FMJ MtlLA SAINTE TRINITÉ – B
Frère Antoine-Emmanuel
Dt 4, 32-34.39-40 ; Ps 32 ; Rm 8, 14-17 ; Mt 28, 16-20
7 juin 2009
Sanctuaire du Saint-Sacrement, Montréal

Une vraie Communion

Ces derniers jours, à travers la Pentecôte,
le don de l’Esprit Saint a été renouvelé en nous.
Quelle grâce ! Quelle joie !
Paul nous dit aujourd’hui dans son épître aux Romains :
« L’Esprit que vous avez reçu
ne fait pas de vous des esclaves,
des gens qui ont encore peur ;
c’est un Esprit qui fait de vous des (enfants de Dieu) ;
poussés par cet Esprit,
nous crions vers le Père en l’appelant : « Abba ! » (8,15).

Mais « Abba » n’est pas le cri de l’Esprit, mais du Fils.
C’est donc que l’Esprit nous unit si profondément à Jésus
que la prière de Jésus devient la nôtre.
La Foi de Jésus devient la nôtre.
L’Amour filial de Jésus devient nôtre.

C’est incroyable ce qui se vit en nous :
le dialogue d’amour du Père et du Fils dans l’Esprit-Saint.
La vie intime de Dieu se déploie en nous.

D’où cela nous vient-il ?
Nous venons de lire, dans l’Évangile de St-Mathieu,
ce que Jésus ressuscité dit à ses apôtres :
« Baptisez-les au nom du Père,
et du Fils et du Saint Esprit (28,19) ».
Le mot baptême en grec veut dire « immersion ».
Dire que nous avons été baptisés au nom du Père,
cela veut dire que nous été immergés
dans la vie des trois Personnes divines.

On ne peut boire l’océan mais on peut s’y plonger…
Ainsi, avons-nous été plongés dans l’Amour des Trois!

*

Regardons un instant cette vie intime de Dieu :
Il y a un seul Dieu.
Il y a trois Personnes.
Qu’est-ce qui les distinguent ?
Les trois personnes se distinguent seulement
par les relations qu’elles ont entre elles.

Ce qui distingue le Père ce n’est pas la puissance,
ni la vie, ni l’amour, ni la joie.
Ce n’est pas plus de puissance, de vie, d’amour ou de joie ;
c’est qu’Il engendre le Fils dans la joie de l’Esprit.

« Ce qu’est le Père,
Il l’est non en référence à Soi,
mais en relation au Fils » proclamait le Concile de Tolède
(DS 528).

Ce qui distingue le Fils
c’est sa manière d’être en relation :
Il est engendré et Il s’offre dans l’Esprit.

Ce qui distingue l’Esprit
c’est sa relation au Père et au Fils :
Il procède du Père et du Fils ;
Il est le Fruit de leur Amour.

Jean-Paul II parle des trois Personnes
en parlant de « relations subsistantes
qui, par le dynamisme de leur élan vital,
se portent l’une vers l’autre
dans une communion
où la totalité de la personne est ouverture à l’autre ».
(Catéchèse du 4.12.1985)

Le pape ne dit pas simplement
que la personne est ouverte à l’autre,
mais que la totalité de la personne est ouverture à l’autre.

Nous percevons la circulation de la vie des Trois
dans un perpétuel don et une perpétuelle ouverture.
Mais cela reste au-delà de toutes nos imaginations ;
toute image reste totalement imparfaite
parce que Dieu est Esprit.

Or nous avons été immergés dans cette vie intime de Dieu.
Cela nous semble fou !
En réalité, avant le baptême,
cette vie intime de Dieu
ne nous était pas complètement étrangère
par ce que nous avons été créés à l’image de Dieu Trinité.
Oui cela a été abîmé, défiguré, brisé en nous…
La ressemblance est très lointaine,
mais cela reste inscrit en nous
en particulier dans la mémoire de notre cœur profond.

Bref, nous étions faits pour cette vie de communion.
Nous l’avons perdue.
Que nous donne donc le Baptême.
Il ne fait pas que réparer les dégâts :
il nous immerge dans la vie intime de Dieu.
On n’en finirait pas de dire la dignité incroyable
qui nous est donnée au Baptême :
incroyable et éternelle.

Je vous propose de nous arrêter sur trois aspects :
la vie intérieure, le corps et la sexualité
et le couple et famille.

*

Notre vie intérieure ?

Le Baptême nous immerge dans la vie intime de Dieu.
C’est donc que cette vie intime est en nous
comme un cœur nouveau.

L’Amour des trois Personnes,
leur embrassement, leur danse, leur chasteté,
leur débordement de vie et de joie,
ne sont pas loin de nous, au-delà des astres ! Non !
Dieu est Esprit : sa Vie est en nous :
pas dans un lieu, mais dans tout notre être.

Quand l’Esprit nous conduit dans notre être profond,
nous descendons dans la joie des Trois.

