FMJ Mtl10e DIMANCHE DU TEMPS ORDINAIRE – C
Frère Antoine-Emmanuel
1 r 17, 17-24 ; Ps 29 ; Ga 1, 11-19 ; Lc 7, 11-17
5 juin 2016
Sanctuaire du Saint Sacrement, Montréal

Un cortège de mort devenu cortège de fête

Avez-vous vu cette foule ?
Il y a aujourd’hui une foule « assez dense »,
nous rapporte Saint Luc,
une foule qui fait route par les rues de Naïm.

Une foule d’hommes et de femmes
qui ont de belles valeurs,
puisqu’ils sont là pour entourer une veuve
qui vient de perdre son fils unique.
Il y a de la solidarité et de la compassion
parmi ces citoyens qui marchent aujourd’hui dans la ville.

Mais il y a aussi un double drame.
Celui de la solitude.
Cette veuve privée désormais de son fils unique
est la figure de la terrible solitude
qui assèche les cœurs et attriste les âmes.
Car il n’est pas bon que l’homme soit seul (Gn 2,18).

Mais plus douloureux encore, et même scandaleux,
le drame qui hante les cœurs de cette foule est la mort.
La mort est là.
Et personne ne peut rien faire contre elle.
La mort absorbe la vie, tue la vie, anéantit la vie.
Et cette foule citadine marche inexorablement vers une tombe.

C’est une sorte de procession vers la mort,
que rien ni personne ne peut arrêter.
On peut anticiper la mort.
On peut s’en croire maître en décidant de tuer ou de se tuer,
mais c’est encore une victoire de la mort,
la plus terrible victoire de la mort.

La foule traverse la ville avec tout ce qu’elle propose,
mais elle sort de la ville pour plonger dans la tombe.
La ville est incapable de faire vivre éternellement ses enfants.
Elle finit par les rejeter, par les enterrer…

Mais ce jour-là, le flot a soudain changé de direction,
la foule a fait un demi-tour jusque là inconnu.
Aux portes de Naïm, ceux qui cheminaient vers la mort
ont viré de 180 degrés
et les voilà qui reviennent vers la ville dans une joie éclatante.
Le cortège de la mort est devenu cortège de fête.
La ville qui vomissait des êtres pour la mort
est devenue cité de la joie
où l’on célèbre la victoire de la vie.

Que s’est-il donc passé ?
Qui donc est venu ?
Qui a pu renverser cette procession macabre ?
Jésus !
Jésus ce jour-là entrait dans la ville de Naïm.
Jésus est dans la rue.
Jésus pris d’une compassion immense devant cette femme
à qui la mort a ravi et son mari et son unique enfant.

Jésus, bouleversé par la douleur de cette femme
que la mort a détroussée de toutes ses joies,
et a laissée à demi morte au bord du chemin (cf. Lc 10,30),
Jésus, nous dit Saint Luc,
est remué jusqu’aux entrailles pour elle (Lc 7,13).
Dieu est plus bouleversé que nous
devant les blessures que la mort nous inflige.

« Ne pleure plus » dit Jésus à cette veuve éplorée (Id.).

Et ce n’est pas une parole sans contenu
qui tente maladroitement de consoler l’inconsolable.
C’est une parole d’autorité, une annonce de vie.
Ne pleure plus parce que Celui qui est la Vie
est venu jusqu’à toi.
La mort t’a tout volé, mais il y a devant toi
Celui qui brise le pouvoir de la mort.

Mais un homme, fut-il saint,
peut-il briser le pouvoir de la mort ?
Élie lui-même, dût par trois fois
se coucher sur la dépouille de l’enfant et supplier Dieu.
Dieu seul peut agir sur la mort,
et Il n’a jamais fait que la retarder.
La mort reste toute puissante.
Pourquoi touches-tu la civière de mon enfant ?
Pourquoi perturbes-tu le rite
qui est notre seule et maigre consolation ?

« Jeune homme, je te le dis : éveille-toi » (Lc 7, 14).
Jésus parle à un cadavre ;
Jésus lui ordonne de se réveiller de la mort.
Jésus a donc confiance que sa parole
est plus puissante que la puissance même de la mort.
Jésus ne s’est pas allongé sur le cadavre à la manière d’Élie.
Jésus n’a pas supplié Dieu.
Jésus a interpellé le mort.
Sa Parole est allée chercher l’enfant
qui était saisi par la mort.
Alors le mort se dresse, assis,
et il commence à parler (Lc 7,15).

