FMJ MtlJEUDI SAINT – CÉLÉBRATION DE LA CÈNE
Frère Antoine-Emmanuel
Ex 12, 1-14 ; Ps 115 ; Co 11, 23-26 ; Jn 13, 1-15
2 avril 2015
Sanctuaire du Saint-Sacrement, Montréal

C’est Jésus qui me lave

Vous imaginez combien les apôtres ont été surpris ?
Jésus, Seigneur, le Maître, soudain à leurs pieds !
Là, par terre, à leurs pieds, à genoux,
en train de leur laver soigneusement les pieds
et de les essuyer….

Pourquoi ce geste ?
Pourquoi Jésus a-t-Il accompli ce geste si surprenant ?

D’abord, simplement, parce que ce geste s’inscrit
dans une obéissance à la loi.
On ne pouvait pas manger la Pâque,
le repas pascal, sans trois préalables :
enlever tout levain de la maison
parce que, pour la Pâque, on utilise du pain sans levain
pour signifier le départ en hâte des hébreux
lors de la libération d’Égypte.

Puis il fallait – du moins à l’époque du Temple –
choisir et aller faire sacrifier un agneau,
un agneau sans défaut.

La tradition voulait aussi un bain rituel de purification
avant cette grande fête.
Et les douze s’étaient baignés dans une piscine rituelle,
probablement proche de l’aire du temple.
Mais depuis, ils avaient parcouru la ville, avec leurs pieds,
et donc, pour que la pureté rituelle soit bien retrouvée,
cela avait du sens selon la loi que leurs pieds soient lavés.

Mais Jésus ne vient pas accomplir
de manière immédiate et scrupuleuse les commandements,
ils les portent à son accomplissement :
La purification dont les apôtres avaient besoin
n’était pas une purification par l’eau,
mais une purification par l’humilité de Jésus.

*

Et il y a plus.
Le texte de saint Jean nous fait comprendre que Jésus
prend soin de ses apôtres et veut les enseigner,
En d’autres termes, Jésus voudrait les arracher
à la mondanité spirituelle qui calcule toujours
pour obtenir de la puissance sur les autres.

Les hommes, vous, moi, nous sommes tous,
plus en moins en recherche de pouvoir, de puissance :
le pouvoir affectif les uns sur les autres,
le pouvoir politique, le pouvoir financier,
le pouvoir médiatique aujourd’hui,
mais le pire, c’est le pouvoir religieux.
Le pire.

Vous vous souvenez qu’un jour les apôtres
sur un chemin discutaient entre eux
de qui était le premier entre eux.
Et puis à la cène au cénacle, ils continuaient encore
à se quereller sur cette question là :
qui serait le premier.

Alors il fallait qu’ils voient de leurs yeux
Jésus à leurs pieds
et non seulement cela, mais qu’ils voient Jésus
aux pieds des autres.
Il est très important de regarder Jésus aux pieds des autres.
Cela nous montre le chemin, n’est-ce pas ?
Cela nous indique la véritable attitude.
Vous vous souviendrez de cette parole de Jésus
qui est tellement forte :
« Les grands font sentir leur pouvoir
mais vous, il ne doit pas en être ainsi » (Mc 10, 42-43)…
Vous, vous les chrétiens, vous les disciples…

*

Mais Jésus va au-delà.
Le geste du lavement des pieds
est plus qu’un enseignement ou un témoignage.
L’échange entre Pierre et Jésus va nous le faire comprendre.
Merci Pierre ! Merci d’avoir résisté
car maintenant, nous comprenons beaucoup d’autres choses.

Pierre dit : « Non ! Non jamais tu ne me laveras les pieds ! »
Et la réponse de Jésus fut :
« Si Je ne te lave pas,
tu n’auras pas de part avec Moi » (Jn 13,8).
« Si Moi, Jésus, Je ne te lave pas,
tu ne peux pas partager ce que je vais vivre
et ce que Je vais te donner.
Tu vas rester seul, isolé, perdu, malheureux.
Pour avoir part à mon Mystère pascal,
il faut que tu te laisses laver. »

Vous voyez le désir de Jésus ?
Le désir de Jésus est que Pierre,
et puis tous, et puis nous ici,
nous communions à sa mort et à sa résurrection,
c’est-à-dire que nous communions à son grand dépouillement
qui débouche dans la tendresse du Père.

Avoir part avec Jésus, c’est recevoir son Corps,
c’est recevoir son Sang, n’est-ce pas ?
Pas symboliquement mais réellement,
comme le don le plus précieux, le Pain vivant !
Je reçois Jésus, je le reçois en moi,
Je bois son Sang, je reçois sa vie
qui irrigue tout mon être.
C’est cela avoir part avec Jésus.
Cela s’appelle l’Eucharistie !

Et pour recevoir ce don de Jésus Lui-même
dans son Corps et dans son Sang,
la pureté rituelle de la loi bien observée ne suffit pas.
Il fallait qu’ils soient lavés par Jésus
à genoux à leurs pieds.
Lavés par l’humilité de Jésus.
Lavés par l’anéantissement de Jésus.
L’Eucharistie reçue par une âme qui trahit volontairement Jésus,
devient une condamnation, nous fait comprendre l’apôtre Paul.
(cf. 1 Co 11, 29)

Il fallait que l’humilité de Jésus lave les apôtres
de leur prétention, de leur vaine gloire, de leur péché,
de tout ce qui est absolument incompatible avec l’Eucharistie.

