sanct - smVendredi, 6e Semaine du Temps ordinaire – A
Mgr Jude Saint-Antoine
Jc 2,14-24.26 ; Ps 111 ; Mc 8, 34 – 9, 1
21 février 2014
Sanctuaire du Saint-Sacrement, Montréal
À l’occasion du 1er anniversaire de la mort de frère Pierre-Marie
Fondateur des Fraternités Monastiques de Jérusalem

C’est bien l’ami de Dieu que j’ai rencontré

Pour les disciples qui suivaient Jésus, hier encore, c’était pour eux un rêve exaltant. Mais aujourd’hui, en découvrant où Jésus les entraîne, c’est tout autre chose. La réalité de la mission de Jésus, celle d’un Messie souffrant et mis en croix, leur ouvre les yeux. Simon-Pierre, le premier, fait un pas en arrière avant de se remettre en marche. Cette réaction des disciples n’empêche pas Jésus de réaffirmer ce qui attend ceux qui acceptent de le suivre : « Si quelqu’un veut marcher derrière moi, qu’il renonce à lui-même, qu’il prenne sa croix et qu’il me suive ».

Il faut se rendre compte de ce que représente la croix pour le monde de l’antiquité : le supplice le plus abject et ignoble réservé aux êtres les plus vils. Prendre sa croix, renoncer à soi, c’est risquer le tout pour le tout, c’est risquer de perdre sa vie. C’est pourtant ce qu’exige Jésus pour le suivre. Perdre sa vie à cause de l’Évangile, c’est la gagner. Celui qui est centré sur son propre moi n’est pas fait pour cette mission, parce qu’il n’a pas compris que cette perte est un accomplissement. En donnant tout au Christ, le Christ nous donne tout, il nous donne sa vie qui ne peut s’acheter à aucun prix.

Au soir de Pâques, face au Ressuscité et à la Pentecôte, les apôtres ont compris le sens de ces paroles de Jésus. En renaissent à la vie de Dieu, celle du Ressuscité, ils sont prêts à aller jusqu’au bout de leur vie en la donnant aux autres. A la suite des Apôtres, le Père Pierre-Marie a fait le même choix. Après avoir connu une existence rayonnante dans l’exercice de son ministère presbytéral au diocèse de Paris, il a un jour reçu l’appel du Christ d’aller au large», d’accomplir une mission qui risquait de le prendre totalement, un engagement qui n’avait rien de commun avec ce qu’il avait vécu. Dans la solitude du désert, face au Christ, il a cherché à discerner cet appel: fonder au cœur de la ville une communauté monastique d’hommes et de femmes voués à la prière et au travail. C’était sans doute pour lui faire un saut dans le vide, risquer le tout pour le tout. Dans la foi, avec l’encouragement de son évêque, le Cardinal Marty, Pierre-Marie a plongé, il a risqué d’« aller au large ».

Enracinée d’abord à Paris, à Saint-Gervais, s’étendant dans plusieurs villes européennes, la Communauté des Moines et des Moniales de Jérusalem ne pouvait-elle pas traverser l’océan et s’établir à Montréal ? Après quelques échanges avec l’évêque du diocèse, Pierre-Marie a accepté, il y a déjà près de dix ans, une nouvelle fondation ici même, dans le sanctuaire du Saint- Sacrement déjà voué à la prière eucharistique depuis plusieurs décennies.

Après son ouverture, à la fête des Saints-Martyrs canadiens, j’ai répondu à plusieurs reprises aux invitations de son prieur. Aux mêmes moments, j’ai eu le privilège de célébrer avec le Père Pierre-Marie et de faire sa connaissance, en découvrant la prière des Moines et des Moniales dans ce havre de paix.

Le Père fondateur et supérieur de sa communauté m’est apparu comme un homme chaleureux et accueillant, à la stature d’un Père de l’Église, toujours en mouvement, toujours en route, mais capable de s’arrêter, d’écouter, de discerner et de décider. Uni au Christ dans la foi, la foi d’Abraham quittant son pays à la recherche de Dieu et« qui a fait de lui un juste, à cause de ses Actes », Pierre-Marie, un roc de foi, une foi toujours à l’œuvre et rendue parfaite par ses fondations, a mis en Dieu toute sa confiance. Aussi, « de ce fait, Dieu estime qu’il était juste et il reçut le nom d’ami de Dieu ».
C’est bien l’ami de Dieu que j’ai rencontré et écouté lors d’une retraite, animée par Pierre-Marie, à l’intention des prêtres du diocèse, à la villa Saint-Martin. Et quelle écoute : l’écoute de l’Évangile médite, prié et vécu par un témoin de Jésus, au verbe intarissable, une parole qui coulait de source sur l’Eucharistie, le cœur de la vie du prêtre. J’ai compris alors que route la vie de Pierre-Marie était centrée sur son eucharistie quotidienne, que chacune de ses pensées, chacun de ses gestes étaient nourris et abreuvés au Corps et au Sang du Christ, que toutes ses activités se ressourçaient au mystère pascal, à la mort et à la résurrection du Christ, le cœur de l’Eucharistie.

C’est le souvenir que je conserve de Pierre-Marie, disparu à notre regard depuis déjà un an mais toujours vivant dans notre mémoire et notre prière. Aussi, le témoignage de cet homme de foi, une foi enracinée et ensouchée dans la Parole de Dieu, nous incite à croire que « le Fils de l’homme » l’introduira « quand il viendra dans la gloire de son Père avec les anges ».

Amen!

© FMJ – Tous droits réservés.