Et que fait Jésus ?
Il prend l’enfant avec Lui ? Non !
Il le donne à sa mère (Lc 7,15).
Jésus rétablit la communion,
Jésus brise la solitude.
En Jésus ceux que la mort séparait
retrouvent la joie du vis-à-vis,
la joie d’être ensemble,
la joie de louer ensemble.

Alors, le cortège s’en retourne vers la ville.
La ville n’est plus condamnée à être déserte ;
la ville n’est plus condamnée
à être dépouillée de tous ses habitants,
tous avalés par la puissance de la mort.

La ville, avec Jésus, devient lieu d’espérance.
Parce que la mort est privée de sa nourriture disent les pères,
elle meurt.
Et parce qu’elle meurt,
l’espérance de la Jérusalem céleste
brille à l’horizon de l’histoire…

*

Frères et sœurs, c’était à Naïm…
Et aujourd’hui ?
Les foules urbaines sont encore là…
Et la solitude est toujours là…
Et la mort est toujours là !

Mais la solitude et la mort n’ont plus le dernier mot
depuis que Jésus est venu les habiter par son Mystère pascal.
Au fond de la solitude, Jésus est là qui nous offre son amitié.
Au fond de la mort, Jésus est là qui nous offre sa résurrection.
Et c’est bien cela que depuis deux jours
nombre d’entre vous ont annoncé aux citoyens sur la rue.
À travers vous, à travers nous,
Jésus a manifesté sa présence et sa tendresse sur l’avenue.

À travers vous Jésus a donné et donne vie…
C’est magnifique comme une vie peut être transformée.
C’est ce qu’illustrent les panneaux
mis sur les murs de l’église et sur l’avenue.

Je vous lis celui de Paul qui est un écho de la deuxième lecture :

J’avais la haine.
Je détestais les chrétiens et j’ai tué
hommes, femmes et enfants pour cela.
J’avais les mains pleines de sang.

Il m’a pardonné… (Saul (Turquie))
devenu apôtre du Christ.

Voici le texte d’un autre panneau :

J’ai voulu braquer une banque.
J’ai tué une police quand on a voulu m’arrêter.
J’ai été condamné à mort.

Il m’a pardonné… (Jacques (France))
en procès de béatification.
Note : Plus tard, Jacques a écrit :
« Je sais qu’il n’y a pas de crime
que Dieu ne puisse effacer. »

La résurrection commence ici-bas
quand une vie est transformée par l’amour de Jésus.
Et c’est de cela que nous sommes appelés
à être les témoins et les instruments
dans notre quotidien de chrétiens en pleine ville.

Je voudrais terminer en priant avec vous
une prière du Cardinal Newman,
une prière que Mère Teresa priait très régulièrement,
pour que chacune et chacun de nous
nous manifestions la présence de Jésus dans la ville,
pour que Montréal connaisse la joie qu’il y eut jadis à Naïm.

Cher Jésus,
aide-moi à répandre ton parfum où que j’aille.
Inonde mon âme de ton Esprit et de ta Vie.
Pénètre et possède tout mon être
si complètement que ma vie ne soit
qu’un rayonnement de la tienne.

Brille à travers moi et sois tellement en moi
que chaque âme que je rencontre
puisse sentir ta présence en mon âme.
Qu’en levant les yeux,
ce ne soit plus moi que l’on voie,
mais seulement Jésus!

Reste avec moi, et je commencerai alors
à briller comme Tu brilles,
à briller jusqu’à en être une lumière pour les autres.
La lumière, ô Jésus, sera toute de Toi,
aucunement de moi.
Ce sera Toi qui brilleras sur les autres à travers moi.

Que je Te loue ainsi de la manière que tu préfères
en brillant sur ceux qui m’entourent.
Que je Te prêche sans prêcher,
non par des mots mais par l’exemple,
par la force d’attraction,
l’influence bienveillante de ce que je fais,
l’évidente plénitude de l’amour
que mon cœur Te porte.
Amen.

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