FMJ Mtl6e DIMANCHE DU TEMPS ORDINAIRE – B
Frère Thomas
Lv 13, 1-2.44-46 ; Ps 101 ; 1 Co 10, 31 – 11,1 ; Mc 1, 40-45
15 février 2015
Sanctuaire du Saint-Sacrement, Montréal

Rien n’est impur à ceux et celles dont le cœur est pur !

Le lépreux atteint de cette plaie
portera des vêtements déchirés et les cheveux en désordre,
il se couvrira le haut du visage jusqu’aux lèvres,
et il criera : « Impur ! Impur ! » (Lv 13,45)
Terrible loi qui assimilait la lèpre
à une impureté rituelle, religieuse.
Pour sa réintégration dans la société,
pour constater sa guérison,
le lépreux n’allait pas voir le médecin mais le prêtre.

Terribles maladies contagieuses et mortelles,
qui conduisent ceux et celles qui en sont atteints
au ban de la société.
Ce n’est pas ici la maladie qui est en cause,
mais l’ignorance des moyens réels pour en éviter la contagion.
Du temps de Jésus, c’était avec la lèpre,
de nos jours c’est avec le Sida ou Ébola.
De tous temps ce sont des préjugés
qui identifient la personne avec sa maladie,
avec son handicap, avec tel ou tel de ses défauts.
Ce sont des murs de peur et d’ignorance
qui se dressent entre des personnes
et qui les empêchent de se rencontrer.
D’après le code du Lévitique,
un lépreux n’est quasiment plus une personne,
car ses vêtements sont déchirés, ses cheveux en désordre
et son visage est caché.
Il crie de plus « impur, impur ! »,
comme s’il était coupable de tous les maux de l’humanité.

Quelle mise en scène pour inciter tous ses concitoyens
à le rejeter, à l’exclure.
Et si moi je me dis impur,
je vais finir par croire que je le suis vraiment.
Non seulement les autres vont m’exclure,
mais je vais aussi m’exclure moi-même.

Jésus, Lui, Se laisse toucher par un lépreux
qui tombe à genoux devant Lui.
Non seulement Jésus Se laisse approcher par ce lépreux,
mais Il va jusqu’à le toucher.

Je me souviens de cette scène
racontée dans un Évangile pour enfants en bandes dessinées.
Lorsque Jésus touche le lépreux,
une image montre l’apôtre Simon-Pierre horrifié, qui s’exclame :
« Mais… mais… la lèpre, ça s’attrape ! »
Il ne sait pas encore que c’est le lépreux qui par ce contact,
va attraper la santé et non Jésus qui va attraper la lèpre.

Lorsque le pape François ne cesse d’appeler les chrétiens
à sortir pour aller vers ce qu’il appelle « les périphéries »,
voilà ce que cela peut signifier pour nous :
ne pas avoir peur d’être contaminés par ceux du dehors,
mais considérer le surcroit de santé
que nous nous pouvons leur apporter
et aussi la joie qu’eux peuvent nous apporter.

Des lépreux, il y en a qui sont proches de nous.
Dans un premier temps,
pas besoin d’aller chercher très loin pour en trouver.
Proches parce que croisant les mêmes chemins que nous,
partageant les mêmes lieux de vie,
les mêmes lieux de travail, les mêmes lieux de prière,
venant de la même famille, du même groupe d’amis,
de la même communauté.
Proches physiquement ou socialement,
mais loin – parfois très loin – dans notre cœur.

Telle mauvaise image que j’ai de telle personne,
telle rancune que j’entretiens,
telle blessure dans laquelle je reste pris.
L’autre est comme le lépreux de l’Évangile pour moi.
Quand je le vois, c’est comme s’il criait devant moi :
« Impur, impur ».
Je me trouve toutes sortes de bonnes raisons
pour ne pas le fréquenter, pour l’ignorer.
Et une raison imparable,
c’est qu’il risque de mettre ma foi en danger.

Certes, il s’agit de ne pas être naïf.
Si je vois clairement que dans telle rencontre
je vais perdre la santé, ou pire, ma droiture, mon intégrité,
alors il importe que je renonce à cette rencontre
ou que je la reporte.
Jésus appelle aussi ses disciples
à être prudents comme les serpents.

La lèpre reste une maladie contagieuse
contre laquelle il est vital de se prémunir,
Mais il importe aussi que la lèpre
ne soit pas prétexte à exclure les lépreux.

Ainsi donc, si j’ai par exemple un parent,
un collègue, un confère/une consœur,
un voisin qui me dit des paroles hostiles,
désagréables ou déplacées,
ou bien avec qui je ne me sens vraiment pas d’atomes crochus,
suis-je moi obligé de lui rendre hostilité pour hostilité ?
Ai-je essayé de lui parler aimablement,
de m’intéresser à lui/à elle, de lui donner un sourire ?
Là, il n’y a pas de risque de contagion pour moi.
C’est si je reste renfermé et hostile que je serai contaminé.
Si je fais un pas vers lui/vers elle,
le pire qui pourra m’arriver,
c’est que ma démarche dans un premier temps
ne sera pas accueillie.
Mais mon regard sur lui/sur elle aura changé,
il/elle ne sera plus un lépreux impur
dont il importe que je me tienne à l’écart.
Si je décide de m’approcher de lui/d’elle,
de le toucher avec bienveillance,
par mon regard, par mes paroles, par ma prière,
c’est une semence de vie
que j’aurai semé en son cœur en vue de sa guérison.

Jésus nous a donné un trésor
en allant vers les lépreux de son temps, considérés comme impurs.
Jésus est véritablement le modèle
de celui qui va vers les périphéries.
Il s’approchait volontiers des publicains, des pécheurs,
des Romains – les envahisseurs –
et même des pharisiens docteurs de la loi et grands prêtres,
malgré la grande hostilité qu’ils avaient souvent à son égard.
Pour Lui, rien ni personne n’était en soi impur,
mais c’est du cœur de l’être humain
que pouvait venir la véritable impureté, celle des mauvais desseins.

En notre temps, il y a beaucoup d’hostilité
dans les cœurs de bien des humains :
dans les familles, dans les milieux de travail,
entre certaines cultures, entre certaines religions,
entre ceux qui veulent imposer par la force leur religion
et ceux qui sont hostiles à toute religion.

Elle se traduit par de la violence physique
(parfois extrême et aveugle), par de la violence verbale,
par une absence de respect pour autrui,
pour son corps, pour ses valeurs,
par du mensonge, par de l’indifférence.
Et chaque fois les uns regardent les autres comme impurs.

Garderons-nous pour nous le trésor de Jésus
qui rend pur ce qui apparemment est impur ?
Jésus ne vient pas révolutionner les institutions de ce monde.
Au lépreux guéri, il prescrit d’aller se montrer au prêtre,
comme le demande la loi de Moïse.

Mais Jésus vient tourner les humains
les uns vers les autres, dans la bienveillance.
« Je ne cherche pas mon intérêt personnel
– nous dit Saint Paul aujourd’hui –
mais celui de la multitude des hommes,
pour qu’ils soient sauvés.
Prenez-moi pour modèle :
mon modèle à moi, c’est le Christ. » 1 Co 10,33-11,1)

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