FMJ Mtl4e DIMANCHE DU TEMPS ORDINAIRE– A
Frère Antoine-Emmanuel
So 2, 3 ; 3, 12-13 ; Ps 145 ; 1 Co 1, 26-31 ; Mt 5, 1-12
29 janvier 2017
Maison de prière, Mont-Saint-Hilaire

Le Ciel, c’est le monde à l’envers

Les trois lectures de ce dimanche
nous font découvrir merveilleusement
ce qu’est le chemin de l’Évangile.
Ce chemin que nous sommes appelés à parcourir ensemble,
chemin de liberté, de vie et de joie.
Chemin qui mène au Ciel
et qui nous mène au Ciel
parce que nous mènerons les autres au Ciel.

Par où commence ce chemin ?
Où est son point de départ ?

Regardez quel est le premier mot de la Première lecture :
« Cherchez » (So 2,3).
Le chemin de l’Évangile est et sera toujours
celui de la recherche, de la quête…
Il ne sera jamais un chemin tout tracé comme une autoroute,
mais un chemin à chercher.

« Cherchez ». Oui, mais chercher quoi ?
« Cherchez le Seigneur » (Id).
Chercher Son visage, chercher Sa volonté, chercher Ses traces.
Chercher en chaque personne le reflet de Son Visage.
Chercher le Seigneur, car Il Se laisse trouver (cf. Is 55,6).

Et encore ?
Cherchez la justice,
c’est-à-dire chercher ce qui est ajusté à Dieu,
ce qui nous ajuste à Dieu.
Il s’agit de se laisser déplacer,
de renoncer à chercher à plaire aux autres
et encore moins de satisfaire nos passions.

Et encore ?
Cherchez l’humilité.
La chercher comme on cherche un trésor.
Et si tu la trouves dans un champ,
vends tout ce que tu as,
achète le champ et ne quitte plus le trésor.

Parce que l’humilité est le trésor des trésors.
Si tu trouves l’humilité, sache que tu as trouvé Dieu,
ou plutôt, que Dieu est venu te trouver.
L’humilité, c’est la liberté de l’âme.
La prison de l’orgueil a cédé, ses verrous ont éclaté,
et te voici libre.
Libre pour aimer.

Le chemin de l’Évangile commence donc par cette quête,
cette quête continuelle, du Seigneur,
de Sa justice, de Son humilité.

Et où ce chemin mène-t-il ?
Paul nous répond… dans l’Église,
dans cette communauté fort originale
qui est marquée par trois mots :
folie, faiblesse et mépris.
Et même plus : folie, faiblesse, mépris et rien (1 Co 1,28).

Qui Dieu a-t-Il choisi ?
Qui rassemble-t-Il dans son peuple ?
Ce qui est fou.
Ce qui est faible.
Ce qui est méprisé.
Ce qui n’est pas, c’est-à-dire
tout ce que l’homme charnel en moi refuse.

Le goût de Dieu n’est pas le goût de l’homme charnel en nous !
Mais le goût de mon âme, de ton âme… oui !
Parce que folie, faiblesse, mépris et kénose,
c’est bien le Visage du Christ, n’est-ce pas ?
C’est le Visage de notre Bien-Aimé.
C’est Lui qui nous attire au secret de notre âme.
C’est Lui qui nous donne le goût de ce dépouillement ;
qui transforme nos vies ;
qui liquéfie nos cœurs.

Sous le charme du Bien-Aimé,
attiré par son amour crucifié,
notre âme brûle,
elle crie son désir de pauvreté et d’humilité.
Notre âme crie son désir d’être libérée
de tous les artifices, les écrans et les dépendances qui l’oppriment.
Notre âme a soif du Dieu vivant (cf. Ps 41,3),
et elle sait qu’elle ne Le trouvera que sur le chemin
de la folie de l’amour,
de la faiblesse de l’amour,
du mépris qu’encoure celui qui aime le Christ,
et même de l’anéantissement de soi.

