FMJ Mtl2e DIMANCHE DU TEMPS ORDINAIRE – C
Frère Antoine-Emmanuel
Is 62, 1-5 ; Ps 95 ; 1 Co 12, 4-11 ; Jn 2, 01-11
14 janvier 2007
Sanctuaire du Saint Sacrement, Montréal

Le peuple de Cana

Il manifesta sa gloire
et ses disciples crurent en Lui (Jn 2, 11).

Il manifesta sa gloire !

Frères et sœurs, pourquoi Jean emploie-t-il
une expression aussi solennelle et grandiose ?

À Cana n’y a-t-il pas eu simplement un prodige, un miracle ?
Jésus n’a-t-Il pas simplement fait couler le vin à flots
dans un mariage à la campagne
par compassion pour des jeunes mariés bien humiliés ?

Pourquoi Jean parle-t-il d’une manifestation de gloire ?
Essayons pas-à-pas de dénouer cela !

Nous sommes donc à Cana,
un village dont le nom renvoie au verbe « acquérir ».
Le peuple de Cana,
c’est donc le peuple que Dieu S’est acquis.
Peuple à qui Dieu a révélé sa Flamme,
avec qui Il a fait Alliance.
Alliance de Vie avec Noé ;
Alliance d’élection et de bénédiction avec Abraham ;
Alliance de salut avec Moïse,
jusqu’à la Nouvelle Alliance
qu’annonçait les prophètes.
D’Alliance en Alliance,
le Dieu d’Israël S’est révélé
épris d’amour pour ce peuple
qui est le moindre de tous les peuples (Dt 7, 7)
mais à qui Il dit par le prophète Osée :
« Je te fiancerai à moi pour toujours,
Je te fiancerai dans la justice et le droit,
dans la tendresse et la miséricorde,
je te fiancerai à moi dans la fidélité
et tu connaîtras le Seigneur » (Os 2, 21-22).

Et aujourd’hui le Seigneur va plus loin encore
par la bouche du prophète Isaïe :
« Comme un jeune homme épouse une jeune fille,
Celui qui t’a construite t’épousera.
Comme la jeune mariée est la joie de son époux,
aussi tu seras la joie de ton Dieu » (Is 62, 5).
Tel est le don de Dieu.

Mais le peuple de Cana, le peuple acquis,
a perdu son amour d’antan.
Son amour pour Dieu est
comme la rosée qui tôt se dissipe (Os 13, 3).
Il ressemble à une noce où le vin est épuisé,
car le vin signifie l’amour et la joie des épousailles.
À Cana il y a les formes, il y a les rites,
mais il n’y a plus d’amour ;
les cœurs sont des cœurs de pierre,
vides comme les jarres de pierre qui sont vides.

Or c’est là, dans ces tristes noces, que vient Jésus.
Il descend dans ces noces amères où l’amour est tari.
Là où le péché a abondé,
il fait surabonder la grâce : (cf. Rm 5, 21)
le vin coule à flot !
Voilà la manifestation de sa gloire :
quand l’humanité retrouve l’amour et la joie,
quand la terre déserte (Is 62,4)
devient la bien-aimée qui célèbre l’Amour.

Les jarres de la purification
deviennent celles de la fête et de la danse.
La gratuité de l’Amour resplendit
comme le soleil en plein midi.
L’allégresse comme un torrent emporte
les amertumes et les tristesses d’un peuple
qui s’était coupé du Père et voguait à la dérive.

La Gloire de Jésus se manifeste dans ce peuple en joie
qui retrouve l’ivresse de l’Alliance,
qui redécouvre que Dieu est joie
et qu’avec Dieu, la vie devient une danse.

*

Mais, allons plus loin encore.
Tournons-nous maintenant vers le maître du repas.
Le repas était déjà bien avancé
et voici qu’on vient de lui porter
une coupe de vin excellent !

Surpris, vers qui se tourne-t-il ?
Vers le jeune marié,
car la tradition voulait que l’époux apporte le vin.
« Tout homme, lui dit le maître du repas,
sert d’abord le bon vin
et quand les gens sont ivres, le moins bon.
Toi, tu as gardé le bon vin jusqu’à présent ! » (Jn 2, 10)

Mais, nous le savons,
ce n’est pas le jeune marié
qui a servi cet excellent vin.
C’est un invité du repas,
originaire de Nazareth,
à peine arrivé de Judée : Jésus.
C’est Lui qui a apporté le vin.
C’est donc qu’Il est Lui le vrai Époux !

