FMJ MtlSamedi, 2e Semaine de l’Avent ‒ A
Frère Antoine-Emmanuel
Si 48, 1-4.9-11 ; Ps 79 ; Mt 17, 10-13
14 décembre 2013
Sanctuaire du Saint-Sacrement, Montréal

 

J’ai besoin de Jean. Et toi ?

Pourquoi fallait-il qu’avant la venue du Messie,
il y ait la venue d’un prophète, d’un nouvel Élie ?

D’ailleurs… est-ce que la venue de Jean
a été vraiment utile ?
Vraiment féconde ?

C’est la Croix, c’est la mort et la résurrection de Jésus qui nous sauvent.
Ce n’est pas l’ascèse de Jean qui nous a sauvés…

*

Pour méditer sur ces questions,
regardons trois réalités très ordinaires :

Que fait-on avant se semer un champ ?
On le retourne, on le laboure.
On brise la terre durcie par le temps et les saisons ;
on brasse la terre pour que la semence puisse s’y développer.

Et cela, on ne la fait pas une fois pour toutes.
On le refait au moins une fois par an,
pour pouvoir semer de nouveau.

Un autre exemple : lorsque l’on a une blessure, une plaie ouverte,
avant de poser un pansement, que fait-on ?
On nettoie la plaie.
On tente d’enlever toutes les traces d’infections
de rendre la plaie bien propre
pour qu’elle cicatrise.
Et cela on le fait plusieurs jours de suite
pour que la cicatrisation soit aussi saine que possible.

Un troisième exemple : quand nous demandons à notre ordinateur
d’installer une nouvelle version 3.0 d’un programme,que fait-il ?
Il commence par faire le nettoyage du 2.0.
Et il nous demande de patienter pendant ce travail « qui peut prendre quelques minutes… ».

Pour recevoir la semence, il faut retourner la terre.
Pour panser une blessure, il faut en extraire les infections.
Pour passer à une nouvelle version,
il faut se défaire d’un ancien programme…

Il y a là quelque chose de naturel
qui nous permet de comprendre la nécessité de Jean.

Avant que vienne le Roi Messie
qui va prendre soin du peuple,
surtout des petits et des pauvres,
et par qui la vie de Dieu va régner sur la Terre,
il faut préparer la terre ;
il faut extraire les infections ;
et il faut renoncer aux vieux programmes.

Sans cela la semence de la Parole
ne pourra déployer sa vitalité ;
l’infection dévastera l’œuvre de la grâce,
et les vieilles habitudes prendront le dessus.

Israël s’est ainsi ouvert à la perspective
qu’avant la venue du Messie
viendrait non pas un petit prophète de passage,
mais un prophète de l’envergure d’Élie.
Et Élie est le champion de la lutte contre l’idolâtrie,
un homme qui s’est levé comme un feu
et dont la parole brûlait comme une torche. (Si 48,1)

Le prophète Malachie l’annonce de cette manière :
Voici que je vais vous envoyer Élie, le prophète,
avant que ne vienne le jour du Seigneur,
jour grand et redoutable. (Mal 3,23)
Et que fera-t-il ?
Il va assainir ce qui constitue
l’articulation principale de l’humanité :
la relation père-fils, parents-enfants :
« Il ramènera le cœur des pères vers leurs fils »
–  pour qu’ils aiment leurs fils,
pour qu’ils leur transmettent la vie,
la foi, l’amour, l’espérance –
Et il ramènera le cœur des fils vers leurs pères,
pour qu’ils les respectent, les aiment,
pour qu’ils accueillent tout ce que leurs parents leur transmettent.

Et Malachie poursuit : il fera tout cela
pour que je ne vienne pas frapper la terre d’interdit. (Mal 3,24)
Cela veut dire que si la conversion prêchée par cet Élie
n’est pas accueillie,
la Terre deviendra tellement invivable
que Dieu devra nous l’interdire.

*

Qu’est-ce qu’a fait Jean ?
Jean-Baptiste a brassé le monde !
Il a dénoncé les injustices de son temps,
y compris celle des gens très religieux
qui pensent que ce sont les autres qui doivent se convertir.
Alors la semence du Christ,
la semence de la grâce, l’Évangile,
pouvait déployer sa vitalité dans les cœurs retournés.

La Parole de Jean-Baptiste faisait mal
tout comme le désinfectant fait mal à celui qui est blessé.
Et beaucoup ont rejeté Jean
en le traitant de possédé… (cf. Mt 11,18).

Jean a appelé les gens à se convertir,
à passer à une nouvelle version 3.0
de leur relation aux autres et à Dieu.
Il l’a fait par sa parole,
mais plus encore par sa vie.
Non pas une vie qui fait carrière,
qui monte dans la hiérarchie religieuse,
mais une vie qui descend, jusqu’à mourir.
Non pas emporté visiblement par un char de feu,
mais la tête tranchée
pour une sombre histoire de gloriole et de danseuse…

Une vie tellement en descente
que les apôtres étaient incapables
de reconnaître en lui le grand Élie.

Il a fallu que Jésus leur ouvre les yeux.
Le « Fils de l’homme » si glorieux dans le livre de Daniel
devait passer par l’ignominie de la croix.
Le nouvel Élie si impressionnant dans le Livre de Malachie
devait passer par l’abjection d’une mort dégoûtante…

Ainsi en est-il des amis de Dieu.

Et nous-mêmes…
si nous voulons passer à une vie chrétienne 3.0
où l’amour et l’humilité règnent davantage dans notre vie,
nous avons besoin que ces jours-ci
le message de Jean retourne notre terre
et désinfecte nos blessures…

Moi, j’ai besoin de Jean !
Et toi ?

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