyons et nous confessons que Jésus de Nazareth,
né juif d’une fille d’Israël, à Bethléem,
au temps du roi Hérode le Grand et de l’empereur César Auguste I,
de son métier charpentier, mort crucifié à Jérusalem
sous le procureur Ponce Pilate, pendant le règne de l’empereur Tibère,
est le Fils éternel de Dieu fait homme,
qu’il est sorti de Dieu, (Jn 13, 3)
descendu du Ciel, (Jn 3, 13 ; 6, 33)
venu dans la chair. » (1 Jn 4, 2) (C.E.C. 423)

*

Frères et sœurs,
notre vie humaine n’est pas bien longue.
Elle a ses épreuves et ses joies,
ses hauts et ses bas.
Mais elle peut être marquée à jamais
par un jour,
un jour béni :
le jour où pour la première fois
nous avons donné notre oui à la foi en Jésus, Fils de Dieu,
en Jésus Seigneur.
Il y a un avant et un après ce jour.
Et ce jour peut-être aujourd’hui.

Il ne s’agit pas de faire œuvre de philosophes ou de grands penseurs,
il ne s’agit pas d’élaborer par nous-mêmes
une pensée audacieuse sur Dieu,
il s’agit de dire amen, de dire oui,
à ce que nous n’avons pas nous-mêmes inventé
et que l’Église aujourd’hui nous proclame :
Oui, cet enfant est Dieu, né de Dieu !

Il n’y a pas de juste milieu :
il y a « oui » et il y a « non ».

Et voici que l’Esprit Saint, du plus profond de notre être,
nous invite, nous pousse à donner ce oui de la foi,
à jouer notre vie sur ce oui,
à plonger dans la foi.
Aujourd’hui comme Pierre,
nous pouvons céder à la révélation intérieure
qui vient du Père pour proclamer;
oui, « tu es le Messie, le Fils du Dieu vivant ! » (Mt 16, 16)

Ce jour peut-être, pour reprendre les termes de Paul,
le jour où « le Père daigna me révéler son Fils ». (Ga 1, 16)

Silencieusement, l’onction de l’Esprit nous dit : (2 Rois 2.13)
Cet enfant, ce nourrisson
qui repose dans la mangeoire,
ce n’est pas un simple envoyé de Dieu, C’EST Dieu !

« Devenir croyant », écrit le Père Cantalamessa
« c’est ouvrir les yeux
de manière subite et émerveillée sur la Lumière ».
Déjà Tertullien, une des plus grandes figures
de l’Église des premiers siècles,
parlait de sa conversion comme du moment
où il est sorti du grand utérus sombre de l’ignorance.

Alors, oui, ce jour de Noël,
parce que nous donnons le oui de notre foi,
devient une nouvelle naissance.
Alors advient ce que seulement ceux qui ont donné ce oui
savent par expérience :
la vie demeure ce qu’elle est avec ses épreuves et ses joies,
mais elle est libérée des ténèbres épaisses
dont nous n’avions pas conscience.
Nous sommes comme quelqu’un
qui aurait toujours vécu sous un temps gris et nuageux,
et qui soudain découvre la lumière du soleil
et voit tout son monde habituel
sous une lumière jusque là impensable.

Il y en a parmi nous qui,
donnant ce oui de la foi en la divinité de Jésus, diront :
je ne savais pas, je ne pouvais pas même imaginer
que chaque homme, chaque femme
puisse avoir une telle dignité!
Je ne pouvais pas même penser une seconde
que l’amour de Dieu
puisse être aussi grand, aussi fort, aussi fou !
Je ne pouvais pas imaginer
que l’Eucharistie soit la présence réelle du Seigneur de la Gloire !

Oui, Jésus tu es « mon Sauveur et mon Dieu ! »

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