Le premier signe de Jésus,
duquel vont découler tous les autres signes,
c’est la révélation de Jésus-Époux :
« Voici l’Époux qui vient » (cf. Mt 25, 6).
Le Visage divin de l’Époux est enfin révélé.
En Lui, toute l’attente d’Israël trouve son exaucement.

Seulement l’attente d’Israël ? Non !
Notre attente aussi.
Il y a en nous une nostalgie sacrée
d’une union intime avec Dieu.
Notre âme attend le divin Époux,
attend son étreinte.
Et voici enfin révélé le Visage de l’Époux divin : Jésus.
Il est Celui dont Jean-Baptiste avait dit :
« qui a l’épouse est l’époux » (Jn 3, 29).
Jésus : Il est homme mais Il n’est pas comme tout homme ;
Il garde le meilleur vin pour la fin !
Avec Lui, la vie n’est pas une dégradation en cours.
Vivre avec Lui, c’est aller vers un plus grand amour.
En lui, notre vie va de commencements en commencements !

Car Lui nous entraîne dans l’Amour.
Lui nous entraîne dans les horizons
toujours nouveaux de son divin Amour.
« Voici que je fais toutes choses nouvelles » (Ap 21, 5).
« Je viens faire de Jérusalem une exultation
et de mon peuple une allégresse » (Is 65, 18).

Voilà bien la manifestation de la gloire de Jésus :
Elle se manifeste dans les noces, dans sa divine nuptialité.
À Cana, Il donne le signe,
signe qui annonce les noces de la croix.
Là, sur le Golgotha, Il a pleinement et définitivement
épousé notre humanité dans sa vie et dans sa mort.
Tout ce qui est humain, Il l’a fait sien
et l’a étreint de son Amour.
Étreint et donc sauvé.
La gloire de Jésus apparaît là :
« Il a aimé l’Église et s’est livré pour elle » (Ep 5, 25).

*

Frères et sœurs,
l’Évangile nous dévoile bien la gloire de Jésus.
Mais cette gloire, l’Époux veut nous la partager :
« Je leur ai donné la gloire que Tu M’as donnée » (Jn 17, 22).
Sa gloire nous vient dans notre consentement,
dans notre embrassement.
Elle vient quand nous buvons à la coupe du Vin nouveau !
Depuis que l’heure est venue, l’heure de la Pâques,
l’Église ne cesse de puiser et de porter le Vin
et la coupe nous est tendue à cette heure :
« Prenez et buvez-en tous » (cf. Mt 26, 27).

Voudrons-nous nous laisser enivrer par l’Amour de l’Époux ?
L’Époux est là !
Boirons-nous à sa coupe ?
Laisserons-nous son Sang couler dans notre être tout entier
pour y répandre l’Amour et la Joie ?
En d’autres termes,
nous laisserons-nous embraser par son Esprit ?
Aujourd’hui, l’Étreinte de l’époux
se fait effusion du Saint Esprit.

Aujourd’hui, si nous croyons,
l’Esprit Saint descend sur nous,
distribuant ses dons
à chacun de nous comme Il l’entend
pour faire de nous le Corps du Christ.
« Si tu crois, tu verras la Gloire de Dieu » (Jn 11, 40)
disait Jésus à Marthe.

L’Époux et l’Épouse ne feront qu’une seule chair
si nous nous ouvrons à l’Esprit Saint et à ses charismes.
« À chacun la manifestation de l’Esprit
est donnée en vue du bien de tous ! » (1 Co 12, 7)

Oui, que l’Esprit descende
sur notre communauté eucharistique,
nous donnant à chacun les charismes nécessaires
à l’édification du Corps du Christ
que nous sommes et devons devenir.

Qu’Il nous donne aussi à tous ensemble
un même charisme nécessaire
oui, toujours nécessaire à l’Église de Montréal :
le charisme de la prière, de l’adoration
comme une brûlure d’amour au cœur de l’épouse !

Que l’Esprit Lui-même suscite en nous tous
un désir nouveau,
une fidélité nouvelle à la prière silencieuse,
abandonnée, confiante,
en cœur-à-cœur passionné avec Jésus
tout entier livré et présent en son Eucharistie.
Pour cela, qu’intercède aujourd’hui pour nous la Vierge.

Marie, toi qui as présenté à Jésus le peuple de Cana,
présente à Jésus notre communauté eucharistique
pour que nous goûtions la sobre ivresse de l’Esprit
et que nous devenions un peuple de prière.

Pour la cause de Montréal,
nous ne nous tairons pas
jusqu’à ce que sa sainteté
se lève comme l’aurore
et que son salut et sa joie,
flamboient comme une torche !

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