FMJ Mtl3e DIMANCHE DE L’AVENT « GAUDETE » – B
Frère Thomas
Is 61, 1-2.10-11 ; Lc 1 ; 1 Th 5, 16-24 ; Jn 1, 6-8.19-28
14 décembre 2014
Sanctuaire du Saint-Sacrement, Montréal

Quelle est donc cette joie ?

Quelle est donc cette joie
à laquelle nous sommes appelés comme chrétiens,
et à laquelle la liturgie de ce jour
tout particulièrement nous appelle ?

Lorsque le prophète Isaïe annonce :
« Je tressaille de joie dans le Seigneur,
mon âme exulte en mon Dieu.
Car Il m’a enveloppé du manteau de l’innocence,
Il n’a fait revêtir les vêtements du Salut » (Is 61,10),
le peuple d’Israël est encore en déportation à Babylone.

Lorsque Saint Paul dit aux Thessaloniciens :
« Soyez toujours dans la joie,
priez sans relâche,
rendez grâce en toute circonstance » (1 Th 5, 16-18),
il est bien conscient qu’il s’adresse
à des hommes et des femmes
qui traversent toutes sortes d’épreuves.

Quelle est la cause de notre joie ?

La prière d’ouverture de la messe de ce jour demande :
« Dirige notre joie vers la joie d’un si grand mystère. »
Cela signifie que nous pourrions nous réjouir
d’autre chose que de la venue de notre Dieu parmi nous.
Et d’ailleurs, le mot joie n’est pas beaucoup utilisé
dans notre monde aujourd’hui.
On préfère les termes :
satisfaction, plaisir, jouissance,
ou bonheur, épanouissement.
Les personnes joyeuses sont souvent suspectées de naïveté,
d’irréalisme devant la dureté des choses
et des événements de ce monde.
De fait la joie à laquelle notre foi chrétienne nous appelle
n’est pas une satisfaction, ni même un bonheur,
un épanouissement intérieur.
C’est une jubilation intérieure
en raison d’une réalité invisible,
dont nous percevons cependant
des signes de la présence et de la venue,
mais dont nous percevons encore toute une absence
et surtout dont la plupart de nos contemporains
n’ont, à première vue, pas la moindre idée.

Cette joie, nous la puisons dans notre vie de foi,
et spécialement dans notre prière.
Nous la puisons aussi quand nous posons
des actes de charité gratuits
qui nous sortent de nous-mêmes,
qui nous ouvrent à des personnes inconnues
ou à la miséricorde envers ceux qui nous ont fait du tort.

C’est une joie qui se trouve dans nos relations
et qui trouve sa source dans notre relation avec Dieu.
Cette joie n’est pas arrêtée
quand surviennent des difficultés dans nos relations.
J’aime ma mère parce qu’elle me fait de la bonne cuisine,
parce qu’elle prend soin de moi.
Chaque fois que je vais la visiter,
j’éprouve de la joie.
Mais le jour où elle ne peut plus faire la cuisine,
où sa santé ne lui permet plus de prendre soin de moi,
me voilà triste.
Où avais-je mis ma joie ?
Dans ma relation avec elle
ou dans les satisfactions qu’elle me procurait ?

J’aime ma femme
parce qu’elle me fait beaucoup de compliments.
(Et moi, est-ce que je lui en fais aussi ?)
Mais le jour où je n’ai plus ma dose de compliments
de la part de ma femme,
me voilà triste.
Je commence à douter de mon amour pour elle.
Où avais-je mis ma joie ?
Dans ma relation avec elle
ou dans les gratifications
que ses compliments me procuraient ?

J’aime mon travail car il me donne des responsabilités,
un pouvoir de décision et de réalisation.
Mais le jour où je me retrouve
sous la responsabilité d’un autre
et qu’à mon tour j’ai à accueillir des décisions
qui ne viennent pas de moi,
me voilà triste.
Où avais-je mis ma joie ?
Dans mes relations de travail
ou dans le pouvoir que j’avais sur les autres ?

C’est bien là le drame de notre monde
que d’être triste parce qu’il se découvre frustré
de toutes sortes de satisfactions, plaisirs ou gratifications.

S’il bannit l’invisible de son horizon,
il se lance dans une course effrénée
aux satisfactions immédiates,
qui deviennent alors des compensations
à ses frustrations non gérées.
Et les relations entre les personnes
s’en trouvent affectées et profondément blessées !

S’il y a de bonnes satisfactions, de bons plaisirs
– comme la nourriture dans une juste mesure,
la reconnaissance des autres ou les responsabilités –
il y a des plaisirs qui déshumanisent
– comme la consommation à outrance
et sans discernement,
la pornographie, la prostitution
ou la domination des autres.
Et l’aboutissement de cette course folle,
c’est le suicide ou même l’homicide,
quand la tristesse est telle
que plus rien n’a de goût ni de sens.
Ceux et celles qui vivent cela ressemblent à des enfants gâtés
qui veulent rester enfermés dans leur révolte.

Quel contraste quand nous voyons la joie
et l’ouverture des gens dans les pays pauvres,
alors qu’ils n’ont ni les biens de consommation,
ni la reconnaissance, ni les responsabilités.
C’est donc que la joie vient d’ailleurs.

La figure de Jean-Baptiste
est ici un modèle éloquent de cette joie.
Il a renoncé à toute une nourriture et tout un confort
en allant vivre dans le désert.

Il a renoncé à toute une reconnaissance
de la part des prêtres et des pharisiens de Jérusalem.
Il a même renoncé à tout un pouvoir,
puisqu’il prépare la venue d’un autre
et qu’il s’efface devant Jésus quand il survient.
Mais il est comblé de joie !

Cela me fait penser à la lettre récente du pape François
pour l’ouverture de l’année de la vie consacrée.
Il fixe la première de ses attentes pour cette année
comme étant la joie associée à la vie consacrée.

Si les consacrés ne vivent pas la joie évangélique,
alors qui la vivra ?
Ils ont fait des renoncements
à bien des satisfactions et des plaisirs de cette vie,
précisément à cause du mystère
de la venue de Dieu sur notre terre.
Si nous, consacrés, ne dirigeons pas notre joie
vers la joie d’un si grand mystère,
alors quel témoignage donnons-nous ?
Nous restons attachés
aux satisfactions immédiates de ce monde,
nous ne donnons pas envie à des jeunes
de s’engager dans la vie consacrée
et nous ne stimulons pas les autres chrétiens
(et même les non chrétiens)
à vivre de cette joie véritable !

Souvent les jeunes ont aujourd’hui
peur de s’engager dans la vie consacrée
(ou dans le sacerdoce),
parce qu’ils s’imaginent
qu’ils vont y être malheureux.
Mais est-ce que ceux et celles qui fuient
l’engagement à la suite du Christ
(quel qu’en soit la forme) sont heureux ?

Le prophète Isaïe, avant de proclamer
qu’il tressaille de joie dans le Seigneur,
se laisse envoyer et consacrer par le Seigneur
pour porter la bonne nouvelle aux pauvres.
Alors, chers jeunes
– et même vous qui êtes moins jeunes –
n’ayez pas peur de vous engager,
de vous consacrer à la suite du Seigneur Jésus.
Vous renoncerez à certaines satisfactions,
mais vous gagnerez la joie, la joie parfaite,
que nul ne pourra vous ravir
et qui vous fera traverser
toutes les épreuves de cette terre !

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