FMJ Mtl32e DIMANCHE DU TEMPS ORDINAIRE – B
Frère Thomas
1 R 17, 10-16 ; Ps 145 ; Hé 9, 24-28 ; Mc 12, 38-44
11 novembre 2012
Sanctuaire du Saint-Sacrement, Montréal

Pour la religion de la pauvre veuve…

Dans l’évangile de ce dimanche
nous pouvons relever trois types de personnes religieuses
– religieuse au sens de vivant sa religion.
Il y a d’abord ces scribes qui tiennent à sortir en robes solennelles :
ils font de leur religion une carrière,
pour obtenir prestige et richesse.

Il y a ensuite ces gens riches
qui mettaient de grosses sommes dans le trésor du Temple :
ils vivent une religion du minimum, du juste-ce-qu’il faut.

Il y a enfin cette pauvre veuve
qui déposa deux piécettes dans ce même trésor :
elle est de ceux qui se donnent entièrement,
corps et âme, à Dieu, aux hommes.
Jésus est de ceux-là… l’Église est de ceux-là.

*

Ils étaient passionnés de la Loi, de la Loi de Moïse.
Ils l’étudiaient, ils la scrutaient jour et nuit.
« Tes mains m’ont fait et fixé, fais-moi comprendre,
j’apprendrai tes commandements ». (Ps 118, 73)

Ils étaient des scribes, amoureux de la Torah.
Leurs pères avaient refusé l’idolâtrie
des Babyloniens, celle des Grecs.
Et eux refusent l’idolâtrie des Romains envahisseurs.

Mais voilà, les premiers rangs
qui souvent leur étaient dévolus dans les synagogues
les ont grisés.
Ils voulaient aider le peuple d’Israël
avec leur connaissance de la Loi,
mais ils ont fini par le dominer.

Ils voulaient le nourrir de la Parole de Dieu,
ils ont fini par dévorer ses biens
en détournant la Loi à leur profit.

Ils voulaient prier l’Éternel,
ils ont fini par ne plus avoir
qu’une prière de façade, toute extérieure.
C’est là le danger de tous ceux et celles
qui veulent sérieusement mettre en pratique une religion.
Et ce danger nous guette nous aussi les chrétiens.
Utiliser la religion pour notre profit.
Détourner la religion.

Jésus disait pourtant :
« Celui qui voudra devenir grand parmi vous
sera votre serviteur » (Mc 10,43).
ou encore « Je ne suis pas venu pour être servi
mais pour servir » (10,45).

Beaucoup de nos contemporains de fait
gardent hélas le souvenir de responsables d’Église
dominants, abusant de leur autorité
un peu comme les scribes décriés par Jésus.

Nos contemporains nous incitent donc
à nous garder de ce travers pointé par Jésus.
Même si leurs jugements vis-à-vis de l’Église et des religions
sont souvent injustes ou erronés,
ils nous poussent par ce harcèlement verbal
à vivre une véritable sainteté.

C’est comme si l’Esprit Saint se servait d’eux
pour faire revenir les chrétiens à l’authenticité de l’Évangile,
comme Dieu s’était servi des Babyloniens
pour faire revenir les enfants d’Israël
de l’idolâtrie au culte véritable.

*

Ils étaient riches, aisés,
et voulaient contribuer par leurs richesses
au culte du Dieu d’Israël, au Temple de Jérusalem.

Ils étaient riches, ils mettaient une part de leurs richesses
pour contribuer à la gloire du Dieu d’Israël,
pour permettre au peuple d’Israël de vivre selon la Loi de Dieu.
Mais que faisaient-ils
avec ce qui leur restait de leurs richesses ?
Nous ne le savons pas.
Mais ce n’est pas eux que Jésus a remarqué
et donné en exemple au Temple.

Là encore, pour ceux et celles qui sont attachés à une religion,
grande est la tentation d’en faire le minimum,
de s’acheter son salut à bas prix en quelque sorte,
de donner de son superflu – comme dit Jésus.
Cette tentation est bien présente chez nous, chrétiens.

« Combien de fois devrais-je pardonner à mon frère
– demande Pierre à Jésus – jusqu’à sept foi ? » (cf. Mt 18,21).
Et Jésus répond :
« Jusqu’à 70 fois 7 fois » (cf. 18,22).
c’est-à-dire sans limite.
Et Saint Paul dit :
« Soyez toujours joyeux, priez sans cesse » (1 Th5, 16-17).
Le même Saint Paul dit :
« J’aurais beau distribuer tous mes biens aux pauvres,
j’aurais beau livrer mon corps aux flammes
si je n’ai pas la charité je ne suis rien » (1 Co 13,3).

C’est le danger de la dichotomie
entre la vie de prière, de piété, de bienfaisance même
et la vie de tous les jours, dans nos relations,
dans notre travail, dans nos loisirs.
Souvenons-nous de Jésus qui dit à ceux et celles qui avancent,
qu’ils ont mangé en sa présence,
enseigné sur les places,
chassé des démons en son nom :
« Je ne vous connais pas.
Éloignez-vous de moi, vous tous qui faites le mal » (Lc 13,27).

Même nous, moines et moniales,
qui pourtant passons beaucoup de temps à la liturgie
ou à la prière personnelle silencieuse
même nous ne sommes pas à l’abri
de cette spiritualité du minimum.

*

Voilà donc une pauvre veuve qui s’avance
et qui dépose deux piécettes dans le tronc.
Jésus la remarque.
Elle est pauvre, sans ressources véritables,
comme pouvaient l’être les veuves à cette époque.
Quelqu’un avait dû lui faire don de ces deux piécettes
pour qu’elle s’achète de quoi manger
ou de quoi se vêtir convenablement. Eh bien non !
Elle met ces piécettes dans le trésor du Temple, pour le Seigneur !
« Elle a tout donné – dit Jésus –
tout ce qu’elle avait pour vivre » (cf. Mc 12,44).

De fait souvent les pauvres sont généreux.
Ils savent ce que c’est que de manquer.
Alors quand ils voient plus pauvre qu’eux, ils se plaisent à l’aider,
même avec le peu de ressources qu’ils ont.
Telle la veuve de Sarepta,
qui sert à boire et à manger au prophète Élie.

C’est ce que Jésus attend de nous.
Non pas que nous soyons misérables,
mais que nous ayons un cœur de pauvre.
Non pas que nous nous réduisions à la gêne
en donnant nos biens sans discernement,
mais que nous nous donnions nous-mêmes.
Dieu a horreur des demi-mesures.
En Jésus-Christ, Dieu S’est livré totalement à nous.
Il nous a donné sa Parole, son amour, son corps entre nos mains.
Il attend que nous nous livrions totalement à son Amour,
chacun à la place qui est la sienne,
chacun selon la vocation qui est la sienne.
Et si nous n’y arrivons pas,
d’offrir à Dieu notre incapacité, notre pauvreté.

La pauvre veuve, c’est Jésus.
La pauvre veuve, c’est l’Église,
c’est l’Épouse de l’Agneau, du Christ
appelée à se donner totalement à son époux.

Que le Seigneur nous garde de pratiquer notre religion
en vue du prestige ou de la richesse.
Qu’il nous garde de la religion du minimum, des demi-mesures.
Laissons-nous enseigner par la pauvre veuve de l’Évangile.
Laissons-nous enseigner par les pauvres du Seigneur, par les saints
– plus nombreux en ce monde que nous ne le pensons –
pour vivre la religion du don total de nous-mêmes
à Celui qui nous a fait le don total de Lui-même.

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