FMJ Mtl32e DIMANCHE DU TEMPS ORDINAIRE – C
Frère Antoine-Emmanuel
2 M 7, 1-2.9-14 ; Ps 16 ; 2 Th 2, 16 – 3, 5 ; Lc 20, 27-38
10 novembre 2013
Sanctuaire du Saint-Sacrement, Montréal

Surtout ne me tuez pas

À travers l’Évangile, Jésus aujourd’hui
nous ouvre une fenêtre sur le Ciel, sur l’éternité.
Il nous fait voir un paysage nouveau, jusque là inconnu.

Bien des sages et l’Ancien Testament
ont entr’ouvert la fenêtre sur l’éternité
mais seul Jésus pouvait nous l’ouvrir pleinement,
car nul n’est monté au Ciel – et a vu –
sinon Celui qui est descendu du Ciel, Jésus (Jn 3,13).

Dans l’Évangile de ce jour, de fait,
Jésus distingue deux choses :
ce monde-ci et le monde-à-venir,
c’est-à-dire le monde de la Résurrection.

Il y a « ce » monde : plein de vie, de beauté, d’amour
mais aussi plein de drames,
avec, surtout, une caractéristique : la mort.

La mort, ennemi public numéro 1.
La mort, indomptable, inévitable.

Jésus aujourd’hui ouvre la fenêtre sur un « monde à venir »,
le monde de la Résurrection.
Le mot résurrection veut dire se lever, se réveiller,
un terme qui concerne nécessairement le corps.
On ne parle pas de résurrection de l’âme
mais d’immortalité de l’âme.
La résurrection c’est le réveil, le relèvement,
le nouveau lever de tout notre être.

Aujourd’hui, Jésus emploie l’expression
« fils de la Résurrection »,
c’est-à-dire qu’il y a un événement, la Résurrection,
qui va nous donner vie, nous faire naître.
Vous connaissez l’image de Paul :
la semence jetée en terre qui meurt.
Il va jaillir non pas une semence mais un nouvel épi.
Notre corps mourra à cette vie,
sera déposé en terre,
pour éventuellement avoir un corps glorieux.

Qu’est-ce que nous vivrons dans ce corps glorieux ?
Jésus, qui n’est pas bavard, nous dit premièrement :
qu’ils ne peuvent plus mourir (Lc 20,36).
Nous ne pourrons plus mourir ;
c’est très difficile à imaginer.

Saisis par l’Esprit Saint, nous serons libérés
de la condamnation qui pèse sur la vie ici-bas,
car nous serons « comme des anges »,
c’est-à-dire embarqués dans l’éternité de Dieu,
participants de l’éternité de Dieu dans une joie infinie.

Deuxièmement, nous ne prendrons ni femme, ni mari. (cf. 35)
Cela veut dire qu’il n’y aura plus d’amour au Ciel ?
Non !
Il y aura un amour démultiplié,
bien au-delà de l’exclusivité du couple.
Nous serons un ciel les uns pour les autres,
comme Jésus sera notre ciel à tous.

Troisièmement Jésus dit : fils, filles de Dieu (id.).
Unis à Jésus, nous recevrons la Vie de Dieu
dans une plénitude extraordinaire.
Nous serons fils et filles avec Jésus, en Jésus :
emportés dans cet échange d’amour qui ne finit pas.
« Au réveil, je me rassasierai de ton visage » (Ps 16,15)
avons-nous chanté tantôt.

*

Jésus a ouvert le passage. Comment ?
Par Sa mort et Sa résurrection
le passage est maintenant ouvert.
Le mur de la mort a éclaté.
Il y a désormais un passage en forme de Croix.
Un passage qui a pour chacun la forme de notre croix.
Ma mort, ta mort, comme décomposition de l’être
dans l’éloignement de Dieu,
Jésus l’a vécue, l’a prise sur Lui, elle n’existe plus.
Ma mort, au sens de la mort éternelle,
n’existe plus par pure grâce,
par pure miséricorde,
et l’heure où notre coeur s’arrêtera de battre
sera, si nous disons oui à Jésus,
l’entrée dans le monde à venir.

Cela c’est déjà en nous depuis notre baptême.
La résurrection n’est pas seulement notre demain.
Elle est en nous.
Il y a de la Résurrection en toi.
Et chaque Eucharistie vient vivifier cette grâce.

*

Alors est-ce que la mort d’un chrétien est facile,
comme une autoroute ?
Non !
Nous le savons bien, la mort reste un combat.
Mais est-ce que vous voyez la différence entre :
combattre contre un inconnu qui va vous détruire
et combattre pour s’abandonner à l’Amour
de quelqu’Un qui nous attend,
nous accueille et nous sauve.

