FMJ Mtl25e DIMANCHE DU TEMPS ORDINAIRE – B
Frère Thomas
Sg 2, 12.17-20 ; Ps 53 ; Jc 3, 16 – 4, 3 ; Mc 9, 30-37
20 septembre 2015
Sanctuaire du Saint-Sacrement, Montréal

Retrouver l’enfant qui n’a pas peur d’être abaissé

Qui est le plus grand ?
C’est de cette question
dont les disciples discutaient en chemin.
Et lorsque Jésus leur demande
de quoi ils discutaient entre eux, ils se taisent.

Pauvres disciples !
Ils ont honte de dire à Jésus
le sujet de leurs conversations.
Ils ne sont pas libres.
Et Jésus est amené à les réprimander
comme des parents ou des éducateurs
réprimandent à l’occasion les enfants ou les jeunes
qui leur sont confiés.

D’où vient cette honte,
cette dissimulation des disciples ?
Il y a comme deux personnages en eux.
Il y a comme deux personnages
en chacun /chacune d’entre nous.
Un personnage qui veut bien suivre le Christ,
sur son chemin d’humilité, de service,
et un autre qui convoite par derrière la première place,
l’honneur, la richesse et la puissance.
« Malheureux homme que je suis – s’écriait saint Paul – (Rm 7,24),
le bien que je veux, je ne le fais pas
et le mal que je ne veux pas, je le fais » (cf. v. 19).

Mais d’abord suis-je vraiment convaincu que c’est mal,
ou du moins que cela ne me fait pas de bien ?
Avoir la première place ! Allons donc !
Cela me permet d’avoir de l’influence,
de recevoir beaucoup d’avantages, d’être admiré.
Alors je vais prêcher l’humilité à la suite de Jésus crucifié,
mais je vais aussi jouer des coudes
et donner de la voix pour passer devant nom frère, ma sœur
pour avoir cette place qui, selon moi, me revient
et que, d’après moi, je mérite bien plus que lui, qu’elle !

Je ne vois pas qu’en marchant sur mon frère, ma sœur,
pour être plus grand que lui, qu’elle,
je prépare mon frère/ma sœur
à marcher à son tour sur moi
pour être à son tour plus grand que moi…

Face à cela, Jésus propose un remède radical :
« Si quelqu’un veut être le premier,
qu’il soit le dernier de tous et le serviteur de tous » (Mc 9,35).
Si je suis le dernier et le serviteur de tous,
les autres ne chercheront plus à m’abaisser,
mais serai-je élevé pour autant ?

Quand Jésus annonce à ses disciples sa Passion,
son abaissement extrême,
ils ne comprennent pas, ils ont peur de l’interroger.
Ils ne sont pas encore prêts
à embarquer avec Jésus sur ce chemin.
Alors ils se mettent à discuter entre eux
pour savoir qui est le plus grand.
Ils essaient d’échapper à ce chemin d’humilité
que Jésus leur propose.
Ils oublient cependant que si Jésus a annoncé qu’Il serait tué,
II a aussi annoncé que le troisième jour, Il ressusciterait.

Donc, n’ayons pas peur !
Si nous prenons la dernière place à cause de Jésus,
nous ne perdrons pas la première place
que Lui nous a préparée.

La dernière place !
Il ne s’agit pas non plus de la rechercher pour elle-même.
Le bienheureux Charles de Foucault disait
que de toute façon, Jésus a tellement pris la dernière place,
que nul ne pourra jamais la Lui ravir.

Souvenons-nous de Pierre,
qui avait juré de donner sa vie pour Jésus
et qui s’est retrouvé à le renier.
Il ne s’agit pas d’être présomptueux.
Il est une façon orgueilleuse
de chercher à s’humilier devant les autres.
Le juste dont parle le livre de la Sagesse
et qui est persécuté par ceux qui méditent le mal
– étonnante annonce de la figure de Jésus Lui-même,
un siècle avant – ce juste donc, ne cherche pas la persécution.
Il vit dans la justice, la droiture, selon sa conscience.
Et il se trouve bien des personnes autour de lui
qui ne supportent pas sa conduite.
En refusant de désobéir à la loi de Dieu,
le juste consent à se retrouver pour un temps
à la dernière place en étant humilié
par ceux qui prennent plaisir à désobéir à la loi de Dieu.

Combien d’entre nous vivons cela d’une façon ou d’une autre,
dans notre travail, parmi nos amis, dans notre famille
ou à l’occasion de telle ou telle rencontre.
Un tel est objet de moqueries
parce qu’il ne prend pas part aux paroles
ou agissements scabreux de ses pairs.
Tel autre est agressé parce qu’il se désolidarise
d’agissements malhonnêtes de ses camarades.
Ou tel autre est raillé simplement
parce qu’il prie ou croit en Dieu.

Lorsque nous vivons cela,
grande est la tentation du ressentiment ou du découragement.
Saint Jacques nous dit aujourd’hui
que la sagesse qui vient de Dieu
est d’abord droiture, tolérance, compréhension, miséricorde.
Lorsque nous nous retrouvons derniers, à cause de Jésus,
il importe aussi que nous ne perdions pas cela de vue,
afin de ne pas tomber dans la convoitise,
la jalousie, la violence, la course aux richesses
en raison des frustrations
que notre situation d’humiliation nous cause.

À ce propos, le geste et les paroles de Jésus avec l’enfant,
à la fin de l’Évangile de ce jour, nous éclairent.
Jésus ne nous demande pas de nous écraser
en serrant les dents et en attendant des jours meilleurs.
Jésus nous appelle à retrouver
ce qu’il y a de meilleur dans l’enfant qui est en nous.

En prenant un enfant,
en le plaçant au milieu de ses disciples,
en l’embrassant,
Jésus veut nous sortir de toute perspective
de rapport de force, de calculs.
Jésus dit ensuite à ses disciples que celui ou celle
qui accueille en son nom un enfant comme celui-ci,
c’est Lui qu’il accueille.

Accueillons donc les enfants,
mais accueillons surtout l’enfant
qui est en nous,
qui a de grands désirs,
qui n’a pas de problème à s’abaisser,
à se faire le dernier s’il le faut ;
car il sait que Quelqu’un qui l’aime est là
pour le relever car son cœur est droit et pur.

« Le Fils de l’Homme est livré aux mains des hommes ;
ils le tueront et trois jours après, Il ressuscitera » (Mc 9,31).
Plus besoin de fuir la Passion du Christ.
Plus besoin de chercher
à être le plus grand en nous dissimulant.

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