FMJ Mtl2e DIMANCHE DU TEMPS ORDINAIRE – B
Frère Antoine-Emmanuel
1 S 3, 3b-10.19 ; Ps 39 ; 1 Co 6, 13b-15a.17-20 ; Jn 1, 35-42
15 janvier 2006
Sanctuaire du Saint-Sacrement, Montréal

« Connais-tu Jésus, toi qui le suis ? »

Nous connaissons bien le récit de la vocation de Samuel,
appelé par Dieu pour devenir son porte-parole
auprès du prêtre Élie puis auprès de tout Israël.
Mais pourquoi l’auteur sacré a-t-il pris la peine
de nous raconter en détail
le triple appel de Dieu dans la nuit
avec le triple quiproquo
où Samuel ne reconnait pas la voix de Dieu ?
Ne suffisait-il pas d’écrire
« Le Seigneur dit à Samuel … » ?

Le récit veut nous enseigner quelque chose de précis.
Qui est Samuel ?
Un jeune qui a grandi avec le Seigneur (1 Sm 2,21),
progressant en taille et en beauté
tant auprès du Seigneur qu’auprès des hommes (v. 26).
Depuis longtemps déjà
il servait le Seigneur en présence du prêtre Élie (1 Sm 3,1),
mais, dit le texte,
Samuel ne connaissait pas en encore le Seigneur
et sa parole ne lui avait pas encore été révélée (v. 7).

Samuel, bien qu’immergé dans les choses de Dieu,
et dans le culte en particulier, ne savait pas encore
que le Seigneur nous parle personnellement.
Quand le Seigneur l’appelle,
il pense tout de suite que c’est la voix du prêtre Élie.
Il s’est alors passé pour lui
– et il se passe aujourd’hui pour nous –
quelque chose de très beau :
découvrir – ou redécouvrir –
que le Seigneur nous parle personnellement.
Il s’adresse à nous personnellement.

Cela, l’Évangile de ce jour
nous le dévoile plus profondément encore.
Regardons André et son compagnon.
L’un et l’autre sont disciples du Baptiste.
Ils ont entendu parler du messie dont la venue est imminente.
Ils ont entendu Jean quand il désigna Jésus,
un jeune galiléen comme eux,
disant de lui qu’il est l’Agneau de Dieu
qui enlève le péché du monde
en nous baptisant dans l’Esprit.
Ils ont entendu parler de Jésus
et ils ont commencé à la suivre,
sans avoir pourtant jamais dialogué avec lui.
Ils le suivent sans le connaître personnellement.

Or voici que Jésus s’arrête,
se retourne,
leur parle.
Ils entrent aujourd’hui dans un dialogue,
dans une relation personnelle et profonde avec lui.

Jésus se retourne aujourd’hui,
nous regarde et nous demande
avec une grande douceur :
« Que cherchez-vous ? » (Jn 1,38)

Aujourd’hui nous pouvons simplement dire oui
à cette relation, à ce dialogue ;
alors notre vie sera ponctuée, sera portée
par un dialogue ininterrompu avec Jésus.
Un dialogue souvent au-delà des mots.
Un dialogue en profondeur,
qui nous conduira, comme André et son compagnon,
à demeurer avec Jésus (Jn 1,39),
à demeurer dans son amour (Jn 15,9),
à demeurer en Lui et Lui en nous (Jn 15,4),

C’est une étape fondamentale de notre vie
quand nous entrons dans une relation personnelle avec Jésus.
On peut être très religieux, très pieux,
et ne pas avoir encore rencontré Jésus.
On peut être très érudit en théologie,
et ne pas avoir encore rencontré Jésus.

Le jour de la première rencontre est inoubliable,
comme pour André et son compagnon
qui se souvinrent parfaitement
que cette rencontre eut lieu
à quatre heures de l’après-midi !
Comme pour Augustin qui se rappelait du jardin de Milan,
ou Paul Claudel qui se souvenait près de quel pilier
de la Cathédrale Notre Dame
il se laissa rencontrer par le Seigneur
le soir du 25 décembre 1886 !

Car cette rencontre est une rencontre qui nous transforme.
Nous restons nous-mêmes,
mais nous sommes transformés.
Simon aujourd’hui reste Simon,
mais il devient Pierre, Simon-Pierre (Jn 1,42).
Simon c’est celui qui a seulement entendu parler de Jésus.
Pierre c’est Simon quand il se laisse rencontrer par Jésus,
qu’il vit de lui, qu’il croit en lui,
et reçoit de lui une vocation
qui transfigure son existence.

Ce passage, cette transformation,
cette entrée en relation
tient à la parole de Jésus,
mais aussi à son regard :
notez que l’Évangile de ce jour commence
avec Jean-Baptiste qui regarde Jésus,
et se termine avec Jésus qui regarde Pierre.
Comme nous, au temps de Noël,
nous avons regardé Jésus,
et aujourd’hui, c’est lui qui nous regarde,
qui pose sur nous son regard.