Il y a une différence radicale entre
le combat désespéré contre la mort qui va m’engloutir
et le combat pour s’abandonner à l’Amour qui va m’éterniser.

D’où vient l’euthanasie ?
Elle vient de ce que beaucoup ne voient
que la première forme de combat.
Disons-le clairement : l’euthanasie est objectivement un mal
qui détruit les fondements de la société
puisqu’elle autorise la mise à mort d’une personne humaine.
Elle est le produit d’une société incapable
d’accepter la faiblesse, la vulnérabilité, le handicap.
Elle met à mort les plus vulnérables.
Elle est la solution macabre que trouve notre société
pour régler un énorme problème économique…

Mais, je dois confesser que jamais je ne pourrai condamner
une personne qui demande l’euthanasie
parce que pour quelqu’un qui n’a pas rencontré Jésus,
l’euthanasie est extrêmement séduisante,
elle est une tentation extrêmement forte.
Et surtout pour des personnes privées d’accompagnement spirituel.

Je le dis à mes frères :
si un jour je suis sur un lit d’hôpital
et que je vous dis : tuez-moi,
surtout ne me tuez pas.
Annoncez-moi l’amour du Seigneur.
Rassurez-moi.
Dites-moi la tendresse de Dieu.
Parlez-moi de la mort.
Je le répète : parlez-moi de la mort,
ne me la cachez pas.
Ne me cachez pas qu’elle est un combat.
Et ne me cachez pas qu’elle est le passage nécessaire
vers la vie éternelle, vers un bonheur d’éternité.

La souffrance spirituelle dit Sr. Roxane,
responsable d’une unité de soins palliatifs en Bretagne,
est l’une des plus aiguës
et pourtant elle est celle qui est la plus négligée.

Si on sait soulager la douleur
on ne sait pas toujours soulager cette souffrance spirituelle
qui naît quand les besoins spirituels ne sont pas pris en compte.

La personne malade entre dans une crise existentielle profonde
avec un écroulement de son monde intérieur
qui l’entraîne dans un combat pour retrouver son unité.

Le besoin le plus extrême est de se reconnaître et d’être reconnu
comme existant jusqu’au dernier moment.
Intense est alors le besoin de relation mais aussi de solitude
pour se réconcilier avec soi-même et avec les autres.1

Vous voyez les deux routes
qui se présentent à notre société aujourd’hui :
– ou bien l’euthanasie
– ou bien les soins de fin de vie
qui sont particulièrement des soins spirituels.

*

Je vous invite à relire le chapitre 7 du 2e Livre des Maccabées.
Vous y verrez la cruauté sans nom du roi Épiphane
qui met à mort ceux qui pratiquent ostensiblement leur religion.
Et vous y verrez le courage d’une maman
qui accompagne ses enfants en fin de vie.
« Je ne sais comment vous êtes apparus dans mes entrailles ;
ce n’est pas moi qui vous ai gratifiés de l’esprit et de la vie (…)
Aussi bien le Créateur du monde
qui est à l’origine de toutes choses
vous rendra-t-il dans sa miséricorde
et l’esprit et la vie,
parce que vous vous sacrifiez vous-mêmes
pour l’amour de ses lois » (2 Mac 7, 22-23).

*

Nous chrétiens, avons ici un service immense à rendre.
Si la société devient Épiphane,
nous devons devenir comme cette mère
pleine de tendresse et de force
pour proclamer la miséricorde et la vie éternelle.
Nous chrétiens, nous ne sommes pas envoyés
pour condamner les défenseurs de l’euthanasie.
Nous sommes envoyés pour ouvrir la fenêtre sur le Ciel,
pour ouvrir la fenêtre de l’espérance
à un nombre incalculable de personnes
dont notre société a rongé l’espérance.

À qui vas-tu cet après-midi ouvrir la fenêtre ?
À qui le Seigneur t’envoie-t-il ?

Et pour que nous-mêmes nous ne perdions pas espérance,
et pour que cette espérance du Ciel se fortifie en nous,
le Seigneur a inventé un moyen extraordinaire :
la célébration de l’Eucharistie.
L’Eucharistie, c’est la mort et la Résurrection de Jésus
à laquelle nous communions ensemble.
L’Eucharistie c’est la fenêtre ouverte sur le Ciel,
c’est du Ciel sur la Terre,
c’est de l’Éternité dans nos veines.

C’est Jésus qui vient nous redire :
« Je suis la Résurrection et la Vie » (Jn 11,25)
et qui nous en imprègne au plus profond de notre être.

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