«Hinnèni ! Me voici !» Partir en pèlerinage, c’est répondre à Dieu par ce hinnèni. Me voici Seigneur, avec ma tête, avec mains, avec mes pieds, avec mon cœur. Partir en pèlerinage en Terre Sainte, c’est se mettre à la disposition de cette terre qui nous parle de l’Alliance et du Royaume, et découvrir qu’en effet, «le Seigneur est en ce lieu» ! C’est marcher dans les pas des patriarches dans le désert, nous arrêtant avec les prophètes pour puiser un peu de cette eau qui jaillit de façon inexplicable au milieu des rochers ; nous perdre dans le dédale des rues de Jérusalem dans les pas de Jésus qui monte au Temple ; monter au tombeau avec Marie-Madeleine et les apôtres ; scruter les bords du lac de Galilée pour découvrir qu’Il est là sur le rivage ; s’arrêter un instant dans le calme et la fraîcheur de la grotte de Nazareth avec Marie…
> Voir le reportage photos (© C. Babski) sur le portail des Fraternités de Jérusalem. <
Au désert
Nous étions 108 pèlerins de Paris, Bruxelles, Montréal, Strasbourg, Cologne, répondant à cet appel à sillonner la Terre Sainte, à nous nourrir de ce «cinquième évangile». Notre premier regard fut pour Jérusalem, pour contempler cette ville dont nous portons le nom, avant de commencer notre immersion dans la Parole par la Genèse et la messe de la création dans les jardins dominant la ville, nous donnant de sentir la vie qui y foisonne.
Les premiers jours, avec les patriarches au désert, nous ont appelés à un lâcher-prise, un abandon à la manière d’Abraham qui, confiant en Dieu, est prêt à offrir son fils Isaac. Lâcher-prise du quotidien, des affaires laissées derrière soi, pour entrer dans le désert, pour faire l’expérience de la rencontre de Dieu qui nous y attendait. Expérience du hinnèni d’Abraham et du surcroît accordé par Dieu dans le désert près d’Arad ; expérience du combat et de la bénédiction de Jacob au Mont Avnon ; expérience de fraternité avec Joseph au Maktesh Hakatan ; expérience de la marche avec Dieu comme Moïse et le peuple en exode au Maktesh Ramon… et, chaque soir, la douceur du Kibboutz de Mashabei Sade nous accueillait pour refaire nos forces, nous permettant de poursuivre notre marche.
Au fil des jours, l’aridité du désert nous a révélé la beauté de la création : rochers, plantes, fleurs, oiseaux, insectes et reptiles, et surtout des sources d’eaux insoupçonnées nous introduisant peu à peu à la Source d’Eau vive, par l’évocation du Messie avec la messe de saint David dans les vestiges de la basilique d’Avdat, et la marche des prophètes sur les bords de la source jaillissante d’Ein Guedi. La fraîcheur du jardin botanique du Kibboutz d’Ein Guedi a accueilli notre méditation sur les Sapientiaux.
Jérusalem
Puis, longeant la mer Morte, nous avons rejoint Jérusalem en chantant les psaumes des montées. «Ô ma joie quand on m’a dit : allons à la maison du Seigneur ! Et maintenant s’arrêtent nos pas dans tes portes, Jérusalem.»
Mais avant d’entrer dans la ville sainte pour y rencontrer le Christ, il nous fallait encore faire un détour par le désert pour y entendre la prédication du Précurseur. Au fil de l’eau, qui se révèle à chaque instant si précieuse, nous avons suivi les traces de Jean-Baptiste sur les sentiers escarpés le long des gorges du Wadi Kelt. Passant par Jéricho, nous avons rejoint Bethléem où, après une halte à la Basilique pour prier dans la grotte de la Nativité, nous avons rejoint le monastère bénédictin melkite de l’Emmanuel, installé au pied du mur, pour y célébrer la messe de la Nativité.