Frères et sœurs, l’expérience mystique est pour tous ;
elle est un fruit du baptême.

Beaucoup courent après des expériences d’intériorité impersonnelles
dans des sagesses orientales
alors qu’ils portent en eux
la plus extraordinaire joie mystique qui soit.

Par la foi et les sacrements,
par la prière, par la purification du cœur,
et surtout, par pure grâce,
nous pouvons, en nous,
goûter de bien des manières cette joie des Trois.

Si vous prenez régulièrement
des temps de prière silencieuse,
vous vivrez cela.

*

Regardons maintenant notre corps.

Le corps, et la sexualité en particulier,
disent que nous sommes faits pour la relation,
pour un échange d’amour qui donne la vie.
« Le livre de la Genèse nous dit
de l’homme et de la femme
qu’ils deviennent une seule chair (Gn 2,24) :
c’est au moment de cette découverte
de la communion des corps
que l’homme et la femme – à l’origine –
deviennent pleinement image de Dieu.
L’acte de chair, le don des corps,
qui exprime la totalité de la donation
des personnes l’une à l’autre,
est ce par quoi l’homme et la femme
sont, dans la chair, image de la Trinité divine. »

Quelle merveille ! En nous créant,
Dieu a voulu inscrire dans nos corps
d’hommes et de femmes
– dans notre être-femme et notre être-homme –
la capacité d’exprimer son secret le plus intime,
de rendre visible ce qui est invisible.
Ce secret, le Christ nous l’a révélé :
Dieu « est Lui-même éternellement échange d’amour :
Père, Fils et Esprit Saint,
et Il nous a destinés à y avoir part ».

Certes, cela a été abîmé et la beauté de la sexualité
est enfouie sous un amas de honte,
de peurs, de culpabilité
mais le Baptême est non seulement source de guérison
de notre relation du corps et à la sexualité
mais il mène à une perfection d’amour extraordinaire.

Mon corps, ma sexualité constituent de nouveau
un appel à « une communion
où la totalité de la personne est ouverture à l’autre »,
communion que le Baptême a rendu possible !

L’union sexuelle que vivent les époux
est le signe de quelque chose de plus grand,
de très grand, à laquelle tous nous sommes appelés
y compris dans le célibat apostolique dans le monde
ou dans le célibat consacré :
une communion féconde des personnes.

Regardez un Jean Vanier, une Mère Térésa.
Quand Jean Vanier aime Pierre,
qui est un enfant trisomique,
qu’il le soigne, le lave, le nourrit,
et quand il en parle,
nous percevons qu’il y a là une communion magnifique
et une communion qui rayonne,
qui est féconde
et qui réveille le germe de communion divine
qui est en nous.
C’est la joie des Trois
qui passe à travers notre vie, notre corps.

*

Venons-en au troisième aspect : Le couple et la famille.
Nous savons bien que le couple, homme et femme
est une invention de Dieu :
une sacrée invention…
une invention sacrée !

Le mariage appartient au dessein de création de Dieu.
Il est la réalité cardinale de la société humaine.
Il structure la société en la construisant sur l’amour.
Nous savons que le mariage est une réalité blessée,
un lieu d’énormes blessures.
Qu’a fait Jésus ?
Il n’est pas venu défendre l’union libre !
Il est venu ramener le mariage à sa vérité première,
à l’origine, comme don mutuel indéfectible
et il est mort sur la croix tout particulièrement
pour répandre l’Esprit-Saint au cœur du mariage.

C’est l’Esprit-Saint en personne qui
par le sacrement du mariage
vient habiter l’amour conjugal.
C’est la vie intime de Dieu Trinité qui se déploie
dans le couple, dans la famille
qui devient un reflet ici-bas de la vie divine.

Je me souviens d’un couple
avec leur fils qui avait un handicap.
Une famille très simple, de travailleurs,
avec les fragilités de chacun,
mais une ouverture à Dieu toujours re-choisie
Ils restent pour moi une si belle image de la Trinité!

Un seul enfant, mais quelle fécondité !
Parce que très vulnérables,
ils laissent passer ensemble
un rayonnement d’amour formidable !

*

Avoir été immergé dans la vie intime de Dieu,
cela ouvre des perspectives existentielles merveilleuses
pour la vie mystique,
qui se traduit dans le corps et dans la famille.

Et nous pourrions prolonger la réflexion
et nous aurons un nouveau regard
sur l’économie, sur la politique, sur l’argent.

Être chrétien c’est respirer large.
Mieux : devenir vraiment chrétien
c’est apprendre une nouvelle respiration
d’accueil, d’offrande et de communion
où « la totalité de ma personne devient ouverture aux autres ».

Alors… il nous faut faire des exercices de respiration !

Quant à l’Eucharistie, n’est-elle pas une ré-animation
qui nous fait entrer dans cette respiration ?

© FMJ – Tous droits réservés.