Alors, vous allez me dire :
l’Eucharistie est pour les purs ?
Non ! Il n’y a pas de pur, sauf Marie.
L’Eucharistie n’est pas pour les purs,
elle est pour ceux qui se laissent purifier,
décaper par l’humilité de Jésus.
Nous avons besoin d’être lavés par l’humilité de Jésus.
C’est pour cela que le sacrement du pardon
est tellement nécessaire pour vivre le Mystère eucharistique.

Quand nous méditons ce troisième regard
sur le lavement des pieds,
peut-être cela peut-il nous éclairer
sur quelque chose qui nous surprend toujours
dans l’Évangile de Jean :
cette purification du cœur est si importante,
que Jean ne raconte que cela!
Jean ne raconte pas les gestes et les paroles de l’Eucharistie,
qui étaient déjà très connue à la fin du premier siècle.
Bien connue de tous les chrétiens.

Jean nous raconte ce qui nous y introduit
comme pour nous dire :
tu ne peux te nourrir de l’Eucharistie
que si tu te laisses purifier le cœur par le Baptême,
par le Baptême de Jésus,
par l’eau de son humilité et de sa miséricorde.

Jean n’ignore pas l’Eucharistie.
Il en parle longuement dans le discours de Jésus
sur l’Eucharistie à Capharnaüm au chapitre 6 de son Évangile.
Il ne l’ignore pas mais il veut nous y conduire,
par le seul chemin qui y conduise,
c’est-à-dire : nous laisser laver par Jésus.

Tout à l’heure, le pape François est allé célébrer
la messe du Jeudi Saint, la messe de la Cène,
dans une prison de Rome, comme il l’avait fait l’an dernier.
Et là, figurez-vous qu’il a lavé les pieds
de six hommes et de six femmes de différentes nationalités
et il y avait un enfant dans les bras d’une maman
et il a lavé les pieds de l’enfant.
Et dans l’homélie, le pape a expliqué ce geste,
Il a dit l’importance d’être lavés.
Aux prisonniers, il a dit ceci :
« Mais moi aussi, j’ai besoin d’être lavé par le Seigneur.
Et par conséquent, je vous demande de prier pour moi
pendant cette messe afin que le Seigneur
me lave moi aussi de mes saletés
afin que je devienne d’avantage votre esclave. »

Le pape François a conscience qu’il a besoin
d’être lavé de toutes les saletés du cœur;
et moi aussi, et vous aussi,
pour devenir d’avantage serviteurs.
C’est-à-dire pour communier d’avantage
à la vie du Christ, à la gloire du Christ par le service.

Jésus a pris soin de ses apôtres,
Il a pris soin de laver les pieds de chacun d’entre eux,
de les laver avec son humilité.

Tout cela nous dit qu’il n’y a pas de mots pour décrire
l’immensité du don que prépare ce lavement des pieds.
Car le but ce n’est pas le lavement des pieds;
le but c’est l’Eucharistie.
Il n’y a pas de mots pour décrire l’immensité du don eucharistique.

Si cela était un symbole, il n’y aurait pas besoin de purification,
ni même du baptême.
Lorsque Jésus dit à Pierre, à Jean, à Jacques, à Simon,
à tous les autres et à Judas :
« Prenez et mangez, ceci est mon Corps » (Mt 26,26),
ce n’est pas un symbole.
Et ce n’est pas du théâtre non plus.
Jésus n’est pas un acteur.
En grec on dirait « hypocrite ».
Jésus n’est pas un hypocrite.

À ce moment là, Jésus livre son Corps.
À ce moment là, Jésus donne son Sang.
C’est pour cela que Jésus désire d’un grand désir
être avec les douze et célébrer cette Pâque.

C’est parce que c’est le moment du don.
Le pain et la coupe ne sont pas simplement un moyen
pour que les apôtres comprennent ce qui va se passer le lendemain,
c’est-à-dire que la mort sur la croix, c’est un don d’amour.

C’est plus que cela :
c’est déjà le don consommé de Soi-même que Jésus fait.
Je voudrais dire que Jésus « signe »,
mais c’est plus qu’une signature.
Jésus S’engage, de manière irréversible,
dans le don total et sans retour qu’Il fait de Lui-même.
Et de cela, Il a un grand désir.

L’Eucharistie, c’est beaucoup plus qu’un symbole.
C’est le don total que Jésus fait de Lui-même.
C’est Jésus qui Se donne.
Et l’Eucharistie que nous célébrons ce soir,
c’est exactement la même que celle
que Jésus a célébrée au Cénacle il y a 2000 ans.

Je termine en vous lisant quelques lignes de quelqu’un
qui est décédé il y a exactement 10 ans aujourd’hui :
le pape Jean-Paul II.
Et vous savez que le Canada a déclaré cette journée du 2 avril
la journée du pape Jean-Paul II.
C’est le Parlement qui a voté cela !

« L’Église a reçu l’Eucharistie du Christ son Seigneur
non comme un don, pour précieux qu’il soit parmi bien d’autres,
mais comme le don par excellence,
car il est le don de Lui-même,
de sa personne dans sa sainte humanité,
et de son œuvre de salut.
Celle-ci ne reste pas enfermée dans le passé,
puisque « tout ce que le Christ est,
et tout ce qu’Il a fait et souffert pour tous les hommes,
participe de l’éternité divine
et surplombe ainsi tous les temps… ».
Donc, c’est aujourd’hui que Jésus
nous donne son Corps et son Sang.

Pour cela, Il nous a appelés ce soir à venir et tu as répondu.

Quand l’Église célèbre l’Eucharistie,
mémorial de la mort et de la résurrection de son Seigneur,
cet événement central du salut est rendu réellement présent
et ainsi « s’opère l’œuvre de notre rédemption »
(Ecclesia de Eucharistia, n.11)
Voilà ce qui se passe ce soir.

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