FMJ MtlSamedi, 27e Semaine du Temps ordinaire – A
(Messe pour le P. Daniel Savioz, 2011)
Frère Antoine-Emmanuel
Jl 4, 12-21 ; Ps 96 ; Lc 11, 27-28
8 octobre 2011
Sanctuaire du Saint-Sacrement, Montréal

Suivons un Guide expérimenté

Jésus vient de faire un exorcisme très impressionnant
puisque l’homme libéré était jusque là muet
et s’est soudain mis à parler.
Le miracle est bouleversant,
et il est d’emblée contesté :
« C’est par le chef des démons
qu’Il expulse les démons » (Lc 11,15).

Cette contestation donne à Jésus
l’occasion d’enseigner la foule.
« Si c’est par le doigt de Dieu
que Moi J’expulse les démons, alors…
il est venu sur vous le Royaume de Dieu » (v. 20).
L’exorcisme qui vient de se produire n’est pas un prodige,
c’est un signe de ce que le Règne de Dieu est là !

Jésus va même être plus précis :
si Jésus libère des personnes, ce ne sont pas des gestes isolés,
c’est que Satan lui-même
a été vaincu et dépouillé de son « armure » (cf. v. 22).

Jésus est en train de révéler sa Seigneurie
sur toutes les forces du mal,
et Sa Seigneurie est telle que, dit-Il,
qui n’est pas avec moi est contre moi (v. 23).

*

Il y a alors parmi les gens de la foule,
une femme qui comprend la grandeur de ce rabbi de Nazareth.
Dans un réflexe féminin, maternel et magnifique,
elle dit à Jésus devant tout le monde :
« Heureux le ventre qui t’a porté
et les seins que tu as tétés » (v. 7).
En d’autres termes : quel honneur, quelle gloire pour ta mère !
Pour cette femme il y a deux visages extraordinaires :
Jésus et sa Mère, Jésus et Marie.

Or Jésus va contredire cette femme, la corriger,
comme pour dire : tu as tort de réserver la béatitude
à Moi-même et à ma Mère.
Tu ne vois pas que ma venue ouvre une béatitude,
une joie extraordinaire à un nombre incalculable
de femmes et d’hommes ?

Élargis ton regard ! Élargis ton cœur !
Dieu est plus grand et plus aimant que tu ne le crois.
Car heureux plutôt ceux qui entendent la Parole de Dieu
et qui la gardent, qui l’observent (v. 28).

Écouter la Parole de Dieu et l’observer, la vivre,
c’est ce que Jésus a fait en son humanité
en étant constamment à l’écoute de son Père ;
c’est ce que Marie a fait ;
c’est ce qui est offert à tous les humains,
à tous sans aucune exception.
Et c’est cela qui rend vraiment heureux !

*

Frères et sœurs quel appel extraordinaire
à élargir notre regard…
Le désir de Dieu n’est pas de rendre
deux ou trois personnes heureuses,
c’est de faire mûrir le vrai bonheur
dans le cœur de tous les humains.
Regarder les autres à l’école de Jésus,
c’est voir en chacun un bonheur possible,
un bonheur qui leur est offert.
Et c’est semer ce bonheur en semant la Parole de Dieu,
puisque c’est par elle et seulement par elle
que la personne humaine peut trouver sa plénitude de bonheur.

*

Ce regard bienveillant, ce regard qui redonne espérance,
combien de fois je l’ai vu sur le visage de Daniel.
Dieu seul est bon, et cette bonté, cette générosité,
nous l’avons vue se refléter en Daniel.
Et cela a été en lui le travail de la grâce.
Parce que Daniel portait depuis son enfance
une fragilité psychologique
qui l’a mené souvent à des dépressions
parfois très profondes.
Sa dernière grande dépression l’a cloué au lit des mois durant.
« Dans notre vie, disait-il au Printemps dernier,
nous connaissons des moments d’épreuves
où tout semble dégringoler autour de nous.
Dans ces moments-là, on n’arrive pas à s’apercevoir
que Jésus ressuscité est présent à nos côtés. »

Et il a cette confession qui dit
la nuit des sens qu’il a vécue :
« Plus nous prendrons du temps à nous tourner vers Jésus,
plus nous sentirons le poids quasi insupportable
de nos souffrances ».
Et il termine :
« Par contre, si nous nous arrêtons pour crier vers Lui,
pour épancher notre cœur bouleversé,
les réalités difficiles que nous vivons
ne nous apparaîtront plus insupportables :
le fardeau deviendra léger parce que le Christ
a déjà pris une fois pour toutes
l’immense poids de toutes les souffrances humaines
dans sa Passion et dans sa mort sur la croix ».

