FMJ Mtl3e DIMANCHE DE CARÊME – A
Frère Antoine-Emmanuel
Ex 17, 3-7 ; Ps 94 ; Rm 5, 1-2.5-8 ; Jn 4, 5-42
19 mars 2017
Maison de Prière, Mont Saint-Hilaire

Où est-Il ton Dieu ?

Le peuple d’Israël éprouvé et épuisé
dans la traversée du désert
finit par gémir et par crier :
« Le Seigneur est-il au milieu de nous, oui ou non ? » (Ex 17,7)
La question n’est pas celle de l’existence de Dieu,
mais celle de sa présence à nos côtés.
Dieu est-Il là quand nous traversons nos déserts ?
Dieu semble parfois nous envoyer au désert
et nous y laisser seuls !

Le psalmiste lui-même crie :
Je n’ai de pain que mes larmes jour et nuit.
À longueur de jours ils me disent :
« Où est-Il ton Dieu ? » (Ps 42(41),4)

Où est Dieu ?
Que nous répond l’Évangile de ce dimanche ?
Il est en train de nous attendre…

Dieu m’attend au puits.
À l’heure la plus chaude du jour,
Jésus est au puits
et Il m’attend.
Jésus a envoyé ses disciples faire les courses
et Il est là seul qui m’attend.

Le puits n’est pas un lieu quelconque !
Le puits est le lieu de la rencontre :
on se retrouve au puits ;
on y vient chaque jour et
on s’y rencontre, on s’y dévoile…
C’est plus encore le lieu où se noue l’amour.
Pensez à Rebekka qui y rencontre
celui qui cherche une épouse pour Isaac.
Pensez à la rencontre de Jacob et Rachel
ou pensez à Moïse et Cippora…

Mais la femme de Samarie, elle, y va tout seule
et volontairement, à l’heure où il n’y a personne.
C’est une femme blessée, profondément blessée.
Elle a un homme dans sa vie
qui n’est pas son mari.
Cinq autres hommes l’ont précédé.
A-t-elle eu des enfants ? Qu’en a-t-elle fait ?

Elle cherche l’amour
et elle cherche à se cacher.

Elle cherche la chair
et elle cherche à échapper à la honte.

Elle cherche la vie
et elle cherche à fuir.

Où est Dieu ? Où était Dieu ?

Dieu l’attend au puits.
Jésus l’attend pour la sauver
des contradictions où elle s’est plongée,
des ambigüités où elle se noie.
Le mal est toujours un filet
qui se ferme sur nous et nous rend captifs.

Mais Jésus est là qui l’attend.
Jésus est assoiffé et lui demande à boire.
Et Jésus n’aura pas d’eau pour étancher sa soif,
car après la rencontre, la femme laissera la cruche vide.

Mais la soif de Jésus était d’abord
la soif de lui donner Vie.
Jésus est assoiffé de nous donner à boire.
Quelle eau veut-Il nous donner ?
Une eau qui ressemble à celle du puits de Jacob
qui a deux caractéristiques :
c’est une eau très profonde
et c’est une eau courante.
Une source profonde et jaillissante.

Voilà ce que Jésus veut nous donner :
une Source profonde,
plus profonde que toutes nos facultés ;
plus profonde que notre mémoire,
notre intelligence et notre volonté ;
plus profonde que notre humilité,
notre affectivité et nos émotions.
Une Source qui irrigue tout cela,
pour que rien de ce qui nous constitue
soit privé de cette Eau de grâce et de miséricorde,
de bénédiction et de pardon.

Et une Source vive, jaillissante,
c’est-à-dire toujours nouvelle, toujours fraîche.
L’Amour de Dieu répandu dans nos cœurs (Rm 5,5),
comme Paul nous le dit aujourd’hui,
n’est pas un concept froid ou un cliché défraîchi :
c’est une Source toujours nouvelle, toujours surprenante.

Et Jésus ajoute trois petits mots :
pour la Vie éternelle (Jn 4,14).
Ce n’est pas une Source qui s’arrête avec notre mort ;
une Source qui s’arrête
quand notre cœur s’arrêtera de battre. Non !
C’est une Source qui jaillit et jaillira éternellement.

L’espérance ne déçoit pas dit Paul,
car l’amour de Dieu a été déversé dans nos cœurs
par l’Esprit qui nous a été donné (Id.)

Mais d’où vient-Elle cette Source ?
Moïse a fait jaillir l’eau d’un rocher au désert brûlant de l’Horeb,
c’est-à-dire de l’endroit le plus improbable, le plus impossible.
Et Jésus, de quel rocher, de quel désert fait-il jaillir
cette Source profonde et éternellement jaillissante ?

C’est au désert de sa Passion, de sa mort, de sa crucifixion,
qu’Il a Lui-même creusé la Source.
Par son obéissance, par son humilité,
Jésus a brisé le rocher de nos cœurs endurcis par le mal
et Il l’a fait jusqu’au bout,
jusqu’à mourir en abandonné comme un maudit de Dieu ;
jusqu’à faire jaillir la Source de l’Amour éternel
au cœur même de nos déserts.

Où est-il ton Dieu ?
Il est au plus profond de nos blessures,
dans les replis les plus insalubres de nos cœurs
et Il y creuse un chemin
pour que la Source de l’amour purifie tout,
lave tout, embellisse tout…

Où est-il ton Dieu ?
Il t’attend au puits
pour que tu deviennes un témoin de cette Eau vive,
pour que tu travailles avec Lui à la brisure des cœurs,
à la révolution de la tendresse.

Où est-Il ton Dieu ?
Il t’attend dans ton frère, ta sœur
qui s’épuise et se perd en plein désert.
Il t’attend dans le cœur de ceux qui pleurent.
Il t’attend dans la vie de ceux qui n’ont plus d’espérance.

Où est-il ton Dieu ?
Dans le don de cette Eucharistie
où Il vient dégeler en nous la Source vive du baptême
pour qu’elle jaillisse pour l’éternité.

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