De retour à Jérusalem pour marcher à la suite du Seigneur, nous avons chanté les laudes du Jeudi Saint dans la grotte de Gethsémani avant de partir pour Siloé et Bethesda, afin de vivre l’expérience pascale offerte à l’aveugle et à l’infirme. Le soir, c’est au cœur de la cité, dans la basilique de l’Ecce Homo que nous avons célébré la messe du Jeudi Saint, puis l’office de la nuit ; les bruits étouffés de la ville résonnant sous les voûtes de l’église.
C’est auprès des escaliers romains à Saint-Pierre-in-Gallicante que nous avons chanté les laudes du Vendredi Saint et évoqué le reniement de Pierre, avant de suivre Jésus dans sa Passion au long des rues de la ville. L’après-midi, les jardins de la basilique Sainte-Anne nous ont accueillis pour les confessions et un Chemin de Croix, puis nous y avons célébré la Passion.
L’aurore du jour de la résurrection a vu quelques courageux se rendre au tombeau, dans le Saint-Sépulcre, de bon matin, avant de gravir le mont des Oliviers pour célébrer la messe de la Résurrection. « Dites à mes frères d’aller en Galilée : c’est là qu’ils me verront. » Alors nous ne nous sommes pas attardés et avons pris la direction de la Galilée.
En Galilée
Chemin faisant, nous nous sommes arrêtés à Naplouse, pour rencontrer le pasteur de la petite communauté catholique latine et boire au puits de Jacob, désireux cependant de continuer le chemin à la rencontre du Christ ressuscité pour goûter non pas seulement l’eau terrestre, mais l’Eau vive proposée à la Samaritaine.
Dans la lumière de la Résurrection, nous avons entrepris de mettre nos pas dans ceux de Jésus sur les bords du lac de Tibériade, en commençant par méditer les béatitudes, ce «portrait intérieur du Christ», comme le dit Benoît XVI, avec l’invitation à nous mettre «en route» !
Nous nous sommes donc mis en route, dans les gorges d’Arbel pour nous mettre à l’école de Jésus à travers les paraboles, puis nous avons rejoint le bord du lac à Magdala, où les vestiges d’un village et d’une synagogue du premier siècle ont été récemment mis à jour. Nous sommes ensuite montés dans la «barque», célébrant l’eucharistie dans la nouvelle église dédiée aux femmes de l’Évangile. À Capharnaüm, nous nous sommes nourris de l’Eucharistie auprès de la maison de Pierre.
Le lendemain, c’est un autre hinnèni que nous avons entendu devant l’autel de pierre de Tabgha. Mettant sur mes lèvres la parole d’Abraham, j’y ai renouvelé devant la communauté rassemblée ma profession monastique pour trois ans. Quelle joie de se mettre à la suite de saint Jean proclamant : «C’est le Seigneur !».
Puis remontant aux sources du Jourdain pour y renouveler notre promesse baptismale, nous avons poursuivi notre route jusqu’au mont Thabor, évoquant la Transfiguration. Le lendemain, à Nazareth, nous nous sommes mis à l’école de Marie et de Joseph, un élan pour vivre de manière extraordinaire le quotidien sur lequel s’ouvre ce pèlerinage.
Avant de repartir, nous avons retrouvé Jérusalem, pour y vivre les laudes de l’Ascension, puis la messe de Pentecôte à l’église Saint-Vincent-de-Paul chez les Petites sœurs des pauvres.
Enfin, comment ne pas évoquer la richesse des rencontres de ce temps béni en Terre Sainte : les rencontres entre pèlerins venant de tous horizons (venus notamment pour la Pâque juive ou pour la Pâque orthodoxe), celles avec les gens de cette terre, juifs, chrétiens, musulmans, qui font de Jérusalem un lieu unique où cette promiscuité génère des tensions, mais aussi de grandes joies ; et qui appelle notre prière pour que, selon le désir du Seigneur, «tous soient un» !
«Appelez de beaux jours sur Jérusalem : paix à tes tentes !»
frère Marc-Abraham
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