« Ce qui n’est pas, voilà ce que Dieu a choisi
pour réduire à rien ce qui est » (1 Co 1,28).
C’est déjà ce que pressentait le prophète Sophonie
en parlant du reste, du petit reste.
« Je laisserai chez toi un peuple pauvre et petit » (So 3,12).
C’est ce petit reste des amis de Dieu,
qui réduira à rien ce qui est.
Quand l’Église deviendra un petit reste
constitué de ceux qui gardent les commandements de Dieu
et le témoignage de Jésus (Ap 12,17).
Le reste constitué par les « enfants » de la Vierge,
nous dit l’Apocalypse.
Alors, il faudra nous souvenir
que ce qui n’est pas, voilà ce que Dieu a choisi
pour confondre ce qui est (1 Co 1,27).

Et que nous dit enfin l’Évangile
de ce chemin de folie et de faiblesse ?
L’Évangile c’est le regard de Jésus
posé sur notre monde, sur notre humanité.
L’Évangile, c’est notre humanité visitée par Dieu,
et donc éclairée, illuminée par Dieu.
Ce que nous ne voyons pas,
Dieu le voit, Jésus le voit.

Quand nous, nous voyons des larmes
sur le visage des souffrants,
Jésus voit ces larmes.
Il les voit plus que nous
parce qu’Il les recueille, Il les fait siennes.
Jésus compatit au-delà de tout ce que nous pouvons imaginer.
Mais Jésus voit aussi
que ceux qui pleurent en aimant le Seigneur
seront consolés.
Il voit déjà la consolation :
Il voit la tendresse du Père qui prend sur son cœur
chaque cœur douloureux qui se laisse aimer.
Jésus voit la consolation et il peut dire sans hésiter :
« Heureux ceux qui pleurent » (Mt 5,4).

Quand nous, nous voyons des artisans de paix,
des Gandhi, des Jean-Paul II, des Jean Vanier
qui semblent travailler en vain
parce que la paix est toujours compromise
par l’irruption de la violence qui vient des cœurs malades,
Jésus, Lui, voit l’œuvre de Dieu qui se fait ;
Il voit ces âmes de paix qui portent Dieu en eux
comme une lampe porte une flamme…
Et quand le monde les rejette,
Jésus, Lui, entend le Père qui les reconnaît, les bénit, les accueille
parce qu’ils sont Ses enfants.
Et Jésus peut proclamer :
« Heureux les artisans de paix » (Mt 5,9).

Quand nous voyons des gens pardonner
et parce qu’ils pardonnent, ils deviennent plus pauvres,
plus fragiles et moins crédibles aux yeux du monde,
Lui, Jésus, voit la Miséricorde du Père,
les enveloppe, les recrée, leur donne une beauté
que notre œil de chair ne peut pas voir.
Et Jésus peut proclamer :
« Heureux les miséricordieux » (Mt 5,7).

*

Combien nous serons surpris s’il nous est donné
d’accéder au Royaume.
Tout sera renversé de ce que sont les valeurs
et les idoles de notre monde.
Ce qui ici-bas est glorieux, ne sera que néant.
Ce qui ici-bas est méprisé, sera rempli de gloire.
Le Ciel, c’est le monde à l’envers.
Et nous pleurerons d’avoir perdu
tant d’énergie et de temps et blessé tant de personnes
pour chercher des bouts de pouvoir, de richesse et d’honneur
qui en fin de compte n’ont aucune valeur… tout au contraire.

Là-haut, il ne restera des Béatitudes qu’un seul mot : « Heureux ».
Heureux de Dieu ;
Heureux comme Dieu ;
Heureux en Dieu.
C’est là que mène le chemin de l’Évangile.
Si Dieu nous dépouille et Il le fait,
c’est pour nous rendre heureux.
Si Dieu nous éprouve et Il le fait,
c’est pour nous rendre heureux.

Et si demain on nous persécute
et que nous choisissions encore la faiblesse
et la folie de l’Évangile,
et que l’on nous persécute encore plus,
le Seigneur nous dit dès aujourd’hui :
« Réjouissez-vous, soyez dans l’allégresse,
car votre récompense est grande dans les cieux » (Mt 5,12).