Daniel a tellement lutté ces dernières années.
Ce qui lui permettait de tenir,
c’étaient les médicaments,
mais là encore quel combat
pour ne pas tout attendre des médicaments;
c’était surtout, disait-il,
l’Eucharistie où il puisait une vraie force ;
l’Eucharistie, la Parole de Dieu, et la fraternité;
c’était enfin et tout particulièrement
de se remettre au service des autres comme prêtre.
Il vivait à plein quand il servait les autres.
Et que de bien il a fait,
alors même que la tendance à la dépression l’épuisait.

Il y a un an environ, il s’est consacré à Marie,
il s’est entièrement confié à elle,
et un nouveau chemin spirituel s’est ouvert
qui l’a conduit au mois de juillet dernier
à une étape essentielle de sa route avec Dieu :
celle de reconnaître sa tendance à vouloir tout maîtriser,
et sa décision – avec des effets très concrets –
de « se mettre à obéir » comme il me le disait.

Marie dont il redécouvrait la présence
l’a, disait-il, beaucoup aidé.
Saint Joseph aussi :
Daniel, pour parvenir à guérir de ses états dépressifs,
se faisait chaque jour une petite onction
avec l’huile de Saint Joseph.

Tout cela pour retrouver la vie et pour servir.
En un mot, pour aimer.
« Plus nous avançons dans la vie,
disait-il de cet ambon l’an dernier,
plus nous expérimentons combien il est difficile d’aimer,
d’aimer vraiment avec désintéressement,
d’aimer du fond du cœur Dieu et nos frères.
Cela demande toutes sortes de purifications
et ne s’apprend pas dans les livres.
Et de conclure :
La seule manière d’apprendre à aimer
c’est de nous laisser aimer par Dieu
car on ne peut aimer qu’en étant aimé soi-même d’abord »

Un jour il prêcha sur l’appel de Jésus à aimer nos ennemis
en prenant une image qui lui était chère :
celle des grandes marches dans les Alpes.
Nous voulons atteindre le pic le plus élevé,
perdu là-haut dans les glaces : l’amour des ennemis.
Le guide de montagne expérimenté, c’est Jésus
le bagage pour cette montée, c’est une pauvreté radicale.
car il s’agit de prendre la route en vidant auparavant
notre sac à dos de nos restes, de nos résidus, de peur,
d’anxiété, de découragement, de paresse, de tristesse,
et de mettre à leur place l’Esprit de Force, de Sagesse,
de Conseil, d’Intelligence, l’Esprit d’Amour, l’Esprit de Paix.
Ce à quoi Daniel nous invitait ensuite,
c’est à ne pas rester figé, à partir, à vraiment choisir d’aimer.
Je le cite :
On peut se retrouver parmi ces alpinistes pas sérieux
qui chantent, qui cueillent des fleurs,
qui partagent leurs impressions sur le projet de grimper
sur la montagne la plus haute du monde
et… en restant là sans jamais se mettre en route.
Pourtant, conclue Daniel,
atteindre ce sommet le plus haut n’est pas facultatif
On a pu penser que c’est pour quelques montagnards chevronnés.
Non ! C’est la volonté de Dieu pour chacun de nous
comme cela a été sa volonté pour Jésus son Fils.

Merci, Daniel, de nous avoir si bien indiqué
par ta vie, par ton combat,
le sentier étroit qui mène à la perfection de l’amour.
Avec toi nous confessons ce matin
que tous, tous, nous sommes appelés à la Béatitude de l’Amour
que la Parole de Dieu fait mûrir en nous.
Aide-nous de ton intercession !

*

« Quelle extraordinaire aventure
que la Vie éternelle qui commence ici.
Engageons,-nous sur ce chemin de vie
avec confiance, avec assurance,
même lorsque la nuit tombe, car nous savons
que le Soleil de justice poursuit son cours sans défaillir,
et sur sa force nous nous appuyons.

L’Esprit Saint nous dévoile le plan de Dieu,
en nous faisant lire les signes des temps,
en nous dévoilant le sens des événements de notre vie.
Tout semble être en place pour que nous nous lancions avec foi
dans la recherche inlassable de la volonté de Dieu.
Dans l’Eucharistie, nous recevons la lumière,
la joie et la force qui soutiendront sans cesse
notre désir de faire le bien à la suite de Jésus,
et telle est la très sainte volonté de Dieu. Amen »

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