C’est quelque chose que d’être regardé
avec amitié, avec affection !
C’est quelque chose d’inouï d’être regardé
d’un regard limpide, chaste et aimant,
qui veut nous donner la vie,
qui veut nous donner la joie !
Demandez à Pierre de vous parler du regard de Jésus :
il vous parlera de ce premier regard d’aujourd’hui,
il vous parlera du regard de Jésus
dans la cour du grand prêtre (Lc 22, 60),
et de son regard au bord du lac … (Jn 21, 15).
Pierre a puisé la vie si souvent
dans le regard de Jésus.

Ce peut être bon pour nous
de fermer les yeux de notre corps
et d’ouvrir les yeux de notre cœur
pour goûter silencieusement le regard de Jésus
qui se pose sur nous.
Oui, en ce moment où tu lis ces lignes,
Jésus pose son regard sur toi !

Nous pouvons même nous reposer dans son regard
parce que là nous n’avons rien à cacher, rien à simuler …
C’est un regard d’amour et de paix…

C’est cela l’Évangile :
Jésus qui pose sur nous son regard, et nous dit :
« venez et voyez » (Jn 1, 39)
Jésus qui vient demeurer en nous,
qui vient s’unir à nous,
et c’est ainsi que naît en nous
« l’homme nouveau », la femme nouvelle,
appelés à participer à la vie de Dieu ;
c’est ainsi que nous sommes créés à nouveau en Jésus,
et élevés à la plénitude de la grâce et de la vérité.

(Ces lignes et ce qui suit s’inspirent de Redemptor Hominis, n° 18)

Être unis à Jésus : voilà ce qui fait notre force,
écrivait Jean Paul II.
Voilà la source de notre force : être unis à Jésus,
telle est la force qui nous transforme intérieurement,
comme principe d’une vie nouvelle,
d’une vie nouvelle qui ne disparaît pas,
qui ne passe pas,
mais qui dure pour la vie éternelle.
Et cette vie éternelle est l’accomplissement
de notre vocation d’homme, de femme ;
c’est l’accomplissement de notre « destin divin »
que Dieu a préparé pour chacun de nous de toute éternité.
Notre « destin divin » qui suit son cours,
par delà toutes les énigmes, les inconnus,
les méandres et les détours
du « destin humain » qui est le nôtre.

C’est vrai que les inconnus et les détours du « destin humain »
nous conduisent par une nécessité inévitable
jusqu’aux confins de la mort
et de la destruction du corps humain. Oui !
Mais Jésus nous apparaît au-delà de cette frontière.
En lui « resplendit pour nous
l’espérance de la résurrection bienheureuse,
la promesse de l’immortalité future ». (1ère Préface des défunts)
vers laquelle nous allons à travers la mort du corps

En posant son regard sur nous,
sur notre « destin humain »,
Jésus nous attire dans notre « destin divin ».
C’est le ressuscité qui nous regarde,
C’est le ressuscité qui s’unit à nous
et demeure en nous.

Oui, Jésus pose son regard sur nous
et vient s’unir à nous :
non pas seulement à notre âme, à notre cœur profond,
non pas seulement à notre « psyché »,
à notre intelligence,
mais aussi à notre corps.

La relation personnelle que Jésus nous offre en ce jour
nous rejoint jusque dans notre corps,
dans notre corps en santé ou malade,
dans notre corporéité plus ou moins blessée,
dans notre sexualité plus ou moins harmonieuse.

Saint Paul nous le dit aujourd’hui avec vigueur :
notre corps est pour le Seigneur Jésus
et le Seigneur Jésus est pour le corps (1 Co 6, 13).
Et Dieu qui a ressuscité Jésus dans son corps
nous ressuscitera, nous aussi,
dans notre corps, par sa puissance (cf. v. 14).
L’apôtre continue en nous posant une question
qui est une bonne nouvelle extraordinaire :
« Ne savez-vous pas que vos corps
sont des membres du Christ ? » (v. 15)
C’est cela le don merveilleux de notre baptême !
Car Celui qui s’unit au Seigneur Jésus
n’est avec Lui qu’un seul corps ! (v. 17)
Oui, notre corps est un temple du Saint Esprit (v. 19),
un temple de l’Esprit de Jésus.
Alors tout notre être, oui,
comme toute notre histoire
peut entrer dans cette relation
nouvelle et éternelle avec Jésus.

Venez et voyez nous dit Jésus aujourd’hui,
venez et voyez où je demeure.
Je demeure en chacun de vous
et par l’Eucharistie je renouvelle en vous
ma présence et mon amour.

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